Prise en charge pré-hospitalière du décès de l’enfant à domicile - Objectif Soins & Management n° 194 du 01/03/2011 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 194 du 01/03/2011

 

Point sur

Joëlle Maraschin  

L’intervention du Smur suite au décès d’un enfant à domicile est souvent très difficile à vivre. Les équipes Smur atteignent les limites de leurs compétences techniques et doivent faire appel à des qualités humaines et organisationnelles souvent sans y avoir été préparées. Pour faciliter cette prise en charge complexe, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié des recommandations destinées à l’ensemble des intervenants.

Selon les dernières données disponibles du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l’Inserm, le taux de mortalité infantile en 2000 était de 451 pour 100 000 pour les enfants de 0 à moins de 1 an. Il était de 25,1 pour les enfants de 1 à 4 ans ; 12,6 pour ceux de 5 à 9 ans et 16 pour ceux de 10 à 14 ans. Bien que la mortalité avant la première année diminue régulièrement en France (8 010 cas en 1980 ; 3 545 en 1995 ; 3 393 en 2000), elle reste très préoccupante. Si 80 % de la mortalité infantile est liée à des causes médicales a priori clairement identifiées (anomalies congénitales, maladies infectieuses et maladies des divers appareils), il reste un ensemble d’environ 20 % de décès plus complexes à analyser. La HAS souligne que les incertitudes diagnostiques sont grandes dans cette tranche d’âge.

MIN et MSN

La mort subite du nourrisson (MSN) continue de poser de délicats problèmes d’interprétation. Les experts pointent des « phénomènes troublants » à la lecture des données de mortalité chez les moins de 1 an : pourcentage non négligeable de décès « de causes inconnues ou non déclarées », taux très élevé de décès dits accidentels, petit nombre annuel d’homicides répertoriés alors que des milliers de cas de maltraitance sont signalés chaque année…. Une recherche de l’Inserm menée auprès de services hospitaliers a souligné le sous-enregistrement des homicides dans les statistiques de mortalité et les insuffisances dans les investigations menées, ainsi que la sur-représentation des morts subites dans les statistiques par absence de pratique systématique de l’autopsie. Depuis cette étude, les morts inattendues du nourrisson (MIN) font l’objet d’une réglementation et de recommandations particulières. La MIN est définie comme « tous les cas de décès survenant brutalement chez un nourrisson alors que rien dans ses antécédents connus ne pouvait le laisser prévoir ». Elle regroupe donc la mort subite du nourrisson (MSN) définie comme une mort subite et inattendue restant inexpliquée après une investigation approfondie, mais également des morts survenues lors de pathologies aiguës et brutales. Les MIN représentent environ 600 décès par an, dont environ 320 classés comme MSN.

LES FACTEURS DE LA MORT SUBITE

La conjonction de plusieurs facteurs est avancée par les pédiatres : période critique du développement principalement entre 2 et 4 mois, facteurs environnementaux favorisant (décubitus ventral et latéral, couvertures et oreillers, température élevée de la chambre, partage de lit, tabagisme passif), vulnérabilité particulière de certains nourrissons. D’autres facteurs pourraient être protecteurs, comme le partage de la chambre, les vaccinations et l’usage de tétines. Grâce à la modification des pratiques de couchage, le nombre de décès par MSN a chuté en France de 75 % depuis 1992.

LA RÉGLEMENTATION POUR LES MIN

Une circulaire du ministère de la Santé datée de 1986 a précisé la nécessité de la prise en charge des enfants décédés de manière subite avant l’âge de 1 an vers un centre hospitalier afin de réaliser d’une part les investigations nécessaires à l’identification de la cause du décès, et d’autre part la prise en charge psychologique des parents, voire de la fratrie. Ce sont désormais les centres de référence pour la mort inattendue du nourrisson qui assurent le transport du corps, l’autopsie clinique et la prise en charge de la famille. Il existe un centre de référence par département. Contrairement à d’autres pays d’Europe, l’autopsie n’est pas obligatoire en cas de MIN. Elle nécessite en France une autorisation parentale. Dans la grande majorité des cas, les parents donnent leur autorisation pour l’examen dès lors que l’équipe soignante leur explique le bien-fondé de l’autopsie. En cas de refus d’autopsie ou de suspicion de maltraitance, les Smur ont la possibilité de recourir à la voie médico-légale. Dans ce cas, le médecin coche sur le certificat de décès la mention “obstacle médico-légal à l’inhumation”.

LA VOIE MÉDICO-LÉGALE

L’officier de police judiciaire est prévenu en cas d’obstacle médico-légal, le corps de l’enfant décédé est transféré non plus dans le centre de référence pour la MIN mais vers l’institut médico-légal. Une enquête judiciaire est alors lancée et les parents peuvent être placés en garde à vue. Les pratiques diffèrent fortement selon les CHU. Le Smur pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré (AP-HP) privilégie le transfert de l’enfant vers un centre de référence pour éviter la stigmatisation des parents. L’officier de police judiciaire n’est appelé que si les parents refusent l’autopsie de l’enfant ou si le décès paraît suspect. A Bordeaux, le Samu du CHU alerte systématiquement les autorités judiciaires en cas de MIN. Après la description habituelle des lieux et de l’état de l’enfant, le certificat de décès est établi en y associant un obstacle médico-légal, ce qui implique d’avertir le procureur de la République. C’est lui qui réquisitionne un transporteur funéraire. En l’absence de signes de maltraitance, l’alerte est levée et le procureur clôt le dossier médico-légal. La mise en place d’une telle procédure permet de réaliser des autopsies systématiques après une MIN, elle contourne les possibilités de refus des parents ou encore les difficultés de transport vers le centre de référence.

LES RECOMMANDATIONS 2007 DE LA HAS

La HAS a réuni en 2007 un groupe d’experts afin d’établir des recommandations de bonne pratique clinique pour la prise en charge du décès inattendu d’un enfant à son domicile ou ailleurs (voiture, crèche, domicile de l’assistante maternelle ou d’une personne de la famille…). Elle recommande que les personnes ayant découvert l’enfant appellent le 15, qui dépêchera sur place une équipe de Smur ou du SDIS (Service départemental d’incendie et de secours). Le texte des recommandations détaille chaque étape dans la prise en charge. La HAS recommande que l’enfant soit transporté vers un centre de référence pour exploration à des fins diagnostiques et pour la prise en charge de la famille. L’équipe d’intervention recueille sur place les renseignements qui permettront de porter un diagnostic. L’Institut de veille sanitaire a élaboré cette liste de renseignements, destinée à être transmise au centre de référence : y figurent les circonstances du décès, l’état de l’enfant lors de sa découverte, la description de son couchage et de sa position, les manœuvres de réanimation entreprises par l’entourage de l’enfant et/ou par les secours… La HAS rappelle que les cas de mort inattendue du nourrisson nécessitent d’être explorés pour plusieurs raisons : investigations diagnostiques afin d’établir la cause du décès, prise en charge de la famille et des personnes présentes au moment du décès, identification des décès accidentels qui pourraient être à l’origine de mesures de prévention, éventuels cas de maltraitance…

L’EXPÉRIENCE DU SMUR PÉDIATRIQUE DE ROBERT DEBRÉ (AP-HP)

Emilie Gorgiel, infirmière au Smur de l’hôpital Robert-Debré (AP-HP) à Paris, et Christèle Le Cam, cadre de santé, ont présenté lors du dernier salon infirmier leur expérience en matière de prise en charge du décès de l’enfant à domicile. De janvier 2004 à janvier 2009, il y a eu 65 départs du Smur pour des enfants en arrêt cardiaque. Les équipes Smur ont pris en charge 43décès d’un enfant à domicile. Les trois quarts des enfants avaient moins de deux ans. Deux cas de figure se sont présentés : des enfants en fin de vie ou atteints de pathologies chroniques des morts inattendues du nourrisson (84 % des cas chez les moins de deux ans). Les cas d’enfants en fin de vie sont plus nombreux au-delà de deux ans (37 %). En pratique, lorsque le Smur arrive au domicile de l’enfant, les sapeurs-pompiers sont souvent déjà sur place. Confrontés à la mort d’un enfant et à la douleur des parents, ils sont déstabilisés. L’équipe soignante doit alors gérer la détresse de ces professionnels comme celle des parents.

LES PARENTS FACE AUX MANŒUVRES DE RÉANIMATION

Si l’arrêt cardio-respiratoire paraît récent, des manœuvres de réanimation sont entreprises par l’équipe. Le Smur Robert-Debré (AP-HP) propose systématiquement aux parents d’assister aux tentatives de réanimation. C’est le médecin du Smur qui annonce le décès de l’enfant aux parents. En présence des parents s’ils le souhaitent, l’enfant est déshabillé pour être examiné. L’équipe doit rechercher des traces cutanées et muqueuses éventuelles (éruptions cutanées, ecchymoses, hématomes, autres lésions traumatiques), des signes de déshydratation ou de dénutrition sévère, apprécier la tension des fontanelles… Ce premier examen réalisé, les infirmières effectuent une toilette sommaire de l’enfant et le débarrassent de tout dispositif médical. L’équipe propose aux parents de voir leur enfant, ce qui peut permettre d’enclencher le processus de deuil. Ensuite, il est transporté vers le centre de référence MIN à Garches s’il s’agit d’un enfant de moins de deux ans. Dans ce cas, le Smur est tenu informé des causes de décès par le centre de référence. En cas de mort suspecte, les autorités judiciaires sont averties. L’enfant est transféré à l’Institut médico-légal de l’Hôtel-Dieu à Paris pour une autopsie.

LE CAS DES ENFANTS EN FIN DE VIE

Les parents, voire les infirmières à domicile, sollicitent parfois le Smur en cas d’arrêt cardiaque d’un enfant en fin de vie. Il arrive que les équipes du Smur tentent une réanimation avant d’apprendre que l’enfant est en soins palliatifs. Dans le cas d’un enfant en fin de vie, une autopsie n’est pas nécessaire et l’enfant reste sur place. Une fiche de conseils créée par le Smur est remise aux parents (voir encadré) pour les guider dans les démarches à effectuer, une fois le certificat de décès établi.

SMUR ROBERT-DEBRÉ (AP-HP)

FEUILLE DE CONSEILS EN CAS DE DÉCÈS À DOMICILE

Madame, Monsieur,

Vous venez d’être confrontés au décès d’un être cher. Malgré votre immense peine, vous allez devoir accomplir des formalités et des démarches obligatoires soumises à des délais imposés par la loi.

Afin de vous aider à les effectuer dans les meilleures conditions, nous vous proposons ce document succinct qui, nous l’espérons, vous aidera dans cette difficile période.

• Démarches à effectuer dans les 24 heures :

Le médecin vous a remis un certificat de décès signé dont il est conseillé de faire des photocopies, les pompes funèbres et votre assurance pourraient vous en réclamer un exemplaire.

La déclaration du décès doit être effectuée au bureau d’état civil de la mairie du lieu de décès dans les 24h suivant celui-ci (hors week-end et jour férié) avec les documents suivants :

• 1) Livret de famille ou carte d’identité de l’enfant

• 2) Carte d’identité de la personne déclarante (un des parents ou entreprise de pompes funèbres)

• 3) Certificat médical de décès

Il est utile de demander une dizaine de copies de l’acte de décès pour les démarches ultérieures.

• En cas d’obstacle médico-légal à l’inhumation :

Le corps sera pris en charge par les services de police qui vous renseigneront sur les formalités particulières de déclaration de décès. Le choix de l’entreprise de pompes funèbres reste libre.

• Le choix du prestataire funéraire :

Ce choix est totalement libre dès lors que ce service est habilité par le préfet de police à Paris. Vous trouverez toutes les coordonnées à la mairie, sur Internet ou par le biais des associations citées plus loin.

Attention les tarifs varient beaucoup selon les options choisies.

Précautions de conservation du corps à domicile :

• Etendre le corps sur un lit protégé d’une alèse avec une protection sous les fesses

• Relever la tête avec un petit oreiller

• Fermer les portes et les fenêtres et tirer les rideaux

• Eteindre le chauffage et les lumières

• En cas de grosse chaleur :

• Fermer les volets, entrouvrir les fenêtres et tirer les rideaux

• Des soins de conservation peuvent être faits par des professionnels

• Si vous ne pouvez pas ou ne souhaitez pas garder le corps à la maison, sachez que les prestataires funéraires réclameront une copie du certificat de décès pour transporter le corps vers un funérarium.

• Pour une aide à tout moment, 24 h sur 24 :

Vous pouvez contacter des associations de bénévoles qui vous aideront :

Pour les démarches et des informations :

• L’Association française d’information funéraire au 01.45.44.90.03 (www.afif.asso.fr)

Pour un accompagnement, une écoute par d’autres parents endeuillés et des professionnels :

• Naître et vivre au 01.47.23.05.08 ou 01.47.23.98.22 (www.naitre-et-vivre.org)

Démarches à effectuer dans les 7 jours :

Vous devez prévenir la CPAM, votre mutuelle, la CAF et le juge des tutelles dans certains cas.

Cette liste n’est pas exhaustive et a pour but de vous guider, d’autres associations peuvent vous être d’une aide précieuse et certaines mairies ont une permanence 24 h sur 24 pour accueillir les familles endeuillées et les conseiller.

Nous vous présentons nos plus sincères condoléances.

POUR ALLER PLUS LOIN

Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire de l’InVS du 22 janvier 2008 – Numéro thématique – Morts inattendues du nourrisson