Laurence Laignel,une directrice des soins « pur produit de l’ascension sociale » - Objectif Soins & Management n° 0297 du 01/02/2024 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0297 du 01/02/2024

 

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Claire Pourprix

  

Issue de la filière infirmière, Laurence Laignel est directrice des soins-coordinatrice générale des soins au CHU d’Angers. Elle nous livre sa vision du management et détaille les missions de l’Association française des directeurs de soins qu’elle préside.

C’est à Paris que Laurence Laignel a fait ses premiers pas à l’hôpital : diplômée de l’école d’infirmières de la Pitié-Salpêtrière en 1987, elle y travaille pendant deux ans avant de partir s’établir à Angers. Infirmière en service d’orthopédie traumatologie, réanimation chirurgicale cardiaque et thoracique, cancérologie ou surveillance post-interventionnelle (SSPI Urgence) : elle a embrassé la profession avec passion bien plus que par vocation. « Après mon bac scientifique, je souhaitais être biophysicienne. Mais l’école de biophysique étant privée et extrêmement onéreuse, j’ai dû y renoncer et j’ai passé le concours d’école d’infirmière, explique-t-elle. Ce métier était cohérent avec mes études et j’avais déjà effectué des remplacements à l’hôpital de Pontivy pendant les vacances d’été. Finalement, cette profession s’est révélée passionnante : elle requiert énormément de connaissances socles pour répondre aux besoins des patients et un diagnostic clinique très clair. Bien sûr il faut aussi aimer les autres, comme dans beaucoup d’autres métiers. »

Participer à la vie de l’équipe

Rapidement, elle occupe un poste de faisant fonction de cadre et intègre l’école des cadres du CHU d’Angers. De 1993 à 2002, Laurence Laignel occupe ainsi ses premiers postes d’encadrement au CHU et au Centre de lutte contre le cancer d’Angers dans un service de chirurgie hospitalisation conventionnelle et hôpital de jour, ainsi qu’en hépato-gastro-entérologie. Elle approfondit sa formation avec un diplôme universitaire de soins palliatifs en 1998. Puis, de 2002 à 2006, elle est cadre supérieur de santé au CHU d’Angers, au sein du pôle anesthésie réanimation.

« À chaque étape de mon parcours, j’ai été passionnée par mon métier et j’ai appris énormément. Ce qui m’a guidée au départ était l’envie de continuer à apprendre pour mieux répondre aux besoins en soins des patients, être plus juste dans les actes de soins et la dynamique relationnelle. J’ai approfondi ma connaissance des soins techniques, puis des soins chroniques en cancérologie ainsi que l’aspect relationnel des soins, les deux étant inextricables », souligne-t-elle.

L’envie de manager lui est venue progressivement. « J’ai toujours souhaité participer à la vie de l’équipe, c’est peut-être pour ça qu’on m’a incitée à faire l’école des cadres. J’ai découvert le management et j’ai trouvé cela passionnant. Donner envie aux équipes, dans un objectif commun, de répondre aux besoins en soins des patients et des organisations. Faire en sorte qu’une équipe, ensemble, apporte des idées nouvelles, se serve des difficultés du quotidien pour trouver des organisations plus adaptées. Coopérer et collaborer le mieux possible avec les médecins, les paramédicaux qui interviennent ponctuellement et ont besoin d’information juste. Apprendre à bien tracer dans le dossier du patient… Je me suis régalée ! »

Passer à une dimension politique et stratégique

Laurence Laignel, convertie au management, poursuit sa formation professionnelle avec un diplôme de directeur des soins à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) en 2007, puis un master 2 « Pilotage des politiques de santé et des actions de santé publique », toujours à l’EHESP, en 2011-2013. « La fonction de cadre supérieur, en tant que responsable de pôle d’activité, m’avait permis de découvrir la participation à la décision sur un niveau de pilotage. J’ai souhaité aller plus loin pour passer à une dimension plus politique et stratégique dans la participation à la décision, car il est important que la voix des paramédicaux soit entendue au plus haut niveau », confie-t-elle. Elle exerce alors successivement dans plusieurs établissements, tous dans l’Ouest de la France : Nantes, Ancenis, Le Mans, Saint-Nazaire, avant de revenir au CHU d’Angers en 2018, où elle occupe depuis décembre 2018 la fonction de directrice des Soins-coordinatrice générale des soins.

Faciliter l’exercice des professionnels de proximité

Sa mission consiste à piloter la politique de soins, l’organisation et le management des organisations des soins paramédicaux. Les professionnels paramédicaux représentent les deux tiers des effectifs de l’établissement, soit 3 875 personnes. « La direction des soins est partie prenante de la vie et du projet d’établissement et des projets du territoire. Mon objectif est de donner une cohérence aux décisions pour que les professionnels de proximité puissent exercer leur mission le mieux possible. Cela passe par une collaboration étroite avec le corps médical sur les nouvelles activités à mettre en place pour que chacun trouve sa place. Nous réfléchissons ensemble à l’organisation des soins, aux compétences adaptées aux postes de travail, et aujourd’hui tout particulièrement à l’attractivité sur des secteurs boudés par les professionnels de proximité. » En premier lieu desquels figurent la gériatrie et les pathologies de gastro-entérologie, des spécialités dans lesquelles les jeunes professionnels peinent à se projeter. Les difficultés de recrutement sont réelles, bien que le CHU d’Angers soit l’un de ceux qui ont le plus recruté en 2023. « Nous avons l’avantage d’être un CHU, d’offrir des activités de pointe, dans une région dynamique : cela donne des possibles assez visibles aux professionnels de santé et toutes les encadrants paramédicaux sont attentifs à rendre nos postes vacants attractifs. »

Au service des directeurs de soins

Parallèlement, Laurence Laignel est très investie dans l’Association française des directeurs de soins (AFDS). Après en avoir été vice-présidente pendant 7 ans, elle a été nommée présidente en octobre 2022. L’AFDS a pour objectifs de fédérer les directeurs de soins, quels que soient leur lieu d’exercice et leur fonction, de valoriser la fonction, son évolution statutaire et financière, de promouvoir les activités de soins, la formation, l’enseignement et la recherche dans le domaine des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques. Elle participe à la formation continue des directeurs de soins et leur diffuse l’information professionnelle. Enfin, elle accompagne la profession en développant les stratégies managériales, au sein d’un réseau de personnes ressources. « Dans ce cadre, nous travaillons en étroite collaboration avec l’Ancim, l’Association nationale des cadres de santé », précise Laurence Laignel.

L’AFDS est force de proposition auprès des instances représentatives et régulatrices de la profession. « En ce début d’année 2024, nous participons ainsi à différents dossiers avec la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) sur des thèmes majeurs : la sécurité et la santé des professionnels, la refonte du métier d’infirmier et la réingénierie de la formation d’infirmier. Nous participons aux travaux sur l’universitarisation des métiers de la santé auprès de la mission Ammirati et des groupes de travail spécifiques mis en place, explique Laurence Laignel. Nous prenons part aussi aux réflexions avec l’EHESP sur l’accès au grade de directeur de soins, le métier de directeur des soins étant en cours d’ajustement avec le Centre national de gestion et la DGOS, et sur l’évolution de la formation des directeurs de soins, qui est aussi dans la ligne de mire de la DGOS. » L’AFDS finalise par ailleurs une convention avec l’EHESP pour structurer leur collaboration, et avec la Médiation nationale de santé pour structurer la participation de l’association dans la diffusion des informations et des formations auprès des nouveaux professionnels de proximité ou au sein des instituts de formation. L’AFDS a aussi tissé des liens étroits avec la Fédération hospitalière de France (FHF), l’Agence nationale de la performance sanitaire et médicosociale (Anap), l’Association des directeurs d’hôpital (ADH) ou encore la Conférence des directeurs généraux de CHU et de CH, avec lesquels elle souhaite engager des travaux sur des thématiques communes en 2024.

La succession de ministres de la Santé ne facilite pas la tâche de l’association. « Les changements sont toujours déstabilisants pour une association professionnelle dont l’enjeu est d’être connue et reconnue pour participer aux réflexions et aux travaux de manière pertinente. Notre énergie vise à faire en sorte que les dirigeants nous identifient bien… Le travail est donc à refaire pour se faire connaître de la plus haute gouvernance. Toutefois, les équipes ministérielles ont assuré une bonne continuité sous l’intérim d'Agnès Firmin le Bodo et nous avons par ailleurs renforcé nos liens avec le ministère de la Fonction publique l’an passé, où nous étions jusque-là moins présents. »

Ascenseur social

Des institutions chères à Laurence Laignel, qui leur est personnellement reconnaissante. Promue Chevalier de la Légion d’honneur en juillet dernier, elle confie avoir « beaucoup de gratitude par rapport à la fonction publique en général, et le ministère de la Santé en particulier, qui permettent d’avoir une progression professionnelle telle que la mienne ou bien d’autres. Il existe peu de parcours où l’on peut être ainsi accompagné, reconnaît-elle. Je suis un pur produit de l’ascension sociale de la fonction publique et j’ai eu la chance de grandir professionnellement et personnellement grâce à ce parcours ».