L’exercice physique, une thérapeutique à part entière - L'Infirmière Magazine n° 371 du 01/05/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 371 du 01/05/2016

 

FORMATION

CAS CLINIQUE

Marie Fuks  

Alors que le manque d’exercice physique aggrave les gênes provoquées par la maladie de Parkinson, l’exercice régulier permet l’amélioration de l’état moteur du patient.

L’HISTOIRE

→ Monsieur M., âgé de 65 ans, présente une maladie de Parkinson idiopathique (MPI) diagnostiquée depuis environ six ans.

• Traitements et évolution de la pathologie

→ La MPI est actuellement traitée par : Sifrol LP1.05 le matin ; Azilect, 1 cp le matin ; Carbidopa levodopa (L-Dopa) 100/10, 1 cp matin midi et soir.

→ Depuis environ un an, sa maladie a atteint le stade des fluctuations motrices et Monsieur M. présente des variations régulières de plus en plus fréquentes de son état moteur, directement liées à la baisse d’efficacité de la L-Dopa en fin de dose, en particulier lorsqu’il ne prend pas rigoureusement son traitement aux heures prescrites. Cela se traduit à certains moments par l’apparition d’une marche à petits pas et d’une instabilité légère pouvant entraîner un risque de chute.

→ Le bilan médical général révèle la présence d’une arthrose du genou, un taux de cholestérol un peu trop élevé et un surpoids.

• Éléments de contexte familial et social

→ Monsieur M. est marié et retraité depuis 5 ans. Il a déménagé à Toulouse pour se rapprocher de ses enfants et vit désormais en appartement. Il partage son temps libre entre sa passion pour la généalogie et la garde de ses petits-enfants et essaie de marcher avec sa femme une fois par semaine. Mais la douleur du genou, ravivée par la marche, limite la distance, la vitesse et la durée de cette activité physique (AP).

→ Amateur de cyclotourisme, il a pratiqué le vélo en club, mais s’est arrêté depuis le déménagement.

→ La fatigue, ses occupations familiales chronophages, mais aussi le manque de motivation (il ne connaît personne à Toulouse) ont eu raison de cette AP qu’il pratiquait pourtant avec plaisir. Il pense à l’avenir et s’inquiète face à l’aggravation des symptômes.

LE CHOIX D’UNE ETP

Après analyse du cas, l’équipe estime nécessaire d’inscrire Monsieur M. dans une démarche d’éducation thérapeuthique du patient (ETP) afin de l’aider à :

→ comprendre le lien qui existe entre la maladie, le traitement et l’apparition des fluctuations motrices ;

→ faire la relation entre le décalage des prises de médicament et la survenue des symptômes ;

– prendre conscience de l’intérêt d’observer la prescription (toutes les 4 heures), car l’horaire des prises des médicaments tient précisément compte de la durée d’efficacité des médicaments en dehors de laquelle les fluctuations motrices surviennent ;

→ envisager l’AP comme une thérapeutique non médicamenteuse complémentaire susceptible de limiter les blocages et les fluctuations.

→ À l’issue du diagnostic éducatif, l’infirmière fixe comme objectifs complémentaires :

→ d’expliquer les bénéfices de l’activité physique dans le contexte particulier de la maladie de Parkinson ;

– de réinstaurer une dynamique d’AP régulière ;

– de réduire la fatigue ;

– d’agir sur l’isolement social ;

→ de reprendre confiance en l’avenir.

Moyens mis en œuvre

L’infirmière propose un accompagnement organisé autour de séances individuelles complétées par un atelier de groupe sur la thématique de l’AP.

→ Des entretiens individuels sont programmés. Au cours des séances, l’infirmière évalue l’intérêt que le patient porte à l’AP en lui posant quelques questions (Avait-il plaisir à faire du vélo en groupe avant de déménager ? Quel bénéfice en retirait-il sur le plan physique, moral et social ? Cette parenthèse sportive lui manque-t-elle ? Pourquoi ne s’y remet-il pas ?), pour l’aider à verbaliser son ressenti et ses désirs, à identifier les freins (maladie, contraintes familiales, manque de temps, arthrose, etc.) qui l’empêchent de reprendre cette activité et à recréer l’envie qui lui permettra de les dépasser.

• L’IDE explique aussi au patient les bénéfices d’une AP dynamique en endurance quotidienne, qui :

– entraîne la sécrétion de dopamine dans le cerveau s’ajoutant à l’effet des thérapeutiques, améliore la motricité après 20 minutes d’AP et permet de réduire les phases off(1) ;

– augmente la force musculaire, améliore la mobilité, l’équilibre et réduit la fatigue ;

– favorise la sécrétion de facteurs de croissance cérébraux qui, si l’AP est régulière, permettront le ralentissement de l’évolution de la maladie par leur action sur les neurones dopaminergiques.

• Ces séances font progressivement cheminer le patient vers l’idée de reprendre une AP en l’amenant à répondre aux questions (Laquelle ? Quand ? Comment ? Avec qui ? Où ?) et en lui donnant des repères qui vont lui permettre d’inscrire l’AP dans le champ du possible. Et l’IDE d’insister que pour être efficace dans la maladie de Parkinson, l’activité physique doit être mise en place de façon progressive jusqu’à atteindre en routine une durée de 45 minutes renouvelée trois fois par semaine au minimum.

• Dans le cas de Monsieur M., la reprise du vélo concilie parfaitement objectifs et plaisir, tout en répondant au problème du genou qui sera mieux préservé qu’avec la marche à pied. Parce qu’il en a saisi l’intérêt et la nécessité, il peut alors élaborer un plan d’action pour se rendre disponible et limiter les interférences qui pourraient l’empêcher d’être assidu dans la pratique régulière de son AP.

L’infirmière l’accompagne en lui proposant de choisir à chacune des séances suivantes un micro-projet facilement réalisable, par exemple :

– je réfléchis à mon envie de reprendre le vélo et au temps que je peux consacrer à cette activité ;

– j’en parle avec ma femme et mes filles pour les impliquer dans mon projet ;

– je récupère le vélo d’appartement de ma fille pour me remettre en jambes ;

– je vais rencontrer les adhérents du club le plus proche, et je remets mon vélo en état ;

– j’essaie de faire seul une ou plusieurs petites sorties et je note les effets sur mon état moteur durant la période qui suit.

En cas de difficulté, l’infirmière aide le patient à trouver la solution pour la résoudre ou la contourner. Elle valorise les progrès et relativise les échecs et s’assure que les autres activités sont maintenues, réorganisées et valorisées, car l’AP ne doit pas se faire à leurs dépens, mais contribuer à l’harmonie générale.

→ Le patient suit un atelier de groupe, incontournable pour l’aider à progresser dans sa démarche. Le travail réalisé à partir de cas concrets renforce les messages délivrés en individuel par la présence du médecin et le retour d’expérience des patients physiquement actifs, voire sportifs. Il permet aux participants de s’approprier les stratégies élaborées pour aider la personne décrite dans la situation fictive. Cette confrontation positive et cette réflexion partagée permettent de faire évoluer le patient de « je suis malade donc le sport n’est pas pour moi… » à « je suis malade, mais je peux, grâce à l’AP, aller mieux, me faire plaisir, partager de bons moments ».

De la théorie à la pratique

Une séance d’ETP individuelle est consacrée à l’apprentissage des étirements, indispensables à la récupération musculaire dans ce contexte pathologique. Accompagné par l’infirmière, le patient identifie le muscle concerné par chaque étirement (quadriceps, mollet par ex.), qui doit durer de 30 secondes à 1 minute pour être efficace. L’IDE corrige le mouvement et la posture, et met l’accent sur la respiration. La perception des premiers bénéfices sur les symptômes moteurs, puis sur l’état général et la réduction de la fatigue est un atout majeur pour motiver à la poursuite de l’activité physique. D’autant que la plupart des personnes ressentent dès les premiers efforts physiques, la diminution des akinésies et des douleurs. Il faut toutefois être attentif au risque de majoration de la fatigue et recadrer le patient si l’effort fourni est trop important.

L’évaluation repose sur l’amélioration de l’état moteur, la diminution de certains symptômes comme la fatigue et les troubles de la marche, mais aussi sur les bénéfices psycho-sociaux observés par l’équipe et ressentis par le patient (sensation de mieux être, vie sociale plus riche, joie de vivre…).

1- Certains patients arrivent même à gérer le blocage en allant courir ou faire du vélo d’appartement au moment où il apparait.