Panorama de la santé de l'OCDE : La France pas si mal lotie - Objectif Soins & Management n° 272 du 01/12/2019 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 272 du 01/12/2019

 

Actualités

Anne Lise Favier  

OCDE

Chaque année, l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) publie une étude sur le système de santé de ses pays-membres et sur l'état de santé de ses habitants. La France figure plutôt en bonne place.

On pourrait croire, en voyant la crise des urgences et plus largement celle de l'hôpital, que le système de santé français est au plus mal. Difficulté à voir un médecin, délais de rendez-vous allongés, déserts médicaux, pénurie de personnels mais aussi de médicaments, tous les indicateurs semblent dans le rouge. Pourtant, dans le dernier panorama de la santé que vient de publier l'OCDE, la France se situe au-dessus de la moyenne pour 16 indicateurs sur les 20 étudiés (1). Selon l'Organisation, la France dispose d'un système de santé « relativement performant » si l'on en croit le rapport qui recense selon de nombreux critères l'état de santé des états membres de l'organisation : l'espérance de vie en France y est supérieure à la moyenne des autres pays (de plus de deux ans) et le reste à charge pour les patients parmi les plus faibles (2 %). De la même manière, la prise en charge des frais de santé représente un peu plus de 11 % du PIB, une des proportions parmi les plus élevées des pays de l'OCDE (la Suisse caracole en tête). Selon cette étude, l'évaluation de l'accès aux soins montre que 99,9 % de la population est « couverte » par cet accès aux soins et que la probabilité de pouvoir consulter un médecin est la plus élevée parmi tous les pays de l'OCDE. Les soins dispensés sont d'ailleurs également évalués sur la base du taux de mortalité dans les 30 jours suivant une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral : en France, sur cette base, les habitants disposent d'un système de santé de qualité, puisque ces taux sont plus bas qu'ailleurs, elle se place 6e sur 36, des chiffres qui correspondent d'ailleurs à la perception qu'en font les Français lorsqu'on les interroge sur leur système de santé.

Des infirmiers, mais mal payés

Du côté de l'hospitalisation, le nombre de lits, même s'il continue de décroître, se situe en France au-dessus de la moyenne de l'OCDE avec une moyenne de 6 lits pour 1 000 habitants (contre 4,7 pour la moyenne des pays) : il n'y a guère qu'en Corée et au Japon où les chiffres dépassent les 10 pour 1 000. Concernant la durée d'hospitalisation, souvent décriée en France, la France reste parmi les pays qui gardent le plus longtemps ses patients à l'hôpital : 9,9 jours en moyenne, pour une moyenne globale sur tous les pays de 7,7 jours. Et côté moyens humains, la France est bien dotée puisqu'elle dépasse la moyenne de l'OCDE concernant le nombre d'infirmiers pour 1 000 habitants avec 10,5 contre 8,8 sur l'ensemble des pays (elle est légèrement en deçà pour les médecins avec 3,2 médecins pour 1 000 habitants contre 3,5 en moyenne). Néanmoins, malgré leur nombre élevé, les infirmières françaises restent parmi les plus mal payées de l'OCDE : elles perçoivent en effet une rémunération inférieure de 5 % au salaire moyen en France (c'est au Mexique qu'elles sont les mieux payées). Le plan dévoilé par Édouard Philippe et Agnès Buzyn pourrait pallier partiellement à cette anomalie en dotant les infirmières d'Ile-de-France d'une prime de 800 € nets pour les salaires bas (cf. notre article « Plan de sauvetage de l'hôpital »), mais ne pallie pas le différentiel de manière systémique.

Des conduites addictives

En rentrant dans les détails de la santé française, le rapport de l'OCDE met en exergue les conduites addictives des Français. Concernant le tabagisme et l'alcool, la France se situe au-dessus de la moyenne de l'OCDE : un adulte sur 4 fume tous les jours tandis que la consommation d'alcool est supérieure de 30 % à la moyenne de l'OCDE. Rappelons que la mortalité prématurée due au tabac par an est estimée à 21 000 décès du cancer du poumon et plusieurs dizaines de milliers d'autres si l'on prend en compte les ravages cardio-vasculaires ; quant à l'alcool, il est à l'origine de 8 000 décès par an, sans compter les décès indirects (accidents de voiture). Selon l'OCDE, une meilleure prévention, pourtant déjà très active en France avec les campagnes de communication pour l'arrêt du tabac, permettrait d'éviter quelque 75 000 décès par an. Toujours au rang des pratiques à améliorer, la prescription d'antibiotique : malgré de nombreuses campagnes pour favoriser leur bon usage, les antibiotiques sont encore trop prescrits, avec 25 % de prescriptions supplémentaires par rapport aux autres pays de l'OCDE. Ce mésusage contribue à l'induction d'une résistance et représente des dépenses inutiles qu'il convient de juguler à l'heure où les dépenses de l'Assurance Maladie n'ont jamais été aussi élevées. Reste à voir si la nouvelle campagne « antibio malin » du ministère de la Santé permettra d'enrayer cette tendance à la surconsommation.

(1) en réalité, il y a 80 indicateurs, seuls 20 sont communs aux 36 pays