Collaborer pour mieux soigner - Objectif Soins & Management n° 217 du 01/06/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 217 du 01/06/2013

 

Management des soins

Dominique Chassagne*   Brigitte Preneuf-Pauthier**  

Au CHU de Limoges, la collaboration entre professionnels médicaux et paramédicaux est un enjeu stratégique inscrit dans le projet d’établissement, et plus particulièrement dans le projet médico-soignant. Depuis 2008, la coordinatrice générale des soins a proposé la création d’une sous-commission de la Commission des soins infirmiers de rééducation et médico-techniques sur cette thématique. Explications et perspectives.

La collaboration interprofessionnelle et sa valorisation est un enjeu pour un établissement de santé. Elle permet d’associer différents métiers au travers de compétences multiples et variées, de savoirs, savoir-faire, savoir-être pour optimiser, sécuriser le parcours du patient dans l’établissement et en dehors. En 2008, une sous-commission issue de la Commission des soins infirmiers de rééducation et médico-technique (Csirmt) a été créée. Ce groupe, composé de quatorze membres issus de sept métiers paramédicaux et médico-sociaux, est piloté par un cadre de santé.

Cette sous-commission “collaboration interprofessionnelle” a pour finalité de fédérer et d’impliquer les différents professionnels de l’établissement autour d’objectifs communs centrés sur la prise en charge des patients, de communiquer et de partager les informations nécessaires à la qualité et la sécurité de la prise en charge tout au long de son parcours de soins.

Une définition de la collaboration interprofessionnelle a été validée par la Csirmt : « La collaboration interprofessionnelle s’entend comme travailler ensemble vers un objectif commun, pour aboutir à une coopération entre les différents professionnels pour des soins de sécurité et de qualité. Cette collaboration s’exerce entre les différents pôles d’activités, les différents services, les différents professionnels. Elle se traduit en termes de complémentarité et de coordination des différents professionnels. »

UN PARTAGE D’EXPÉRIENCES

Partant du constat que les professionnels issus des différentes filières paramédicales collaborent sous de multiples formes, mais ne valorisent pas et communiquent peu, voire pas, leurs expériences aux autres acteurs de santé, ce groupe de travail a proposé d’organiser un Forum soins. Cette manifestation a été l’occasion de partager des expériences, de transférer des connaissances et compétences, en lien notamment avec les référentiels de bonnes pratiques.

Pour organiser le contenu de ce forum, un recensement des expériences de collaboration auprès des différents professionnels paramédicaux du CHU a été réalisé.

Ce projet a reçu une forte adhésion de la part des professionnels paramédicaux, mais aussi des professionnels médicaux qui sont venus nombreux.

Les médecins ont été associés, tout comme les professionnels dont l’activité soignante est moins connue (diététicienne, orthophoniste, psychomotricien…) et des professionnels non soignants de la filière technique du département Biomédical de notre établissement. Cette forte volonté d’ouverture de la Csirmt aux différents professionnels de notre établissement a permis d’avoir une vision très large des collaborations existantes sur les différents sites de l’établissement, mais aussi entre le CHU de Limoges et d’autres établissements de soins de la région.

Douze présentations ont illustré la collaboration interprofessionnelle entre paramédicaux et médicaux.

Cette journée s’est articulée autour de deux thématiques :

• la collaboration pour sécuriser la prise en charge des patients ;

• la collaboration pour améliorer la qualité de la prise en charge médico-soignante des patients.

SÉCURISER LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS

Les prélèvements biologiques

Ce groupe institutionnel représenté par des cadres de santé (cadre de laboratoire et de services de soins) et un technicien de laboratoire a présenté une action de collaboration qui a permis d’améliorer, en conformité avec la norme NF EN ISO 15189 applicable aux laboratoires de biologie médicale, la qualité de la prise en charge pré-analytique des examens biologiques du patient, et ainsi diminuer les erreurs au chevet du patient (problèmes d’étiquetage et de choix des tubes de prélèvement, des conditions d’acheminement). En partenariat avec les services informatiques et la communication, des outils d’aides ont été élaborés, comme le manuel de prélèvement et le catalogue des examens de laboratoire diffusés aux professionnels paramédicaux via l’Intranet du CHU.

Les escarres

Ce groupe institutionnel, représenté par des cadres de santé, des IDE et des techniciens du service biomédical, dont l’objectif est d’améliorer la prévention et la prise en charge thérapeutique des escarres, a insisté sur la problématique complexe et plurifactorielle de l’escarre et sur l’importance d’une prise en charge interprofessionnelle. La complémentarité et l’expertise de chaque membre du groupe permettent de développer des axes d’amélioration par l’harmonisation des pratiques professionnelles, l’acquisition d’un matériel performant et la formation professionnelle pour améliorer les conditions de travail du personnel soignant et optimiser la prise en charge de la personne soignée.

Les chutes

Dès 1995, un groupe institutionnel “chutes” constitué de professions différentes (soignants des filières soins et de rééducation, ergomotriciens, services techniques, blanchisserie, pharmacie, affaires économiques…) a vu le jour.

Chacun apporte un éclairage spécifique dans le domaine de l’évaluation et de la prise en charge des chutes en plaçant le patient au cœur de la réflexion. Ce partage d’expertises améliore les conditions de sécurité tout en développant une réflexion éthique pour chaque situation de soins. Il contribue également à l’amélioration des connaissances des soignants, des conditions de travail et de la sécurisation des pratiques. Les soignants, plus sensibilisés, prennent une posture d’autoévaluation sur leurs pratiques et sont plus réactifs.

Interfaces : frontières de communication entre plusieurs secteurs

En 2007, lors de l’audit du dossier de soins, un déficit est apparu dans le partage des informations entre les services de soins, l’imagerie diagnostique, les blocs opératoires et les Salles de surveillance post-interventionnelle (SSPI).

Un groupe de travail, formé de différents professionnels (IDE, AS, Ibode, Iade, manipulateur en électroradiologie médicale, CS), s’est constitué pour améliorer les interfaces entre ces différents services.

Des outils ont été proposés afin d’assurer la continuité des soins, améliorer et sécuriser la prise en charge des patients :

• un dossier péri-opératoire,

• une fiche de liaison services cliniques/imagerie.

Depuis 2010, ces outils permettent la traçabilité des informations, quel que soit le secteur d’activité et facilite la communication interprofessionnelle tout au long du parcours du patient.

À ce jour, une procédure d’évaluation du dossier péri-opératoire est engagée en collaboration avec une sous-commission de la Csirmt : le Comité d’évaluation de la qualité des pratiques professionnelles (CEQPP), pour vérifier si le document favorise les démarches collaboratives et renforce la sécurité et la qualité de la prise en charge des patients.

DM et DMS : une sécurisation incontournable

En 1990 et 1998, deux groupes, composés de professionnels paramédicaux, cadres de santé, techniciens du service biomédical et pharmaciens, se sont créés pour :

• accentuer les liens entre le département biomédical et les services de soins, et les professionnels de la pharmacie à usage intérieur ;

• respecter et faire respecter la législation dans le domaine des dispositifs médicaux stériles (DMS), les obligations réglementaires liées à la gestion des risques associés à l’utilisation des dispositifs médicaux (DM) et biomédicaux ;

• poursuivre la maîtrise des dépenses en recherchant le meilleur rapport qualité/prix en valorisant les résultats de tests réalisés par les utilisateurs des DMS.

Via l’Intranet du CHU, les professionnels paramédicaux peuvent accéder rapidement à des documents actualisés, notamment les notices d’utilisation des DM, des fiches de bonnes pratiques actualisées ou de bon usage des DMS pour harmoniser et évaluer les pratiques professionnelles.

La sécurisation de l’utilisation des DM pour les patients est améliorée par des actions de formations systématiques et ciblées.

D’autres collaborations interprofessionnelles ont été induites par ces travaux du groupe, comme le département biomédical, la direction des services informatiques, (le département de santé au travail, le Comité de lutte contre les infections nosocomiales).

La gestion des événements indésirables : une culture qualité

La cellule des vigilances des pratiques paramédicales, qui est une sous-commission de la Csirmt, existe depuis 2007 et a pour objectif d’apporter une réponse aux déclarations d’événements indésirables pour les pratiques paramédicales en développant une culture qualité chez les soignants.

Cette cellule met en place des actions correctrices individuelles et collectives, en collaboration avec les différents professionnels, soit à partir de chaque déclaration d’événements indésirables, soit à partir d’audits de pratiques.

La cellule des vigilances des pratiques professionnelles est un élément facilitateur de la collaboration interprofessionnelle.

AMÉLIORER LA QUALITÉ DE LA PRISE EN CHARGE

L’électroconvulsivothérapie

L’électroconvulsivothérapie (ECT), utilisée en France depuis 1938, vise à provoquer une crise d’épilepsie sous anesthésie générale et sous curarisation pour traiter des patients présentant une dépression résistante, une schizophrénie ou un accès maniaque. Les médecins du centre hospitalier Esquirol pratiquent le traitement dans ces conditions depuis 1989, en lien avec les anesthésistes du CHU. Le nombre insuffisant d’actes sous anesthésie et la non-conformité du matériel ont conduit à transférer cette activité au CHU en 2009. Le parcours de soins du patient a donc été modifié en termes de transport et d’accompagnement. Un travail en collaboration avec différents partenaires du CHU a été mis en place (gestion des admissions, planification des séances, infirmiers anesthésistes et infirmiers, service biomédical). Depuis trois ans, les patients du centre hospitalier Esquirol bénéficient du plateau technique du CHU pour une meilleure sécurité du soin. Le bilan de ce travail en collaboration est positif, tant pour les patients que pour les soignants. Des conventions avec d’autres centres hospitaliers du Limousin mèneraient à un développement plus large de cette activité.

La culinothérapie

L’atelier de culinothérapie en Unité de soins de longue durée (USLD) du CHU est une activité pluridisciplinaire reposant sur la collaboration de plusieurs métiers : aide médico-psychologique, aide-soignante, diététicienne, ergothérapeute, psychomotricienne et métiers du service restauration.

Cet atelier vise à améliorer la socialisation, l’autonomie et la qualité de vie des patients, en retrouvant des habitudes et des gestes de la vie quotidienne, et en prenant plaisir à préparer le repas. Cette activité valorise la complémentarité et l’interdisciplinarité.

La fréquentation des patients de cet atelier se fait sur prescription médicale. Ils ont ainsi la possibilité de faire “comme à la maison”, dans un lieu adapté, à travers l’élaboration et la dégustation d’un repas convivial. Ils retrouvent le plaisir des aliments, ainsi qu’un certain niveau d’activité en étant acteurs de leur alimentation.

Pour les professionnels intervenants, cette activité permet de proposer des changements de texture et des aides techniques aux repas. Elle permet une observation et une évaluation interdisciplinaires des patients en situation de vie quotidienne. Enfin, pour les soignants, le plaisir de faire faire est une activité très valorisante.

Un suivi spécialisé à domicile pour les victimes d’AVC : Hemipass

Hémipass est une équipe mobile du service de médecine physique et réadaptation du CHU de Limoges, créée en 2010. Cette équipe se déplace sur la Haute-Vienne, au domicile de patients ayant des séquelles d’accident vasculaire cérébral (AVC).

La prise en charge peut se faire en sortie d’hospitalisation ainsi qu’à distance de l’AVC, mais essentiellement à domicile.

L’objectif principal est l’amélioration du retour et du maintien à domicile des patients atteints d’AVC pour limiter les hospitalisations non programmées et les institutionnalisations. Pour atteindre cet objectif, Hemipass s’attache à travailler en interdisciplinarité au sein d’une équipe pluridisciplinaire (secrétaire, médecin, infirmière coordinatrice, neuropsychologue, ergothérapeute) mais aussi avec tous les partenaires impliqués dans les problématiques en lien avec les séquelles d’accident cérébral et du maintien à domicile (médicaux et paramédicaux hospitaliers et libéraux, services sociaux, organismes d’aides à domicile, maison départementale des personnes handicapées, professionnels du bâtiment, équipe de réinsertion professionnelle…). Hemipass participe ainsi à créer un lien hôpital-ville et ville-hôpital.

Les troubles de la déglutition dans l’AVC

Les troubles de déglutition dans l’AVC font l’objet d’une prise en charge pluridisciplinaire qui se planifie dès la détection de ces troubles, jusqu’à la consommation des repas par le patient.

C’est à partir de l’évaluation clinique, complétée si nécessaire par radiovidéoscopie*, que sont décelés les troubles de la déglutition.

Cet examen, mené par le manipulateur radio en présence du médecin et de l’orthophoniste, permet de visualiser les anomalies de déglutition et ainsi d’orienter les stratégies de compensation :

• postures et surveillance des premiers repas assurées par l’orthophoniste,

• adaptation des textures et des apports nutritionnels, par la diététicienne,

• adaptation de l’environnement en vue d’autonomiser le patient, par l’ergothérapeute.

Chaque prise alimentaire se déroule sous le contrôle des soignants. L’hôtelière assure le choix des plats et leur conformité, l’aide-soignante aide à l’installation et à la prise des repas, l’infirmière participe à la sécurisation globale du patient.

Ainsi l’ensemble des professionnels de l’équipe de soins – médecin, orthophoniste, manipulateur radio, diététicien, cadre de santé, hôtelier, aide-soignant, infirmier – assurent, par leurs compétences, suivant des protocoles validés et des évaluations permanentes, la prise en charge globale des patients présentant des troubles de déglutition.

Le CRCM : pour une coordination des soins

Le Centre de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM) prend en charge les patients enfants et adultes dans leur globalité au sein d’une équipe pluridisciplinaire. C’est par l’intermédiaire d’un véritable réseau de soins de qualité intra et extra hospitalier que s’organise la vie des patients et de leur famille, dans un climat rassurant, de confiance et d’écoute. Cette structure génère un gain de temps très appréciable au quotidien, assurant ainsi une meilleure qualité de vie aux enfants, aux adultes et leur famille. Médecins, infirmières, kinésithérapeutes, diététiciennes, assistante sociale et psychologue contribuent à l’accompagnement dans les soins, l’éducation et la prévention lors des consultations et hospitalisations. Les soignants du CRCM travaillent de manière cohérente, en uniformité et efficacité avec des temps d’échanges professionnels réguliers (par exemple, staff pluridisciplinaire bimensuel).

L’INFIRMIER ORGANISATEUR DE SORTIE, CHAÎNON ESSENTIEL

Dans un service d’urgences, peut être plus qu’ailleurs, l’efficacité de la collaboration pluridisciplinaire est une réelle nécessité au service du patient. La durée moyenne de séjour courte, les flux irréguliers des admissions, les multi-intervenants et une activité en constante progression font le lit de dysfonctionnements, rendant ainsi la collaboration plus difficile, voire parfois inefficace. La création d’une nouvelle fonction, l’infirmier organisateur de la sortie, centrée sur l’organisation de la sortie du patient, a permis de sécuriser cette étape. Cette fonction, à l’interface des coordinations au service du patient, renforce la nécessité et la richesse de la collaboration entre professionnels au sein du service et avec les unités d’aval.

CONCLUSION

Travailler ensemble, communiquer, partager des expériences de prise en charge lors de cette manifestation a permis de valoriser la collaboration interprofessionnelle entre les différents acteurs de soins. La préparation de ce forum a été pour les intervenants une formidable opportunité de mettre en commun leurs savoirs et de donner un sens à leurs actions.

Chacune des interventions a été l’occasion d’illustrer la complémentarité des professionnels au profit de la qualité de la prise en charge des patients. Les exemples de collaboration relatés ont suscité de nombreuses réactions dans la salle et ont permis de donner la parole aux participants sur leurs propres expériences de collaboration. L’évolution de la collaboration vers une coopération entre professionnels de santé (selon la loi HPST), avec un partage de valeurs communes, est un gage de qualité et de sécurité des soins prenant en compte la singularité du patient. Ce premier forum organisé par la Csirmt, avec pour fil conducteur la collaboration interprofessionnelle, a rencontré un vif succès grâce à une participation importante des soignants mais aussi une volonté médicale affichée de s’associer à plusieurs présentations.

NOTE

* Radiovidéoscopie : enregistrement vidéo de la scopie d’une déglutition d’un bolus radio opaque. C’est la visualisation du trajet du bol alimentaire.