CHEVILLE OUVRIÈRE DE LA SEP EN BRETAGNE - Ma revue n° 036 du 01/09/2023 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 036 du 01/09/2023

 

JE DIALOGUE

Éléonore de Vaumas  

Sclérose en plaques Bretagne regroupe depuis 2004 des professionnels de santé bretons pouvant être impliqués dans la prise en charge de la maladie. À sa coordination, Marie Guillet intercède auprès des patients comme des professionnels.

Pourquoi avoir rejoint le réseau SEP Bretagne ?

Marie Guillet : Infirmière en neurologie pendant plusieurs années, j’ai voulu continuer à pratiquer mon métier d’une autre façon, et j’ai profité du départ à la retraite de ma collègue coordinatrice pour reprendre son poste et m’investir différemment auprès des patients SEP. Ma mission, en continuité avec la sienne, est d’œuvrer en faveur d’une meilleure harmonisation de nos pratiques avec les professionnels paramédicaux et médicaux bretons. Et ainsi, de leur permettre de parler d’une seule et même voix. Les patients s’en trouvent rassurés et cela les aide à dédramatiser. Je trouve cette démarche particulièrement pertinente et c’est pourquoi je suis ravie d’être devenue coordinatrice du réseau breton. Un poste que j’occupe à 80 % au centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes (Ille-et-Vilaine), avec un neurologue coordinateur qui, lui, est basé à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor).

Quels sont les objectifs du réseau ?

M. G. : Le réseau a vu le jour dans le but d’optimiser le parcours de soins des personnes atteintes de sclérose en plaques (SEP), de faciliter l’accès des patients aux différentes structures de soins et à la recherche thérapeutique. Notre ambition est de leur permettre de bénéficier d’un parcours uniforme qu’ils résident à Lorient, à Vannes ou à Rennes. Médecins et paramédicaux doivent ainsi échanger régulièrement pour s’accorder. L’homogénéité des pratiques passe aussi par un certain nombre d’actions comme la mise en place de consultations spécifiques et de programmes d’éducation thérapeutique, le renforcement de la collaboration avec les acteurs de santé de proximité, mais aussi la rédaction de procédures de soins communes. Le réseau met également l’accent sur la formation des professionnels de santé. Neurologues, médecins généralistes, médecins de médecine physique et de réadaptation, kinésithérapeutes, psychologues, ergothérapeutes peuvent en bénéficier. Enfin, nous organisons chaque année deux journées d’information destinées aux patients et à leurs proches, durant lesquelles ils peuvent échanger avec des professionnels. L’une d’elles s’adresse plus spécifiquement aux jeunes patients, qui sont nombreux, puisque la moyenne d’âge du diagnostic est de 32 ans.

Comment fonctionne-t-il en pratique ?

M. G. : Il compte une vingtaine d’infirmières référentes dans toute la Bretagne, soit une ou deux dans chaque service de neurologie ou de médecine physique et de réadaptation (MPR). Des infirmières qui n’ont pas forcément de temps dédié : elles peuvent le faire dans le cadre de leur poste mais le font souvent en plus de leur temps de travail. Cela suppose donc qu’elles aient envie de s’investir. Plusieurs fois par an, nous nous réunissons pour mettre au point des documents en commun. Quant à moi, dans l’enceinte du CHU de Rennes, je reçois des patients dans le cadre du centre de ressources et de compétences (CRC)-SEP qui me sont adressés par des neurologues de toute la région, voire de Mayenne. J’anime en plus des sessions collectives d’éducation thérapeutique.

La sclérose en plaques est-elle une maladie connue ?

M. G. : Dans la tête des gens, la SEP est souvent associée au handicap et au fauteuil roulant. Or, aujourd’hui, grâce aux traitements existants et à de nouvelles méthodes qui permettent de poser le diagnostic et de débuter la prise en charge plus précocement, il est possible de vivre « normalement », travailler, avoir des enfants, faire du sport, partir à l’étranger, etc. Il est important que les patients soient clairement informés et rassurés sur cet aspect. Et nos actions ont aussi vocation à casser cette image négative de la maladie. De même, auprès du grand public, il faut faire des opérations qui permettent de déconstruire les idées reçues. La plupart des laboratoires qui mettent au point les traitements s’engagent dans cette démarche, et font par exemple des Live sur Facebook, des podcasts qui participent à une meilleure connaissance de la SEP. En Bretagne, où vivent près de 5 000 personnes atteintes de la SEP, il se passe aussi pas mal de choses. De notre côté, nous aimerions aussi lancer une campagne de sensibilisation sur les handicaps invisibles, dont fait partie la SEP, avec la ville de Rennes.

Quelle place occupe l’éducation thérapeutique dans la SEP ?

M. G. : Son rôle est fondamental, car c’est lors des séances d’éducation thérapeutique que toutes les questions en lien avec la maladie, l’annonce (aux parents, à ses enfants, à son employeur, à son nouveau partenaire), la vie quotidienne, etc. peuvent être abordées. Ces séances, où je convie les proches s’ils le souhaitent, servent aussi à donner des conseils pratiques, à déculpabiliser les patients et leur permettre de rencontrer d’autres personnes. Aussi essentielle soit-elle, l’éducation thérapeutique ne fait pas encore complètement partie de la norme en neurologie, alors qu’elle est bien ancrée en diabétologie et en rhumatologie notamment. Certains neurologues s’imaginent encore que l’éducation thérapeutique sert uniquement à expliquer les traitements. Il y a donc encore beaucoup de pédagogie à faire de ce côté-là.

Quels sont les moments où l’accompagnement paramédical est essentiel pour les patients ?

M. G. : Toutes les étapes sont importantes, mais une des principales est l’annonce du diagnostic. À ce stade, il est indispensable de prendre le temps d’expliquer la maladie, ses répercussions et de reformuler avec des mots différents du neurologue. Cela favorise l’instauration d’une relation de confiance avec le patient qui est d’autant plus primordiale que nous allons l’accompagner durant de nombreuses années. Mon rôle est aussi d’informer le patient sur les différents traitements possibles. Dans la prise en charge d’une pathologie chronique, ce sont les patients qui choisissent leur traitement en fonction de leur projet de vie (femme avec un désir de grossesse, étudiant en partance pour l’étranger, etc.). Si on leur impose un médicament mais que c’est trop contraignant, ils finiront par l’arrêter ; ce qui serait contre-productif. De même, de façon générale, en cas de modification de leurs besoins, de changements professionnels, d’apparitions de nouvelles lésions ou de nouvelles poussées, les patients savent qu’ils peuvent revenir me voir, ou, en fonction de leur lieu d’habitation, consulter l’une de nos IDE référentes.

L’homogénéité des pratiques est-elle désormais une réalité en Bretagne ?

M. G. : Il y a malheureusement encore des loupés. Nous nous rendons bien compte que même nous, à Rennes, nous prenons en charge différemment nos patients qu’à Brest, à Saint-Brieuc ou encore à Quimper. En cause ? Un maillage et des professionnels différents. Dans les Côtes-d’Armor, par exemple, le parcours peut être rendu plus complexe à cause de la pénurie de neurologues. Il n’y a, de ce fait, pas de parcours parfait, ni idéal, quand bien même nous faisons tout notre possible pour instaurer des parcours très guidés. À l’échelle nationale, chaque réseau fonctionne aussi différemment. Certains, notamment, disposent d’un temps de psychologue ou d’un temps d’ergothérapeute. D’autres encore envoient des IDE à domicile. Malgré ces différences de fonctionnement, il est important de se rencontrer pour confronter nos pratiques avec les autres réseaux. C’est pourquoi je tiens, chaque année, à participer à ces rencontres entre pairs car elles contribuent à une meilleure prise en charge de la SEP.

POURQUOI ELLE ?

Mipsep, Lorsep, Resep, Aquisep, Alsacep… plus d’une quinzaine de réseaux Sclérose en plaques sont répartis sur le territoire national, chacun ayant pour dessein d’œuvrer en faveur d’une meilleure coordination régionale du parcours de santé des patients concernés par cette pathologie. Si le réseau breton s’inscrit dans cette continuité, il est piloté d’une main experte par Marie Guillet. Une mission que cette infirmière dotée de fines connaissances en neurologie investit avec enthousiasme et détermination afin de rendre la maladie plus légère à ceux qui en sont atteints.

BIO EXPRESS

Décembre 2008 Obtient son diplôme d’État à l’Institut de formation en soins infirmiers de Meaux (Seine-et-Marne).

2008-2009 Exerce au centre hospitalier de Saint-Méen-Le-Grand (Ille-et-Vilaine) dans différents services (SSR, médecine, Ehpad).

2009-2018 Évolue au sein du service de neurochirurgie du centre hospitalier universitaire de Rennes (Ille-et-Vilaine), puis en 2012, en neurologie.

Depuis 2018 Coordonne le réseau SEP Bretagne.