Promotion 2013 : perspectives et aspirations des nouveaux cadres - Objectif Soins & Management n° 214 du 01/03/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 214 du 01/03/2013

 

Ressources humaines

Laure de Montalembert  

En juin prochain, une nouvelle promotion de cadres de santé issus de la filière infirmière rejoindra les établissements et les instituts de formation. Mais qui sont-ils et quelles sont leurs aspirations ? D’où viennent-ils et qu’est-ce qui les attend à la sortie ?

« Ces derniers temps, on a un peu enfermé les cadres dans la folie de la gestion du personnel », regrette Jerôme Eggers, directeur d’un Ehpad en Indre-et-Loire. Si ce constat s’avère malheureusement juste dans un certain nombre de postes, ce n’est certainement pas ce que recherchent les jeunes cadres qui sortiront de leur formation en juin prochain. Une formation de plus en plus ouverte sur l’université et qui apporte désormais des connaissances dans le domaine de la gestion, des ressources humaines, des sciences de l’éducation, entre autres.

Si la plupart d’entre eux retourneront vers la structure qui a financé leurs études, cela ne les empêche pas d’observer le marché des offres.

UN REGARD NOUVEAU

Patrick Moulin, directeur des soins à Pontorson dans la Manche, explique sa politique de recrutement : « Nous envoyons nos infirmiers vers les IFCS dans le cadre de la promotion professionnelle. Mais, parfois, nous aimerions bien recruter à l’extérieur, des gens avec un œil neuf et des expériences différentes. » Chaque année, une personne, en moyenne est envoyée en IFCS par les responsables de cet établissement de taille moyenne, spécialisé dans le domaine psychiatrique et médicosocial. Ce qui n’empêche donc pas les recrutements extérieurs, même lorsque les cadres sont encore sous contrat d’engagement. « S’ils exercent dans la fonction publique hospitalière, il s’agit d’une simple mutation, leur structure étant dans l’obligation de les libérer dans les trois mois, explique le directeur de soins. En revanche, si leur formation a été financée par un établissement privé, nous avons l’obligation de racheter leur contrat. C’est beaucoup plus rare. » Afin de s’assurer ce fameux regard neuf, le DRH de l’hôpital a créé une adresse mail spécifique, extrêmement facile à mémoriser (recrutement@ch-estran.fr), juste dédiée au recrutement extérieur. Car, il faut bien l’admettre, il est tout à fait impossible à qui que ce soit de faire le tour des offres sur le territoire français. Un peu comme dans l’immobilier, la recherche demeure très artisanale. Cela dit, le problème reste relativement marginal pour nos aspirants cadres, dans la mesure où l’immense majorité d’entre eux repartira vers l’établissement qui l’a envoyée en formation et a financé ses neuf mois d’études. Ce que confirme Jack Charron, directeur des soins des écoles paramédicales au CHRU de Tours : « La plupart de nos étudiants sont issus de la promotion professionnelle, au moins 98 %. » Une difficulté supplémentaire pour les recruteurs, puisque de nombreux postes restent vacants à la suite de la baisse des crédits de formation due aux difficultés financières des établissements. Fabienne Kwocz, directrice de l’IFCS de Tours, forme 37 étudiants cette année. Pour elle, la diminution du volume de ses promotions est également liée à l’évolution prochaine de la formation elle-même : « Dans l’attente du nouveau référentiel, certains préfèrent repousser leur demande », mais aussi en raison d’« une diminution de l’attractivité du métier, en cette période de crise ».

ATTIRER ET FIDÉLISER LES CADRES

À l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, on veut consacrer 2013, année des cadres, comme l’expose Roselyne Vasseur, directrice de la Direction des soins et des activités paramédicales de l’AP-HP : « À l’AP-HP, nous rencontrons actuellement un déficit de cadres de santé de proximité. Les secteurs dits “sensibles”, les plus demandeurs, sont : la nuit, les urgences, les secteurs opératoires, l’anesthésie et la réanimation, la gériatrie et les instituts de formation. C’est pourquoi nous mettons en œuvre un plan “Attractivité fidélisation des cadres”. » Pour élaborer ce plan, l’AP-HP a organisé des groupes de travail avec des cadres de terrain et étudié avec eux leurs problématiques d’exercice afin d’y apporter des solutions concrètes. « Cela a abouti à des recommandations constituant la trame du plan, explique-t-elle. Nous avons présenté ce plan aux cadres et aux directions (DRH et directions de soins), sur le terrain dans les groupes hospitaliers. » Objectifs : proposer un accueil, un “compagnonnage” et un parcours professionnel diversifié. Mais aussi permettre aux cadres de se centrer sur leur cœur de métier (le soin au malade et le management des équipes) en « les déchargeant de certaines activités périphériques qui les en éloignent ». Autres outils de fidélisation : l’amélioration des conditions de travail des cadres et la valorisation de ce métier à l’AP-HP ainsi que l’association de l’encadrement en amont aux projets et décisions. L’amélioration de la satisfaction des cadres au travail devrait permettre de motiver les professionnels de santé à s’engager dans une formation cadre (IFCS) et de fidéliser les cadres en exercice… « Ce plan fournit l’opportunité d’échanges riches entre les cadres, les médecins et les directions d’hôpitaux ; il leur appartient de le décliner concrètement dans les pôles médico-cliniques et médico-techniques selon leurs spécificités et priorités. Notre politique consiste à former les cadres dont nous avons besoin en quantité et en qualité. Nous souhaitons en particulier former les « faisant fonction » et, cette année, le nombre de prises en charge des formations cadres (promotion professionnelle) va augmenter à l’AP-HP », termine Roselyne Vasseur.

À l’IFCS de l’AP-HP, Jeanne Rallier souhaite le succès de ce plan. En 2012, la directrice de ce gros institut de formation n’a pas rempli ses quotas. Sur 180 places disponibles, seules 144 ont été pourvues. Et là aussi, les étudiants sont presque tous tenus par des “contrats d’engagement à servir”, qui les contraignent à retourner au sein de la structure qui finance leurs études pour une durée de trois ans.

CHOIX ET PASSERELLES

La diminution de la prise en charge par les établissements est également sensible au sein de l’AP-HM, à Marseille. Chantal Levasseur, directrice de l’IFCS, a beau accueillir des représentants de presque tous les métiers ayant accès à la formation cadre de santé, elle constate cependant une baisse notable des candidatures. La formation qu’elle propose est pourtant particulièrement intéressante, adossée à la faculté de sciences économiques, ce qui permet à ses diplômés de sortir avec un master 1 en gestion des ressources humaines et économiques. L’obtention du grade master 2 est prévue à partir de la promotion 2014. « Ce partenariat est très apprécié par les établissements », assure-t-elle. Chez elle aussi, la plupart des étudiants sont pris en charge par les établissements qui les envoient. Cela ne les empêche pas, pour autant, de garder un œil sur le marché de recrutement. Dès le mois de décembre, parfois. Car, comme l’explique notre directrice, les cadres ont beaucoup changé ces dernières années. Et la pédagogie de leur formation, également : « Autrefois, on enseignait uniquement. Maintenant, on essaye de mettre l’étudiant en capacité de trouver lui-même les informations dont il a besoin. On évalue des compétences, pas des savoirs. C’est la même chose sur le terrain où le but est maintenant de gérer ces compétences et de les pousser, découvrir les richesses de chacun et les faire évoluer. »

Parmi les étudiants de l’IFCS AP-HM de Marseille, Sophie Barthélémy est une des rares à autofinancer sa formation. « Il aurait fallu que j’attende encore un an pour être prise en charge. J’ai donc obtenu une rupture conventionnelle de contrat pour me libérer », explique-t-elle. Inscrite au chômage, elle a obtenu des allocations par le Pôle emploi « après une période de négociation ». Du coup, la future cadre est tout à fait libre du choix de l’établissement qu’elle intégrera. Elle attend donc d’avoir effectué quelques stages pour décider dans quel secteur elle se sentira le mieux. Ce qui ne l’empêche pas de laisser ses coordonnées aux établissements qui l’intéressent. Même liberté pour Grégoire Béal, étudiant à l’IFCS de Marseille AP-HM, qui vient d’un petit établissement privé à but non lucratif. « Chez nous, les financements sont essentiellement destinés aux aides-soignantes souhaitant devenir infirmières », remarque-t-il. Lui non plus ne s’inquiète pas pour son avenir, une grande partie des cadres faisant partie de la génération des baby-boomers proches de la retraite, de nombreux postes sont disponibles. Toutes les portes lui sont donc ouvertes, même s’il n’exclut pas de retourner dans sa structure initiale. D’autres portes pourraient également s’ouvrir à lui, dans la mesure où le master proposé dans son institut offre également des possibilités de quitter le domaine de la santé.

Laïla Braham, quant à elle, a obtenu un financement. Infirmière anesthésiste, elle retournera donc dans la structure d’où elle vient, mais sans certitude du poste qui lui sera proposé, « une restructuration étant en cours ». Son objectif principal : « Devenir manager d’une équipe et m’occuper de gestion. »

COMMENT TROUVER LES POSTES VACANTS ?

Il n’existe aucune plateforme générale décrivant les postes à pourvoir. Le site Internet de l’Assistance publique de Paris propose cependant de créer un dossier de profil, qui sera ensuite diffusé aux recruteurs. Pour tout autre recherche, il faut s’adresser directement aux établissements et proposer sa candidature. Tous n’ont pas, comme celui de Pontorson, d’adresse mail dédiée au recrutement. Malgré la grande quantité de postes à pourvoir, la comparaison n’est donc pas chose aisée pour ceux qui ont le choix. Les seuls à présenter une certaine diversité d’offres sont les sites Internet de recrutement, dont certains ont constitué des pages spécialisées pour les cadres de santé. Aucun, cependant, ne garantit une liste exhaustive. Il convient également de se méfier des sites qui ne mettent pas leurs informations à jour régulièrement.

À JobVitae, Audrey Monnier assure que des vérifications sont faites presque chaque jour et au maximum une fois par semaine. Au moment où elle est interrogée, son site Internet propose 207 postes de cadres de santé sur la France entière, secteurs privé et public confondus. D’autres affichent des listes beaucoup plus longues, mais sont-elles toutes actualisées ? Il ne faut pas négliger non plus les organismes classiques comme le Pôle emploi à l’Apec qui se mettent peu à peu à s’intéresser au domaine de la santé. Grâce aux moteurs de recherche, on peut également trouver des annonces directement postées par les établissements.

Et, enfin, ne pas compter sur les IFCS pour présenter des offres. Ils en reçoivent fort peu, et souvent à pourvoir immédiatement, alors que les étudiants sont encore en formation.