Objectif Soins n° 258 du 01/09/2017

 

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Claire Pourprix  

Trajectoire Ministre de la Santé par deux fois, Simone Veil a mené des réformes qui ont considérablement modifié la vie des femmes et celle de la profession infirmière.

Évoquer Simone Veil, décédée à 89 ans le 30 juin 2017, c’est tout d’abord vouloir lui rendre hommage. Et lui dire merci. Pour son combat sur le devoir de mémoire de la Shoah, pour sa pugnacité à défendre le droit des femmes, pour l’exemplarité qu’elle incarnait. Ministre de la Santé de 1974 à 1979 du gouvernement de Jacques Chirac, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, puis ministre d’État, des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville du gouvernement d’Édouard Balladur, sous celle de Jacques Chirac, de 1993 à 1995, elle est surtout célèbre pour avoir porté à bout de bras et dans une grande solitude la loi dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), promulguée le 17 janvier 1975. Simone Veil a non seulement permis aux femmes de conquérir le droit de donner naissance - ou pas -, mais a aussi sauvé nombre de vies. Avant que la loi qui porte son nom soit promulguée, on dénombrait en France 300 000 avortements clandestins, et 300 femmes en mourraient chaque année.

Naissance des infirmières générales

Réputée pour son caractère et sa détermination, Simone Veil était aussi une femme d’écoute et de dialogue. Elle a, comme ministre de la Santé, profondément marqué la profession infirmière. « C’est la meilleure ministre que nous ayons eue, affirme Catherine Duboys Fresney, directrice des soins* désormais retraitée. Grâce à elle, nous sommes passés d’un métier à une profession. Elle a réellement permis de structurer notre profession et nous lui devons beaucoup. » Simone Veil a aussi donné son nom à la Prime Veil, attribuée à la profession infirmière depuis l’arrêté du 23 avril 1975. Cette prime est toujours en vigueur (décret n° 88-1083 du 30 novembre 1988) pour les agents de la fonction publique hospitalière, et s’élève à 90 euros par mois, sauf pour les aides-soignants, pour lesquels le calcul est différent. Sous son ministère, le corps infirmier connaîtra la plus forte augmentation de salaire de leur histoire. Mais, surtout, une reconnaissance du groupe infirmier inédit avec la création du certificat de cadre infirmier en 1975 (décret n° 75-928 du 9 octobre 1975) et du grade d’infirmière générale, responsable des soins infirmiers à l’hôpital, et du terme de « service infirmier » (décret n° 75-245 du 11 avril 1975 et circulaire n° 22/04 du 31 juillet 1975). « Avec ces textes, Simone Veil a signé la reconnaissance du service de soins infirmiers, dont la direction est confiée à l’infirmière générale. Elle devient donc membre de l’équipe de direction, alors essentiellement administrative, avec une représentation médicale. Cette structuration du corps infirmier a aidé l’ensemble de la profession à devenir autonome et responsable », souligne Catherine Duboys Fresney. Pendant ce mandat, Simone Veil est aussi la première à avoir fait voter une loi dans le cadre de la lutte contre le tabagisme (loi Veil du 9 juillet 1976). Un comble pour cette « femme moderne » qui fumait…

Définition des règles professionnelles

Lors de son second mandat à la tête d’un grand ministère des Affaires sociales, dont Philippe Douste-Blazy était le secrétaire d’État chargé de la Santé, d’autres textes structurants pour la profession ont été adoptés. C’est le cas notamment du décret sur les règles professionnelles (décret n° 93-221 du 16 février 1993), qui a posé les bases d’un code de déontologie réclamé de longue date par la profession. Ces règles professionnelles, qui constituent un « guide » pour la profession, feront à nouveau l’objet d’un décret en 2016 (décret n° 2016-1605 du 25 novembre 2016), qui en reprend la trame tout en précisant certaines règles.

Pour Agnès Buzyn, actuelle ministre de la Santé et des Affaires sociales et ex-belle-fille de Simone Veil, elle était « un modèle de détermination et d’humanité au service des autres ». Une figure de l’histoire inspirante pour sa lointaine successeur qui a déclaré dans un communiqué qu’elle « s’inspirera de Simone Veil comme d’un exemple de ténacité et de droiture pour se montrer digne de ce symbolique passage de relais ».

*Catherine Duboys Fresney, infirmière générale, a travaillé au CHU de Rouen et de Caen puis comme conseillère technique au ministère de la Santé de 1989 à 1995. Elle a ensuite exercé comme directrice des soins à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul et à l’hôpital Trousseau la Roche-Guyon (AP-HP) et présidé l’Anfiide. Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la profession infirmière.