Un suivi encore trop aléatoire pour la chirurgie ambulatoire ? - Objectif Soins & Management n° 214 du 01/03/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 214 du 01/03/2013

 

Promotion de la santé

Isabelle Huet*   Christophe Calvez**   Cécile Domingues***   Victor De Sousa****   Patrick Nouyoux*****  

La chirurgie ambulatoire a été reconnue dès 1992 comme une alternative à l’hospitalisation. Dès les années 1970, certains pays encouragent cette pratique (États-Unis, Canada, Grande-Bretagne…), dont l’un des avantages non négligeables est de diminuer le montant des dépenses hospitalières.

En France, la chirurgie ambulatoire connaît un développement tardif. Aujourd’hui, cette pratique représente en moyenne 20 % des interventions chirurgicales.

Ce pourcentage va de toute évidence augmenter au cours des prochaines années. Indépendamment des avantages financiers liés au système de santé, la chirurgie ambulatoire représente aussi une réelle avancée en termes de bien-être pour les patients.

Mais si son importance et son développement sont en augmentation, ce mode de prise en charge présente encore trop de retours aux urgences (dans un délai de 72 heures).

L’observation et l’expérience du terrain soulèvent certaines difficultés dans le suivi des patients en post-opératoire après une chirurgie ambulatoire. En effet, certains patients se représentent aux urgences après ce mode de prise en charge.

Curieux de comprendre les raisons de ces retours et afin d’en réduire le nombre, nous nous sommes concentrés sur le parcours du patient dans le service de chirurgie ambulatoire dans un établissement de la région parisienne.

L’ENQUÊTE

Nous avons effectué une pré-enquête afin de mesurer l’importance de ces retours et confirmer l’intérêt de poursuivre cette étude.

Cette pré-enquête avait pour but d’étudier le taux de retour aux urgences des patients, après une chirurgie ambulatoire dans les 72 heures. Ce taux est de 5 %, sur une unité de chirurgie ambulatoire ayant une capacité d’accueil de 12 à 14 patients par jour : notre étude nous a donc paru viable.

Dès lors, nous avons réalisé l’enquête en trois temps.

Entretien individuel

Ces entretiens, réalisés avec la majorité du personnel susceptible d’intervenir dans le service de chirurgie ambulatoire concerné par l’enquête, ont permis de mettre en évidence les modes de fonctionnement de l’équipe. Les professionnels concernés sont 2 aides-soignantes et 8 infirmières (6 issues de services extérieurs).

Audit

Un audit des dossiers des patients revenus aux urgences dans les 48 à 72 heures après leur passage par la chirurgie ambulatoire a été réalisé. Nous voulions ainsi vérifier si tous les conseils et les documents obligatoires nécessaires à la sortie du patient avaient été transmis et tracés dans le dossier du patient. Les patients concernés par ces retours sont : 5 femmes, 4 hommes et 3 enfants, et ce, sur une période d’un mois.

Décryptage

Une enquête a été faite, concernant tous les patients accueillis en 2011 en chirurgie ambulatoire, soit 374 questionnaires au total. Cette enquête téléphonique fut menée au moment de l’appel du lendemain par les professionnels du service de chirurgie ambulatoire, tout au long de l’année 2011, et à partir d’une trame type. Nous avons pu retrouver les résultats de cette enquête rétrospective auprès de la gestionnaire du pôle, ces résultats n’étant pas inclus dans le dossier du patient. Ainsi nous avons exploité 206 de ces questionnaires, uniquement ceux qui étaient complets.

Les résultats de l’enquête de satisfaction de l’année 2011 montrent également l’importance de la douleur si on la compare aux autres symptômes évoqués par les patients interrogés lors de l’appel du lendemain (cf. encadré ci-dessous).

ANALYSE

Au final, à travers l’analyse de l’enquête réalisée, nous avons pu conclure que l’appel du lendemain était majoritairement effectué. Cependant, au regard de la trame utilisée, il apparaît qu’il n’est pas adapté aux exigences réglementaires de ce dernier en chirurgie ambulatoire. La trame qui sert à l’appel du lendemain apparaît donc comme une enquête de satisfaction ne répondant pas aux réels besoins du patient. D’ailleurs, le titre de ce document est “Enquête de satisfaction téléphonique” et les résultats obtenus ne sont pas exploités dans le but d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients hospitalisés en chirurgie ambulatoire.

Comment améliorer ?

L’appel du lendemain

Au regard des biais recensés par l’enquête, l’appel du lendemain apparaît comme un des outils permettant d’optimiser cette continuité des soins. Réalisé par un infirmier, il permet de savoir si le retour à domicile s’est réalisé dans de bonnes conditions et permet un rappel d’informations concernant les suites de sa prise en charge (ordonnances, prises de médicaments, futurs RDV, arrêts de travail…). Les réponses des patients doivent être saisies sur une fiche d’“appel téléphonique du lendemain” en réadaptant l’outil existant. Si le patient évoque au cours de l’entretien téléphonique des problèmes médicaux anormaux, l’infirmier pourra alors prodiguer des conseils adaptés ou réorienter l’appel vers le médecin. Cet “appel du lendemain” qui rassure le patient est un véritable outil de suivi médico-psychologique, permettant une amélioration simple et concrète de la prise en charge des patients en chirurgie ambulatoire, permettant certainement d’éviter certains retours aux urgences inutiles.

La prise en charge de la douleur

Une collaboration avec le corps médical est indispensable afin que tous les patients de chirurgie ambulatoire sortent avec une ordonnance d’antalgiques. Le troisième volet de cette ordonnance devant rester dans le dossier patient, afin que l’infirmier puisse l’utiliser lors de l’appel du lendemain et répondre aux exigences médico-légales.

Former les professionnels

La mise en place de formations internes destinées aux personnels soignants susceptibles de travailler en chirurgie ambulatoire permettrait de mieux répondre au contexte d’un tel service. Ces formations pourraient être réalisées par les chirurgiens des différentes spécialités rencontrées, et devront porter sur les différentes pathologies et techniques opératoires rencontrées, ainsi que les soins et l’éducation qui en découlent.

Éducation du patient

L’élaboration de fiches pratiques à l’attention des patients en fonction de la chirurgie effectuée permettrait un accompagnement supplémentaire du patient. Dans l’établissement qui a servi de lieu d’enquête, un réajustement des documents existants est nécessaire pour percevoir si la langue française est comprise par le patient, si les conseils de sortie sont remis, si l’appel du lendemain est réalisé.

Il est important que le personnel soit sensibilisé au fait que le patient ait bien compris les consignes et autres conseils.

En effet, beaucoup d’informations sont fournies en très peu temps, cette assimilation d’informations n’étant pas toujours simple.

CONCLUSION

Même si ce mode d’hospitalisation regroupe de nombreux avantages pour le patient, il en ressort que l’angoisse post-opératoire demeure identique à la chirurgie conventionnelle.

Cependant, cette angoisse s’accentue parfois du fait du retour à domicile dès la première nuit.

Notre enquête soulève aussi une difficulté dans la prise en charge de la douleur au domicile, principale cause de retour aux urgences. Aujourd’hui, la prise en charge de la douleur doit être une préoccupation majeure des professionnels de santé. La courte durée d’hospitalisation ne doit pas être un obstacle à une prise en charge optimale. Quand on aborde la santé publique, il est indispensable d’y associer l’éducation du patient.

Nous avons essayé, à l’aide de ce travail, de démontrer l’intérêt de l’éducation du patient dans la qualité de sa prise en charge.

Ce travail n’a pas pour objet de minimiser le travail et l’investissement des professionnels de santé. Nous avons d’ailleurs pu nous apercevoir, par le biais de l’enquête de satisfaction, que les patients étaient majoritairement satisfaits de la prise en charge.

En tant que professionnels de santé, une réflexion permanente sur l’évolution de nos pratiques est nécessaire afin de rechercher l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.

La certification a pour but de renforcer cette démarche et amène les professionnels à démontrer et prouver le travail effectué auprès des patients. Notre proposition d’actions va dans ce sens. Il nous semble intéressant que le cadre de santé se serve de ces outils d’enquête auprès des patients afin de dynamiser l’équipe dans une démarche de qualité par la conduite de projets comme celui-ci.

Travail réalisé au cours de la formation Cadre de santé à l’IFCS de Bois-Larris, promotion 2012.

Résultats d’enquête téléphonique 2011

→ 2 % des patients ont eu besoin d’appeler un médecin.

→ 1,4 % des patients ont saigné.

→ 14 % des patients déclarent avoir eu des douleurs.

→ 3 % des patients déclarent avoir de la fièvre.

→ 4 % des patients déclarent avoir des nausées ou des vomissements.

Quelle réglementation ?

→ LOI

La loi du 31 juillet 1991 constitue l’acte de naissance officiel de la chirurgie ambulatoire.

Le décret n° 92-1101 et n° 92-1102 du 8 octobre 1992 précise les activités réalisables dans ces structures (gestes chirurgicaux, explorations endoscopiques ou radiologiques, avec ou sans anesthésie), et définit les conditions techniques de fonctionnement de ces structures.

La loi HPST permet que la chirurgie ambulatoire ne soit plus considérée comme une alternative à l’hospitalisation. Elle est reconnue désormais comme un mode d’hospitalisation à part entière encouragé par l’État.

Pour répondre à cette demande, des recommandations de bonnes pratiques permettent de définir le cadre de cette prise en charge.

→ TEXTES RÉGLEMENTAIRES

• La loi 91-748 du 31 juillet 1991, portant réforme hospitalière, www.legifrance.gouv.fr

• Le décret n° 92-1101 du 8 octobre 1992 relatif aux structures de soins alternatives à l’hospitalisation, www.legifrance.gouv.fr

• Le décret n° 92-1102 du 8 octobre 1992 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des structures de soins alternatives à l’hospitalisation, www.legifrance.gouv.fr

• L’arrêté 2005-76 du 31 janvier 2005, relatif à la classification et à la prise en charge hospitalière en médecine, chirurgie et obstétrique, www.legifrance.gouv.fr

• La circulaire DHOS 2005-119 du 1er mars 2005 relative à la campagne tarifaire 2005 des établissements de santé antérieurement financés par dotation globale, www.legifrance.gouv.fr

• La loi HPST 2009-879, du 21 juillet 2009, portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, www.legifrance.gouv.fr

WEBOGRAPHIE

• Abécédaire de la chirurgie ambulatoire, l’Assurance maladie et le ministère de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, janvier 2009, www.sante.gouv.fr • La chirurgie ambulatoire, l’Anaes, mai 1997, www.has-sante.fr • Organisation de la chirurgie ambulatoire : développer l’activité, maîtriser les processus – Retours d’expériences, MeaH (Mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers), juillet 2007, www.anap.fr