La simulation - Objectif Soins & Management n° 0293 du 01/06/2023 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0293 du 01/06/2023

 

FONDAMENTAUX

INNOVATIONS MANAGÉRIALES

Laurent Soyer

   Infirmier   M. Sc (Recherche en sciences de l’éducation)   cadre de santé   formateur en Ifsi

  

La simulation est une méthode pédagogique active(1) basée sur l’apprentissage expérientiel et la pratique réflexive.

En France, au xviiie siècle, il existe un premier développement de la simulation en santé lié à une sage-femme auvergnate, Angélique du Coudray, qui forma, grâce à des mannequins en tissu, plus de 5 000 femmes. Aujourd’hui, la mise en œuvre de l’apprentissage par la simulation constitue une exigence du référentiel de formation de 2009, également repris au niveau de l’article 5 de l’arrêté du 26 septembre 2014 modifiant l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’État d’infirmier.

Objectifs

- Travailler l’agir professionnel à partir d’un scénario fondé sur une situation emblématique.

- Mettre en tension la tâche (« prescrite ») et l’activité (le réalisé).

- Analyser les pratiques professionnelles.

Étapes

Sur la base d’une durée d’une heure et demie :

- Vérification du laboratoire et accueil des participants : 10 mn.

- Prébriefing : 10 mn.

- Briefing : 10 mn.

- Simulation (mise en œuvre du scénario) : 10-20 mn.

- Débriefing : 30 mn.

- Clôture de la séance : 10 mn.

Fixer les règles de base (prébriefing)

- Poser un cadre sécurisant.

Confidentialité de la séance : utilisation de la vidéo (non-diffusion), ne pas communiquer le scénario aux autres groupes.

Droit à l’erreur.

Participation basée sur le volontariat.

- Préparer à la participation active du groupe.

Le rôle d’observateur est tout aussi important. Sans observateur, pas de débriefing !

Pendant le débriefing : la participation de tous est requise pour réfléchir ensemble sur l’activité réalisée.

Être bienveillant entre apprenants.

Pas de téléphone portable durant toute la séance.

Défi : empêcher le débriefeur de parler !

Animer la simulation

En règle générale, une simulation requiert a minima deux formateurs :

- un formateur facilitateur qui prépare le patient-acteur, montre le laboratoire et détaille le matériel pour chaque groupe d’apprenants, prépare le ou les apprenants volontaires pour participer à la simulation, gère la régie : tournage et retransmission de la séance (± enregistrement) ;

- un formateur briefeur/débriefeur qui accueille les apprenants, assure le pré-briefing et le briefing et anime le débriefing, c’est-à-dire conduit le débriefing de manière structurée, suscite les échanges entre apprenants, n’est pas interventionniste.

Le débriefing

Le ou les apprenants acteurs s’expriment toujours en premier, avant le groupe.

1er temps : vécu, réactions des apprenants et des acteurs, expression des émotions.

2e temps : description et analyse factuelle de l’activité réalisée.

3e temps : transférabilité/synthèse de la séance de simulation.

Clôture

- Retour sur les attendus de la simulation / l’atteinte des objectifs.

- Ne pas laisser partir le groupe sur une erreur non identifiée.

- Demander au groupe de conclure à l’aide d’un « take home message » (message fort à retenir).

Obstacles potentiels

- Aucun volontaire après l’annonce du scénario.

- Divulgation du scénario entre deux groupes d’apprenants.

- Problème technique (régie) en cours de simulation.

Méthodes pédagogiques actives

Préparation d’une simulation

- Rédaction des objectifs de la simulation : objectif général, objectifs cognitifs (connaissances), techniques (savoir-faire), comportementaux (relationnel, gestion d’équipe…).

- Rédaction du synopsis (résumé du scénario).

- Rédaction du scénario : contexte, histoire clinique du patient, évolution du scénario à prendre en compte par le formateur et le patient-acteur, éléments clés, éléments de fin du scénario.

- Rédaction des fiches de rôles du patient acteur, du formateur facilitateur (à quel moment et dans quelles conditions il est susceptible d’intervenir), des apprenants volontaires.

Mise en place du laboratoire

- Liste exhaustive du matériel nécessaire.

- Préparation de la salle de simulation : installation la plus conforme à la réalité.

- Préparation de la salle de débriefing : vidéoprojection de la simulation, installation du groupe en cercle au moment du débriefing.

- Préparation physique du patient acteur (chemise d’opéré, plâtre…).

Moment d’utilisation de la simulation

La simulation peut être utilisée :

- dans le cadre des unités d’intégration,

- pour travailler sur les représentations, la posture soignante, la relation soignant-soigné, la relation au corps (UE 4.1) et développer les compétences relationnelles (simulation avec patient standardisé, UE 4.2),

- pour réaliser des activités de soins complexes ou/et invasives en amont des stages,

- pour prévenir des événements indésirables (ex : accident d’exposition au sang, UE 4.5),

- pour réaliser des activités de soins dans des environnements complémentaires aux terrains de stages (réalité virtuelle),

- pour développer la démarche éducative (UE 4.6), etc.

Clés

Visée pédagogique : par définition, la simulation correspond à une reproduction artificielle des conditions réelles d’un milieu, d’un phénomène. Elle propose une immersion dans une situation d’apprentissage la plus proche du réel. Il existe une relation de cause à effet entre le réalisme de la simulation et l’efficacité des apprentissages.

Sécurité, principe éthique : « Jamais la première fois sur un patient »(2)

La simulation augmente le sentiment d’auto-efficacité (SAE) et donc la motivation des apprenants.

Elle facilite l’apprentissage expérientiel.

Elle renforce l’apprentissage grâce à l’approche multimédia (visuel et verbal).

Elle constitue une ressource cognitive pour les apprenants en stage(3).

Les séances sont reproductibles.

Critères d’évaluation

Groupe de 5 à 10 apprenants maximum.

Fidélité/réalisme de la simulation.

Respect des règles établies (prébriefing).

Participation active de l’ensemble des participants.

Dynamique de groupe efficace : constructive, interactive et bienveillante.

Posture réflexive et analyse constructive.

Respect du temps imparti.

Types de simulation

Patient « standardisé » : patient ou acteur volontaire.

Simulateur patient (haute ou basse fidélité) : mannequin pouvant être piloté par ordinateur.

Simulateur procédural : répétition d’un geste technique.

Simulation en 3D ou réalité virtuelle, ou kit de simulation (ex : combinaison sensorielle ou simulateur de vieillissement)(4).

Compétences développées par les apprenants

Compétences spécifiques et transverses (pensée critique, communication, leadership) ;

Compétences de communication interpersonnelle : expression orale en public, adaptation du message au public ;

Compétences relationnelles : écoute active ;

Compétences collaboratives : ouverture d’esprit, co-construire un consensus, agir pour atteindre des objectifs communs, négocier des choix collectifs… ;

Compétences de synthèse : structurer sa pensée, hiérarchiser ses idées ;

Compétences argumentatives : soutenir une position ordonnée et exprimer la cohérence de choix préférentiels (attentes de la formation)(5), stratégies de mise en discours, arguments suffisants ou acceptables.

  • Notes
  • 1. Soyer, L. et Tanda, N. (2022). Les méthodes pédagogiques actives. Pour catalyser l’engagement collectif des apprenants. Objectif Soins & Management, (285), 62-67.
  • 3. Barras, N. (2018). L’analogie entre situation de simulation et situation réelle de soins : une ressource cognitive pour l’infirmier novice. Objectif Soins & Management, (261), 45-49.
  • 4. Soyer, L. et Tanda, N. (2021). La formation. Dans M. C. Daydé (Dir.), Pratiques soignantes et crises sanitaires : témoigner, apprendre et prévenir (p. 103-120). Lamarre. Collection : Soigner et accompagner.
  • 5. Angenot, P. (1998). Discours pédagogiques, argumentation et réflexivité. Dans L. Lafortune, P. Mongeau et R. Pallascio (dir.), Métacognition et compétences réflexives (p. 417-430). Logiques.