Cancer du sein : les armes du combat - Objectif Soins & Management n° 180 du 01/11/2009 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 180 du 01/11/2009

 

Point sur

Désormais, chaque mois d'octobre, le ruban rose flotte en signe du combat jamais fini contre le cancer du sein. L'événement, initié il y a seize ans par l'association «Le cancer du sein, parlons-en !», est l'occasion pour le Pr Rixe*, oncologue médical au National Cancer Institute (NCI) de Bethesda (USA), de faire un point sur le cancer le plus fréquent de la femme. Il en parle simplement et met l'accent sur les outils thérapeutiques, la chirurgie reconstructrice et recherche.

Mon radiologue a découvert des images suspectes à l'occasion d'une mammographie de dépistage », « je sentais une boule dans mon sein ».... L'histoire débute souvent de la sorte et mène rapidement au diagnostic définitif après une ponction locale.

DIAGNOSTIC : PAS TOUJOURS SI ÉVIDENT

Parfois, le verdict ne peut être posé facilement : des pontions répétées de la tumeur, voire un prélèvement chirurgical, sont nécessaires. La preuve histologique du cancer est indispensable pour décider de la conduite thérapeutique à adopter. Le bilan d'extension, quant à lui, comporte habituellement une radiographie des poumons, une prise de sang (bilan hépatique, recherche des marqueurs tumoraux Ca 15-3), une scintigraphie osseuse et une échographie abdominale et pelvienne.

UN MÉCANISME, PLUSIEURS TYPES DE CANCERS

La cause fondamentale de tous les cancers se résume en une modification du noyau de la cellule qui acquiert la capacité de se multiplier et de se développer sans contrôle. Durant toute notre vie, les cellules de notre corps se multiplient et remplacent celles qui meurent. En temps normal, quand des altérations cellulaires apparaissent - phénomène qui augmente avec le vieillissement - nos défenses immunitaires se mettent en marche et éliminent ces cellules anormales. Quand cette régulation n'est plus efficace, les cellules anormales ou mutantes échappent à tout contrôle et se multiplient librement pour former une tumeur.

Dans le sein, la tumeur peut se développer à partir des lobules qui produisent le lait (carcinome lobulaire), des canaux qui conduisent le lait au mamelon (carcinome canalaire) ou, plus rarement, à partir du muscle ou de la graisse. La dissémination peut se faire par les vaisseaux lymphatiques ou sanguins pour coloniser d'autres organes : on parle alors de tumeur infiltrante.

Le cancer est dit in situ ou intracanalaire quand les cellules cancéreuses ne dépassent pas la membrane basale des tissus dans lesquels il se développe. Il est très localisé et ne fait pas courir de risque métastatique, mais il peut être disséminé dans le sein, ce qui justifie parfois des gestes chirurgicaux très larges (mastectomie). À l'inverse, il existe des cancers infiltrants, plus localisés, mais qui peuvent métastaser dans d'autres organes, les plus courants étant le squelette, les poumons, le foie, le cerveau et les ganglions périphériques.

DES TRAITEMENTS «SUR MESURE»

Le bilan fait par le Pr Rixe est clair : le glas des mutilations excessives a sonné et les armes de la «paix armée» garantissent désormais de meilleures survies.

Il y a encore vingt ans, il n'y avait qu'une façon d'envisager le traitement du cancer du sein : éradiquer coûte que coûte la dernière cellule cancéreuse, parfois au prix d'importantes mutilations. Depuis, les techniques chirurgicales ont évolué et elles sont plus ciblées et précises. Les médicaments (chimiothérapie et hormonothérapie) et la radiothérapie ont utilement complété l'arsenal des thérapeutiques de références. Elles permettent désormais d'augmenter le nombre des rémissions et d'offrir à celles qui ne pourront pas guérir la possibilité de survivre dans de meilleurs conditions et plus longtemps. Quant à l'avenir, il est prometteur : de nouveaux traitements ciblés et «intelligents» ouvrent de nouvelles et fabuleuses perspectives thérapeutiques, comme les inhibiteurs de l'angiogénèse dont la particularité est de bloquer la formation des vaisseaux alimentant la tumeur.

Le traitement du cancer est élaboré «sur mesure» mais en fonction des dernières données scientifiques. Les décisions sont prises par une équipe pluridisciplinaire comprenant habituellement un chirurgien, un radiothérapeute et un oncologue médical (on ne dit plus chimiothérapeute) ou par un médecin en lien avec l'un des vingt centres français spécialisés dans la lutte contre le cancer. La stratégie thérapeutique dépend de la taille de la tumeur, de sa nature, de l'âge de la patiente, du fait qu'elle soit ou non ménopausée, de sa capacité à tolérer les différents traitements, des résultats des examens d'extension préopératoires et de l'analyse peropératoire des ganglions lymphatiques de l'aisselle (premier relais lymphatique de la dissémination des cancers infiltrants).

L'INDISPENSABLE BISTOURI

La prise en charge thérapeutique commence souvent par une opération chirurgicale mais elle peut aussi débuter par une chimiothérapie, une hormonothérapie (si la tumeur est sensible aux hormones) ou une radiothérapie. Ces traitements sont dits néoadjuvants car destinés à réduire la taille de la tumeur pour en favoriser l'exérèse.

La chirurgie reste indispensable dans la plupart des cas. La diminution du nombre de cellules à éliminer augmente l'efficacité de la suite du traitement. De plus, l'intervention permet d'une part, de réaliser un examen microscopique précis permettant d'affirmer le diagnostic et de mieux caractériser la tumeur (elle est dite différenciée quand elle ressemble aux tissus d'origine, indifférenciée dans le cas contraire) et, d'autre part, d'apprécier le nombre de ganglions atteints et la rupture ou non de la capsule desdits ganglions....

Selon les cas, l'ablation du sein est partielle (chirurgie conservatrice ou tumorectomie visant à retirer toute la tumeur en conservant le galbe du sein et le mamelon) ou totale (mastectomie ou mammectomie). Le prélèvement ganglionnaire permet de diminuer le risque de récidive au niveau du creux axillaire mais surtout d'évaluer l'extension de la maladie. Il n'est évité que quand le risque d'envahissement ganglionnaire est considéré comme très faible (très petites tumeurs de diamètre inférieur à 5 mm, tumeurs très peu actives...). Quand la tumeur est petite (inférieure à 15 mm de diamètre), le prélèvement peut être limité à l'ablation de quelques ganglions dits sentinelles (ils sont repérés en préopératoire par l'injection d'un colorant bleu ou d'un produit radioactif à proximité de la tumeur). Dans les cas plus difficiles (patientes déjà opérées, obèses...) ou quand les ganglions sont envahis, le chirurgien procède à un curage axial complet traditionnel et prélève en moyenne 10 à 15 ganglions sur les 20 à 50 que contient le creux axillaire.

Le chirurgien peut débuter en sachant d'emblée quelle intervention il réalisera mais il arrive qu'il commence en ignorant s'il opère un cancer ou une lésion bénigne, rappelle le Pr Rixe. Les résultats de l'examen extemporané (examen histologique fait sur un échantillon de la tumeur pendant l'opération) l'aideront généralement à faire des choix. Il arrive aussi que le diagnostic soit difficile à établir et que le chirurgien limite son intervention en attendant les résultats définitifs de l'analyse histologique (10 à 15 jours) pour prendre la décision la plus adaptée. L'exérèse en deux temps de la tumeur ne modifie pas le risque ou le pronostic.

Lorsque la mastectomie est inévitable, la reconstruction du sein peut être envisagée soit d'emblée, soit quelques mois après la fin de l'ensemble des traitements.

L'ARSENAL POST-CHIRURGICAL

Un traitement local ou locorégional complémentaire par radiothérapie est très généralement envisagé après une chirurgie limitée. Ceci dans le but d'éliminer d'éventuelles cellules anormales résiduelles localisées dans d'autres parties du sein ou dans les ganglions. Après une mastectomie, la radiothérapie est moins systématique. Les rayons X sont administrés par radiothérapie externe et/ou curiethérapie (mise en place de fils d'iridium radioactif au sein de la zone à traiter). Ils agissent en détruisant les noyaux des cellules cancéreuses qui, à la différence des cellules normales ne possèdent pas de système leur permettant de réparer ces lésions assez rapidement.

La chimiothérapie ou l'hormonothérapie sont des traitements généraux (systémiques) donnés pour diminuer le risque de récidive tant locale qu'à distance. Les médicaments utilisés en chimiothérapie (anthracyclines, taxanes, vinca-alcaloïdes, antimétabolites, sels de platine...) tuent les cellules cancéreuses en perturbant l'activité de l'ADN lors de la division cellulaire (les cellules cancéreuses se reproduisent très fréquemment, à la différence des cellules normales, la plupart du temps au repos).

Les thérapeutiques ciblées ne sont pas à proprement parler des chimiothérapies, précise le Pr Rixe : elles agissent en ciblant une protéine impliquée dans la croissance tumorale. L'Herceptin®, qui fait partie de ces thérapeutiques, est utilisé en complément de la chimiothérapie pour traiter les tumeurs qui contiennent une protéine (HER2) en grande quantité (soit un peu moins de 20 % des patientes).

L'hormonothérapie est utilisée pour les cancers du sein hormonodépendants, la croissance des cellules tumorales étant stimulée par les hormones sexuelles. Trois traitements sont utilisables après vérification de l'hormonosensibilité du cancer par dosage des récepteurs aux oestrogènes et à la progestérone à partir de la tumeur : le traitement par antioestrogènes qui bloque les récepteurs aux oestrogènes sur les cellules tumorales ; le traitement par inhibiteur de l'aromatase qui diminue la synthèse des oestrogènes ; et enfin la castration ovarienne (chimique ou chirurgicale) qui supprime la production d'oestrogènes par les ovaires.

RECONSTRUCTION : LEVER LES TABOUS

La chirurgie plastique permet aux patientes qui le souhaitent - et qui ne présentent pas de contre-indications locales (brûlures, cicatrices multiples...) ou générales (tabagisme majeur, diabète grave...) - de retrouver un sein et une image corporelle plus conformes à leurs attentes.

Après une mastectomie, la reconstruction du sein peut se faire de trois façons : par le biais d'une simple prothèse interne (enveloppe de silicone remplie de sérum physiologique et/ou de gel de silicone), d'un expandeur (prothèse dont la taille varie selon la quantité d'eau stérile qu'on lui injecte à travers une valve placée sous la peau) ou d'un lambeau musculo-cutané (peau, graisse et muscle du dos - grand dorsal - ou de l'abdomen - grand droit - intervention alors nommée Tram).

Dans les cas de chirurgie conservatrice ou de radiothérapie, la chirurgie reconstructrice permet de remodeler le sein traité pour lui faire prendre une forme proche de la normale.

Cette chirurgie permet par ailleurs de reconstruire le mamelon et l'aréole si nécessaire et de donner au sein controlatéral une forme et un volume proches de celles du sein traité.

Les cicatrices, la diminution de la sensibilité des seins reconstruite, les douleurs occasionnées par la reconstruction et les modifications de formes anatomiques imputables à la chirurgie doivent être connues avant l'intervention. Cette dernière peut être réalisée sans délai si les traitements complémentaires sont peu importants ou nécessiter quelques mois d'attente si la radiothérapie a fragilisé les tissus locaux. Certaines femmes ne se décident que très tardivement pour ce type d'intervention sans que ce délai ne pose de problème technique particulier.

La reconstruction nécessite toujours deux à trois interventions à trois à six mois d'écart, en fonction des difficultés et de l'évolution locale. La durée totale moyenne de la reconstruction oscille donc entre six mois et un an et demi. Ses résultats varient en fonction de nombreux paramètres qui tiennent notamment : au chirurgien et à son expérience, au type de techniques utilisées, à la qualité des tissus laissés en place après le traitement, aux possibilités de prélèvement au niveau du dos ou du ventre, à la forme du sein non traité et à la morphologie des patientes. Les résultats évoluent par ailleurs dans le temps, se dégradant avec les prothèses et s'améliorant avec les lambeaux sans prothèse.

Le traitement et la surveillance du cancer du sein restent les mêmes, qu'il y ait ou non reconstruction. Les outils du repérage d'anomalies anatomiques peuvent en revanche changer : il arrive qu'on ait recours à une mammographie numérique ou à l'IRM. Les femmes ne voient pas leur risque de récidive modifié après une reconstruction. Si récidive il y a, elle ne contre-indique pas la réalisation d'une deuxième reconstruction.

NOTES → *Ouvrage du Professeur Olivier Rixe et du Docteur Alfred Fitoussi, Le cancer du sein, parlons-en ! Guide d'usage des patientes. Éditions Bash Serpens.

CHIRURGIE PLASTIQUE

Les prothèses mammaires externes

Trois types de prothèses mammaires externes redonnent une silhouette naturelle :

→ la prothèse non solidaire à porter dans la poche d'un soutien-gorge adapté ;

→ la prothèse solidaire type contact à porter sur la peau ;

→ les compléments mammaires qui permettent aux femmes de retrouver leur silhouette après une chirurgie partielle pour combler la partie du sein enlevée.

CONSEILS

Quelques sites

→ L'Institut national du cancer (Inca) :

→ La Ligue nationale contre le cancer :

→ L'association Europa Donna :

→ Site parrainé par Estée Lauder, Clinique, Marie Claire et l'association NRB-Vaincre le cancer :

→ Site communautaire et informatif qui réunit les femmes atteintes du cancer du sein et leur proches :

→ Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (avec un livret à télécharger : Comprendre le cancer du sein) :

→ Des informations claires et actualisées sur la maladie :

GÉNÉTIQUE

Des facteurs favorisants pour partie identifiés

En France, chaque année, 42 000 nouveaux cas de cancer du sein sont découverts. Le risque augmente avec l'âge : assez rare chez la femme de moins de 30 ans, il est plus fréquent chez celle de 45 à 75 ans. Comptent parmi les autres facteurs favorisants le fait de n'avoir pas eu d'enfants ou de les avoir eus tardivement (première grossesse après 35 ans), l'alimentation et l'obésité.

Les études chromosomiques ont permis d'identifier un certain nombre de gènes prédisposant à ce type de cancer mais le facteur familial reste rare (5 à 10 % des cancers du sein).

Deux mutations géniques ont été identifiées, appelées BRCA1 ou BRCA2. Mais il en existe probablement d'autres. Ces deux mutations sont parfois recherchées dans les familles particulièrement touchées par la maladie. Une consultation génétique est à prévoir quand il existe au moins deux ou trois cas de cancer du sein dans la famille proche (soeurs, mère...) ou des cas chez des femmes très jeunes.