IFCS-universités : partenariats à géométrie variable - Objectif Soins & Management n° 181 du 01/12/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 181 du 01/12/2009

 

Recherche et formation

UNIVERSITARISATION → Dans de nombreux cursus de cadres de santé, l'université constitue déjà un passage quasi obligé. Mais les partenariats entre IFCS et facultés sont à géométrie (très) variable. Certains permettent de valider une première année de master, d'autres seulement des crédits d'enseignement. Petit tour d'horizon avant une prochaine réforme.

Universitariser la formation des cadres hospitaliers : il fallait bien que le processus d'intégration des formations paramédicales au système LMD (licence-master-doctorat) atteigne un jour celle des cadres des hôpitaux, notamment les cadres de santé.

DES FORMES VARIÉES

Si le rapport de Chantal de Singly, pilote de la récente mission Cadres, propose clairement de resserrer les liens entre universités et Instituts de formation des cadres de santé (IFCS) - éventuellement remplacés à terme par des instituts supérieurs de management en santé - nombre d'instituts de formation des cadres de santé se sont déjà associés à des cursus universitaires. Mais les partenariats prennent des formes très variées.

Ici, les étudiants suivent le cursus de l'IFCS et des unités d'enseignement (UE) assurées par des enseignants universitaires, incluses dans le nombre d'heures initial, là elles constituent un supplément d'heures. Ici, le double cursus est facultatif, là, il est automatique. Ici, il donne lieu à la validation d'une première année de master, là seulement à 30 ou 60 european credit transfer system (ECTS). Ici, les frais d'inscription universitaires sont inclus, là ils s'ajoutent...

DIPLÔME DE CADRE DE SANTE = M1 À DIJON

À Dijon, le partenariat de l'IFCS du CHU avec l'Unité de formation et de recherche (UFR) de sciences économiques et de gestion de l'université de Bourgogne et le département de sciences de la formation et de la communication de l'Établissement national d'enseignement supérieur agronomique de Dijon (Enesad) existe depuis 2007. Pendant les deux à trois ans qu'a duré la préparation de ce rapprochement, « il a fallu mettre à plat le diplôme de cadre de santé et reconstruire des unités d'enseignement universitaire », explique Michèle Mailly, la directrice de l'institut dijonnais. Pas d'heure d'enseignement ni d'évaluations supplémentaires pour les étudiants.

En revanche, s'ils choisissent de suivre les deux cursus, ils doivent s'acquitter en plus des frais d'inscription universitaires. « Mais ils y ont tout intérêt puisque les cours et les évaluations sont les mêmes », souligne la directrice de l'IFCS. Pendant dix mois, ceux qui ont fait ce choix planchent sur les modules du diplôme de cadre de santé et les UE pour ce qui concerne les enseignements délivrés par l'université, qui font l'objet de jurys semestriels. Et à l'issue des dix mois d'études, les étudiants obtiennent le diplôme de cadre de santé mais aussi la validation de la première année (M1) du master Management et formation dans les établissements de santé, soit 60 ECTS. Ils peuvent donc aisément poursuivre par le master 2 professionnel Management et évaluation des organisations de santé et d'éducation ou par le master 2 Médias et médiation.

Université et IFCS se sont réparti les enseignements. À la charge de la faculté, 324 heures sur la sociologie des organisations de santé, la communication et le management, la dimension formation, l'économie et l'évaluation du système de santé, la gestion des emplois et des compétences, l'initiation à la recherche, le projet professionnel. À celle de l'IFCS : toutes les questions de santé publique mais aussi tous les enseignements qui font le lien entre les modules universitaires et la réalité hospitalière ou encore les travaux accompagnés ou les stages, soit 971 heures au total.

CO-RESPONSABILITÉ PÉDAGOGIQUE

Les contacts entre formateurs de l'institut et les enseignants de l'université sont nombreux : « chaque unité d'enseignement est pilotée en co-responsabilité, explique Michèle Mailly, et les programmes sont conçus conjointement. Lors des oraux, un universitaire est forcément présent » et les corrections des écrits se font parfois en duo. Certes, des ajustements ont dû être opérés de part et d'autre en matière de critère d'évaluation au début du partenariat. Les outils de justification détaillée de la note, peu usités par les universitaires mais auxquels les formateurs en IFCS étaient très attachés, ont été simplifiés pour répondre aux attentes des uns et des autres.

Cette année, trente-six IDE se sont inscrits, de même que deux kinés, deux techniciens de laboratoire et deux manipulateurs radio. L'année prochaine, les préparateurs en pharmacie pourraient être inclus au dispositif. L'IFCS du CHU de Rouen a fait figure de précurseur en 1997 lorsqu'il a conclu un partenariat avec l'université Paris-Dauphine.

PORTEFEUILLE D'ECTS

À l'époque, il s'agissait de rapprocher la formation de cadre de santé de deux maîtrises de sciences et techniques de gestion (qui se sont fondues en une seule ensuite avant qu'elle devienne un master). Un tableau de correspondance entre unités de valeur, UV (aujourd'hui UE), et enseignements de l'IFCS a donc été établi et modifié avec l'évolution des formations. Actuellement, le tableau de correspondance a été supprimé au profit d'un portefeuille de crédits. Annick Bourez, la directrice de l'institut de formation rouennais, souligne la reconnaissance sous-jacente de la qualité des enseignements délivrés par l'IFCS.

Là encore, pas d'heure de formation ni d'examen (ni frais) supplémentaire pour les quarante-cinq étudiants des filières paramédicales (d'IDE à ergothérapeute) mais des enseignements dévolus à des professeurs de l'université Paris-Dauphine qui se rendent sur place. Et un co-pilotage formatrices-enseignants des matières concernées par le partenariat. Au final, les élèves qui obtiennent leur diplôme de cadre de santé se voient donc remettre un portefeuille de 30 ECTS (20 de M1 et 10 de M2) du master Économie de la santé et des politiques sociales, option Économie et gestion de la santé. Ils ne valident donc pas de première année de master mais conservent la possibilité de poursuivre un cursus universitaire...

DAUPHINE SUR LE PONT

À l'université Paris-Dauphine, Béatrice Fermon, responsable du master Économie et management des services de santé, reçoit aujourd'hui de nombreuses demandes de partenariat émanant d'IFCS. Pour l'instant, quatre fonctionnent : celui qui existe depuis douze ans avec l'institut de Rouen, un autre construit sur le modèle du crédit d'ECTS avec l'institut de Ville-Evrard, et deux autres, qui mènent à la validation de la première année du master, avec les IFCS de Nantes (depuis 2005) et de Poitiers (depuis 2009). Le laboratoire de santé et de gestion sur lequel s'adosse le master a été créé en 1973 et l'université Paris-Dauphine fait volontiers valoir son expérience dans le domaine de la santé et son expertise tant en matière de recherche que d'enseignement, remarque Béatrice Fermon. Selon elle, cette évolution s'intègre dans le mouvement d'universitarisation des formations médicales et paramédicales liées à la mise en place du système LMD en France, mais aussi dans celui de rapprochement de l'université avec les univers professionnels et celui de la modernisation de la fonction cadre.

Les partenariats plus récents avec les IFCS de Nantes ou Poitiers ont donné lieu à un véritable décorticage de leurs formations et de celle proposée par l'université Paris-Dauphine afin que se dessinent des zones de convergence, qu'ils ont ré-organisées en commun. « Nous avons substitué des enseignements universitaires à certains éléments de la formation des cadres qui ne correspondaient plus aux besoins des hôpitaux », indique la responsable du master.

HARMONISER LES PARTENARIATS

Dans certains domaines, le type de formateur a donc changé mais le volume horaire a pu être maintenu à l'identique. Et la validation de la première année de master s'est déjà traduite par des demandes de poursuites du cursus en deuxième année. Pour faciliter les choses, l'université Paris-Dauphine permet aux cadres d'étaler leur formation sur deux ans à raison d'un jour par semaine (contre deux jours par semaine pendant un an normalement).

À l'instar de ces exemples, le rapport de Chantal de Singly souligne que « les IFCS ont, pour la plupart, conclu des partenariats avec des universités mais sur des bases très disparates, sans maquette commune et à des niveaux d'équivalence divers ». Si la formule partenariale est fortement recommandée par la mission Cadres, elle gagnera probablement à être harmonisée. ,

NOTES

*Retrouvez le rapport final de la mission cadres hospitaliers de Singly sur .

Le «oui, mais» du Cefiec

Le Comité d'entente des formations infirmières et cadres (Cefiec) se retrouve en partie dans les conclusions et propositions du rapport de Singly, comme le développement de la dimension universitaire dans la formation des cadres. Mais il s'attache à défendre ce qu'il considère comme les particularités des cadres de santé et demande ainsi la création d'un master qui leur soit spécifique. Ou bien « que chaque filière professionnelle garde la maîtrise de la formation plus spécialisée ou plus technique qui la concerne ». Le Cefiec souhaite aussi que les IFCS, qui ont fait leurs preuves, soient conservés ou alors que les éventuels Instituts supérieurs de management en santé (ISMS) affichent une dimension pédagogique supplémentaire.

Référentiel, métier, compétences des cadres de santé Novembre 2009 sur le site Internet

Rapport de Singly : reconnaissance universitaire de la formation des cadres

La reconnaissance universitaire de la formation des cadres (et le renforcement du lien avec le métier) figure en deuxième position dans les propositions énoncées par Chantal de Singly dans le rapport rendu en septembre dernier. Elle préconise clairement de « donner à la formation des cadres de santé une équivalence universitaire (60 ECTS au moins) permettant l'obtention d'un master dans un parcours de formation organisé incluant la validation des acquis de l'expérience ». Il est aussi proposé de prévoir l'obtention d'un master pour les cadres de santé et sages-femmes cadres à la tête des pôles. Pour la mission, la formation universitaire, qui s'est ouverte au monde professionnel, « favorise l'ouverture et la mobilité, s'appuie sur la recherche et donc la réflexivité » et « doit mailler la formation des cadres de santé ». Elle propose ainsi que les cadres de toutes les catégories suivent un tronc commun ayant une assise et des équivalences universitaires sur la santé publique, les établissements de santé, le management stratégique, l'environnement institutionnel, les outils de pilotage, etc. Interactions, compréhension mutuelle, solidarité, capacité d'action et vision communes devrait être renforcées. Pour les cadres de santé, le rapport préconise de développer la «culture de la réflexivité» et de mettre l'accent sur l'innovation, la gestion du changement et la nécessité de travailler avec les autres. Il propose aussi que la formation des cadres, portée d'abord à douze mois, s'organise dans de nouveaux instituts supérieurs de management en santé (ISMS) de dimension régionale ou interrégionale.