Quitter la fonction publique... cessation de fonctions et perte d'emploi - Objectif Soins & Management n° 280 du 01/04/2021 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 280 du 01/04/2021

 

Écrits professionnels

Jean Marc Panfili  

Jusqu'à une période récente, les agents des fonctions hospitalières publique et privée ne bénéficiaient pas des mêmes prérogatives et par exemple, les agents de la fonction publique ne pouvaient pas prétendre à des mesures telles que la rupture conventionnelle de contrat ou le chômage. Dans l'objectif de faciliter la mobilité professionnelle, le passage d'un établissement à un autre, pour un même métier, la loi a changé en 2020.

L'article vise à préciser l'évolution des droits des agents de la fonction publique hospitalière en cas de suppression d'emploi et le cadre de la rupture conventionnelle d'engagement.

La Suppression d'emploi d'un agent de la Fonction publique hospitalière 

Le fonctionnaire hospitalier ou contractuel en CDI, dont l'emploi est supprimé en raison de restructuration de service, est soumis à de nouvelles dispositions.

L'article 93 de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, précisait une procédure de recrutement prioritaire au bénéfice de l'agent dont l'emploi était supprimé, et renvoyait pour son application à un décret qui n'est jamais paru. Les décisions prises sur cette base étaient systématiquement annulées (1).

Désormais, la loi précise que seul le fonctionnaire ou contractuel en CDI, dont l'emploi est supprimé en raison de restructuration de service, bénéficie d'un d'accompagnement visant à lui permettre de retrouver un emploi public ou privé, s'il ne peut être réaffecté sur un emploi vacant dans son établissement, et sauf s'il remplit les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein.

Le chef d'établissement doit informer l'ARS par tout moyen, de sa décision de supprimer un emploi avec dispositif d'accompagnement.

L'affectation nouvelle peut être dans la fonction publique hospitalière sur un emploi correspondant à son grade, ou dans un autre corps ou cadre d'emploi, de niveau au moins équivalent dans la fonction publique hospitalière, ou dans une autre fonction publique.

L'agent peut aussi être orienté vers un emploi dans le secteur privé à sa demande.

Ce dispositif intervient après avis du comité technique, qui est consulté et tenu informé de la mise en œuvre de la réorganisation et de son accompagnement.

L'agent dont l'emploi est supprimé doit être informé par tous moyens, des possibilités d'accompagnement personnalisé dont il dispose.

Enfin, pour l'agent qui, ayant bénéficié de tous les accompagnements, et de toutes les garanties prévues par la loi, ne retrouve pas d'emploi à l'issue de la procédure, l'article 93 dans sa nouvelle version ne prévoit plus le licenciement.

Réaffectation de l'agent dans la fonction publique hospitalière

L'agent peut être maintenu en activité auprès de son établissement, mais le décret no 2020-1106 du 3 septembre 2020 prévoit notamment une procédure de recrutement dans l'un des autres établissements hospitaliers du territoire.

Que ce soit pour un recrutement à la demande de l'autorité administrative, ou à la demande de l'agent, la priorité de recrutement s'impose à l'établissement recruteur au visa de l'article 93-III de la loi. L'établissement concerné est tenu de procéder au recrutement du fonctionnaire, voire au sein d'un Groupement Hospitalier de Territoire.

Mise à disposition dans le secteur privé

Par convention, en vue de sa reconversion professionnelle, l'agent peut bénéficier à sa demande d'une mise à disposition dans le secteur privé, après accord de l'organisme ou entreprise en question, pour une durée maximale d'un an.

La convention précise le cadre de la reconversion, le projet professionnel et le montant de la rémunération, qui ne peut pas être inférieur à 50 % de la rémunération mensuelle brute de l'agent mis à disposition.

Le dispositif d'accompagnement et la réaffectation

L'article 4 du décret prévoit que l'accompagnement de l'agent dure jusqu'à ce qu'une décision statutaire définitive soit prise, mais limite à 3 ans la durée de réorganisation, sans que soit précisée la correspondance avec la durée d'accompagnement.

Il s'agit manifestement d'une transposition aux établissements de la FPH, du conseil en évolution professionnelle prévu par le code du travail applicable à la fonction publique hospitalière, au visa de l'article 6 du décret no 2017-928 du 6 mai 2017 relatif au compte personnel d'activité.

L'article 6 du décret prévoit que l'agent concerné bénéficie d'un accès prioritaire de plein droit aux actions de formation nécessaires à la mise en œuvre de son projet professionnel, lorsque la formation envisagée est organisée dans le cadre du plan de formation de l'établissement.

Dans les autres cas, les modalités d'accès prioritaire, et la définition d'un plafond de financement, sont décidées par l'administration. La formation peut être éventuellement financée au titre du congé de formation professionnelle (CFP), mais sans référence au compte personnel de formation qui parait avoir été oublié. Ainsi, quand le projet professionnel nécessite une formation d'une durée totale supérieure à 12 mois, le congé de transition professionnelle peut être prolongé, à la demande de l'agent, par un CFP pour une durée cumulée de 3 ans maximum.

Mais, seule la durée d'un an est garantie, et en réalité le chef d'établissement dispose d'un pouvoir discrétionnaire important, notamment sur la durée de formation qui conditionne largement l'effectivité du dispositif. En effet, les hypothèses de formations qualifiantes pour reconversion sur une durée d'un an sont assez réduites.

L'article 93-II-2o de la loi a créé un congé de transition professionnelle censé permettre au fonctionnaire dont l'emploi est supprimé de suivre, en vue d'exercer un nouveau métier au sein du secteur public ou du secteur privé, une action ou un parcours de formation.

L'agent qui en bénéficie est considéré comme étant en position d'activité, et la période de congé de transition professionnelle est assimilée à des services effectifs dans le corps. L'agent conserve son traitement et une partie de ses indemnités.

Les articles 8 à 13 du décret no 2020-1106 du 3 septembre 2020 précisent que le congé de transition professionnelle doit être demandé deux mois avant le début de la formation, et il est systématiquement assorti d'un accompagnement personnalisé.

L'administration qui examine la cohérence de la demande avec le projet professionnel, la pertinence des formations et les perspectives d'emploi en fin de formation, doit motiver un éventuel refus. De plus, le congé peut être différé dans l'intérêt du service.

La Rupture conventionnelle dans la fonction publique Hospitalière

La rupture conventionnelle pour les agents publics est prévue par l'article 72 de la Loi no 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et possible jusqu'au 31 décembre 2025. Les modalités sont précisées par le Décret no 2019-1593 du 31 décembre 2019, et le Décret no 2019-1596 du 31 décembre 2019. 

• Une rupture par accord mutuel

La rupture conventionnelle consiste en un accord mutuel, par lequel un fonctionnaire titulaire ou un contractuel en CDI d'une part, et l'administration d'autre part, conviennent moyennant versement à l'agent d'une indemnité de rupture, des conditions de cessation définitive de fonctions. C'est-à-dire qu'en théorie elle ne peut en aucun cas être imposée par l'une ou l'autre des deux parties.

Le fonctionnaire stagiaire n'y a pas droit, ainsi que l'agent âgé d'au moins 62 ans et qui remplit la condition de durée d'assurance requise pour obtenir une pension de retraite à taux plein, ou bien si l'agent est détaché comme contractuel.

Bien que le texte soit silencieux sur le sujet, la rupture pendant un congé maladie d'un agent parait juridiquement risquée, l'agent étant par définition en situation de vulnérabilité ne lui permettant pas de consentir valablement. En outre, on ne peut exclure une « pression » visant à faire partir un agent.

• Une rupture encadrée

Quelle que soit la partie demandeuse, un entretien est organisé par l'administration dans un délai réglementaire, conduit par le supérieur hiérarchique ou par l'autorité disposant du pouvoir de nomination.

L'agent, après en avoir informé l'administration, peut se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale de son choix représentée au comité technique d'établissement, ou à défaut un représentant syndical de son choix.

L'entretien porte sur les motifs de la demande, le principe de la rupture conventionnelle, la date envisagée de la cessation définitive de fonctions, le montant envisagé de l'indemnité de rupture conventionnelle, et les conséquences de la cessation définitive des fonctions.

La convention de rupture répond au modèle fixé par arrêté ministériel du 6 février 2020, adapté en fonction des spécificités des administrations, mais elle doit obligatoirement contenir le montant de l'indemnité de rupture, et la date de cessation définitive des fonctions, déterminée par les parties d'un commun accord.

La date de signature de la convention de rupture est fixée par l'administration au moins quinze jours francs après l'entretien préalable. En effet, chaque partie dispose d'un délai de rétractation de quinze jours francs, permettant de se rétracter et d'annuler la rupture conventionnelle.

En conséquence, la date de cessation définitive des fonctions du fonctionnaire est fixée au moins un jour après la fin du délai de rétractation.

• Les conséquences de la rupture

La rupture conventionnelle impose le versement d'une indemnité de rupture à l'agent, entraîne sa radiation des cadres, et la perte de la qualité de fonctionnaire, mais elle donne droit aux allocations chômage si les conditions d'attribution sont remplies.

Un éventuel recrutement au sein du même établissement, dans les six ans qui suivent la rupture, implique le remboursement de l'indemnité de rupture. A ce titre, le fonctionnaire ou contractuel recruté doit attester sur l'honneur qu'il n'a pas bénéficié durant les 6 dernières années, d'une indemnité spécifique de rupture conventionnelle de la part de l'établissement.

Conclusion

Le dispositif de suppression d'emploi et son accompagnement est particulièrement sophistiqué, ce qui rend son application délicate en pratique, notamment dans les établissements de taille modeste qui sont dépourvus de services RH conséquents (EHPAD par exemple). En outre, l'administration disposera d'un large pouvoir discrétionnaire, notamment en matière d'accès à la formation et à son financement, source probable de contentieux. Toutefois, la loi ne prévoit plus le licenciement pour l'agent qui a bénéficié de tous les accompagnements, et de toutes les garanties prévues par la loi, et ne retrouve pas d'emploi à l'issue de la procédure, ce qui constitue une avancée certaine. Enfin, il est regrettable que le texte ne fasse pas référence au GHT, qui devrait logiquement constituer le périmètre de référence des réorganisations.

Quant à la portée réelle du texte sur la rupture conventionnelle, elle doit en effet être tempérée, au vu de la réponse du ministre interrogé, selon lequel « Il appartient aux employeurs de déterminer leur doctrine d'emploi de la procédure de rupture conventionnelle et en particulier de sa dimension indemnitaire, en lien avec l'ensemble des autres politiques de ressources humaines ». Le ministre admet d'abord comme « compréhensible qu'un temps d'adaptation ait été nécessaire aux employeurs pour ajuster leurs processus RH à ce nouveau dispositif », et surtout il estime « concevable qu'un employeur ne souhaite pas promouvoir la rupture conventionnelle au regard de ses préoccupations budgétaires ou en matière d'attractivité RH » (2). En d'autres termes, le dispositif est avant tout soumis aux exigences budgétaires, dont on sait qu'elles sont draconiennes. En outre, il ne concernera pas les métiers en tension pour lesquels les établissements peinent à recruter. Enfin, nous disposons à ce jour de peu de recul sur ce dispositif, mais si la rupture ne peut en aucun cas être imposée par l'une ou l'autre des deux parties, il y a lieu de s'interroger, comme pour les salariés de droit privé, sur la liberté de consentement de l'agent, compte tenu de l'asymétrie des situations respectives. En effet, si l'agent n'est pas en mesure d'imposer quoi que ce soit à sa hiérarchie, en revanche le principe de subordination et d'obéissance hiérarchique place de fait l'administration en position de supériorité.

(1) CE, 25 octobre 2017, No 405239.

(2) Question No 30399 JO 16/06/2020 Réponse JO 07/07/2020