CERTAINS SOIGNANTS Y CROIENT ENCORE ET N’ONT PAS PERDU ESPOIR DE FAIRE BOUGER LES CHOSES - Ma revue n° 002 du 01/11/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 002 du 01/11/2020

 

ÉDITO

Hélène TRAPPO  

Rédactrice en chef de L’Infirmière

Hôpitaux en surchauffe, manque de personnel, transferts de patients inter-hospitaliers, plans blancs activés, la deuxième vague est bien là… et nous ne sommes encore qu’en automne. Elle s’annonce différente, sinon pire que la première pour les soignants en établissement de santé comme en libéral. Le tableau se complique. À la progression inquiétante du Covid s’ajoute le risque que les mesures prises pour tenter de contenir l’épidémie soient de moins en moins acceptables socialement par la population. Lors de la première vague, l’annonce du confinement total avait été globalement bien reçue. 93 % des Français avaient jugé nécessaire les mesures de restriction, selon un sondage réalisé pour le HuffPost(1). Très vite, des élans de solidarité envers les personnels soignants se sont exprimés.

Aujourd’hui, la donne est différente et l’on paye les différents cafouillages des débuts - pénurie et discours contradictoires sur l’utilité des masques -, les tâtonnements de la stratégie de dépistage, les tensions créées par des mesures restrictives prises d’en haut et pas toujours bien acceptées sur le terrain ainsi que le manque de prise en compte de la voix des soignants, notamment des libéraux, par les autorités sanitaires.

Ce sentiment d’absence d’implication, de concertation est palpable en plus haut lieu. Récemment, la prorogation de l’état d’urgence sanitaire qui laisse le champ libre à une atteinte forte de nos libertés fondamentales n’a pas manqué d’inquiéter la Défenseure des droits, Claire Hédon. Dans une tribune publiée sur lemonde.fr (2), elle s’étonne qu’une mesure telle que le couvre-feu n’ait fait l’objet d’aucun débat public, prône un contrôle parlementaire renforcé des décisions de cette nature et que soient rendues publiques les données sur lesquelles elles se fondent. Une atteinte aux libertés n’appelle-t-elle en effet pas plus de démocratie ?

Claire Hédon pointe également la nécessité « d’une vigilance accrue pour les plus vulnérables d’entre nous, souvent les premiers touchés par les textes de restriction ou d’exception ». L’isolement des patients et personnes âgées, le basculement dans la pauvreté d’une frange de la population, pour lesquelles les mesures de soutien se sont fait attendre, tout cela contribue sans nul doute à rendre encore plus violentes les conséquences de la crise sanitaire et moins compréhensibles les mesures qui l’accompagnent.

Quant aux soignants, pour nombre d’entre eux, le coeur n’y est plus. Épuisés par les conditions de travail, déçus par le Ségur de la santé, certains préfèrent quitter la profession. D’autres y croient encore néanmoins et n’ont pas perdu espoir de faire bouger les choses, voire que cette sombre période puisse être un accélérateur pour la profession. On a jamais autant loué les infirmières de pratiques avancées, par exemple, la montée en compétence et en autonomie. Il faut y croire. Courage !

NOTES

1. Enquête YouGov, réalisée en ligne pour le HuffPost, les 17 et 18 mars.

2. « L’existence d’un débat démocratique de fond sur le caractère adapté des mesures sanitaires favoriserait la cohésion sociale », publiée le 25/10 sur lemonde.fr