“LA LOI KOUCHNER A SANS CONTESTE FAIT SON CHEMIN DANS LES ESPRITS” - Ma revue n° 019 du 01/04/2022 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 019 du 01/04/2022

 

ÉDITO

Hélène Trappo  

Rédactrice en chef de L’INFIRMIÈR.E

Il y a tout juste deux décennies, la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002, encore appelée loi Kouchner, faisait « naître » le patient dans un monde dominé par la toute-puissance médicale où il n’avait guère voix au chapitre. Élaboré dans le contexte des « années sida », le texte pose les bases d’un rééquilibrage radical de la relation entre le patient et le médecin. Le premier dispose désormais d’un véritable droit à l’information, peut accéder à son dossier médical, a droit à des explications sur son traitement, et son consentement doit être recueilli avant tout acte médical. En un mot, il peut être acteur de sa prise en charge s’il le souhaite, bien sûr. Il est aussi en droit de demander une indemnisation s’il est victime d’accidents médicaux non fautifs ou d’infections nosocomiales.

Aujourd’hui, qu’en est-il de l’application de cette loi ? Elle a sans conteste fait son chemin dans les esprits et les pratiques du côté des soignants, même si les beaux principes se heurtent parfois à la réalité du terrain, au temps qui manque pour une véritable écoute, aux moyens qui font défaut à la qualité des soins espérée, aux déserts médicaux. Les dernières données issues du « Baromètre des droits des personnes malades 2022 » de France Assos Santé attestent d’un bon niveau d’information en santé, plus de 91 % des personnes interrogées se sen tant bien informées concernant leur santé et leurs traitements, et plus de 80 % s’estimant bien renseignées sur les parcours, la qualité et le coût des soins. Mais leur appréciation sur l’application du droit d’accès aux soins est en baisse de 4 points par rapport au baromètre 2017. Une enquête du Conseil national de l’Ordre des médecins dresse, quant à lui, un tableau moins positif, révélant que 54 % des patients ne connaissent pas cette loi ainsi que l’insuffisance de connaissances relatives aux associations de patients ou aux patients experts.

Si la loi a permis de sortir globalement du paternalisme, pour nombre d’acteurs elle n’a pas assez bien résisté à la crise sanitaire où les droits des malades, et notamment des personnes vulnérables, ont été bien souvent bafoués. L’on déplore aussi une gouvernance peu soucieuse d’associer les instances représentatives telles que la Conférence nationale de santé. La démocratie sanitaire semble, crise de la Covid-19 mise à part, l’un des volets de la loi le moins abouti. Ainsi, la Ligue nationale contre le cancer, déplore que les commissions des usagers « ne constituent pas encore un réel espace d’échanges et de travail en commun avec les établissements de santé. Leur rôle, pour certaines, est aujourd’hui limité à la transmission descendante des informations provenant de l’administration ». Quand ce ne sont pas les effectifs qui pèchent. Ainsi, en Île-de-France, il manque 500 représentants des usagers, d’après une synthèse de l’ARS Île-de-France. Le temps du patient participatif est devant nous.

Je terminerai sur un tout autre sujet, qui n’est pas sans lien avec la démocratie, en ayant une pensée, au nom de L’Infirmièr.e, pour toutes les soignantes et tous les soignants ukrainiens qui exercent aujourd’hui leur métier dans l’enfer de la guerre. Plus que du dévouement.