Un parcours patient bien huilé - L'Infirmière Magazine n° 343 du 15/04/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 343 du 15/04/2014

 

BONNES PRATIQUES

DOSSIER

La chirurgie ambulatoire, centrée sur le patient, nécessite un parcours opératoire parfaitement rodé et une coordination sans faille. Les techniques d’anesthésie et d’analgésie ne cessent de s’améliorer avec cette pratique.

La chirurgie ambulatoire implique avant tout une parfaite organisation et une communication optimale entre les professionnels qui y participent. Pour François Dravet, chirurgien à l’Institut de cancérologie de l’Ouest, « toute la difficulté est de convaincre les médecins et les équipes de travailler au même moment ensemble, avec une grande rigueur. Nous devons rendre fluide un circuit complexe pour que le patient pense que c’est simple. » Pour exemple, une tumorectomie avec détection de ganglion sentinelle peut exiger que sept médecins se coordonnent autour de la patiente : radiologue, médecin nucléaire, médecin pathologiste, médecin biologiste et radiothérapeute complétant l’habituel tandem chirurgien-anesthésiste.

Marc Beaussier, responsable de l’unité de chirurgie ambulatoire de l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP) affiche un sourire satisfait : « Dans la moitié des cas, nous pouvons annoncer un horaire de sortie de l’unité exact à un quart d’heure près. » Cette unité dédiée à l’ambulatoire réalise des interventions en orthopédie, en stomatologie et en chirurgie digestive. Le parcours du patient, de son entrée à sa sortie de l’unité, a été divisé en 11 étapes. Grâce à un bracelet émetteur, on sait à tout moment où se situe le patient sur son parcours opératoire. Un bon moyen d’affiner la programmation échelonnée des opérations, qui permet de limiter les attentes et d’intégrer des interventions en urgence. Les patients se déshabillent en salle de préparation et récupèrent leurs vêtements en salle de réveil. Ils franchissent le seuil du bloc opératoire à pied, un symbole fort pour le médecin anesthésiste. Un des maîtres mots de la prise en charge en ambulatoire est l’autonomisation du patient. Un terme auquel est souvent associé la dignité : « On ne voit pas dans notre service des patients se promener à moitié nus ou avec des petites chemises, comme c’est le cas dans de nombreux établissements, remarque le responsable de l’UCA de Saint-Antoine (AP-HP). Nous portons attention à la confidentialité et au respect de l’intimité. »

Information du patient, à chaque étape

Cette attention portée au patient n’est pas une posture. Le patient est l’un des trois éléments, avec l’acte et la structure, sur lesquels repose la chirurgie ambulatoire. Avec la réduction de son séjour hospitalier, l’usager est au centre de son propre parcours de soin. Le temps qu’il passe à l’hôpital est resserré, intense. Au personnel du service hospitalier de lui faciliter les choses, et de lui fournir, de manière répétée, l’information la plus claire possible. Pour François Dravet, l’information du patient est également au centre des enjeux de la chirurgie ambulatoire. D’où l’importance, lors de la consultation d’annonce, d’apporter aux patients un diagnostic préopératoire le plus précis possible : « Prendre un malade en charge avec une certaine rapidité sous-entend que l’on puisse, à chaque étape, leur fournir une information ciblée. Lui donner le plus d’éléments possibles sur la nature de son cancer et sur son traitement lui permet de se préparer. » Pour que cette information soit la mieux assimilée par les patients, « nous multiplions les occasions et les supports d’information ». En complément du rendez-vous d’annonce avec le chirurgien, un DVD est proposé. Il reprend toutes les informations que le médecin vient d’apporter. La patiente peut le regarder quand elle en ressent le besoin, une fois rentrée chez elle, revoir ce qui lui a été expliqué et qui met du temps à être intégré. Une consultation infirmière d’annonce est également proposée (cf. Interview, p. 17), ainsi que des activités à l’Espace de rencontres et d’information (ERI). « Il s’agit de multiplier les approches, résume le Dr Dravet, avec des discours différenciés et complémentaires. L’animatrice de l’ERI, non-issue du milieu de la santé, apportera un autre type d’informations. » Selon le praticien nantais, cette manière d’informer, espacée dans le temps, est plus efficace et plus respectueuse : « L’entretien et la délivrance de l’information dans un bureau, en face à face et en tenue de ville n’a pas du tout la même teneur que si le patient est dans son lit d’hôpital, en pyjama, avec un praticien qui se penche à son chevet, comme cela peut être le cas en chirurgie conventionnelle. Dans le premier cas, nous sommes en situation d’égalité. » Le patient est appelé à être plus actif dans son parcours de soin ce qui le valorise et peut également le placer dans une attitude plus combative face à la maladie.

Tous les patients ne peuvent pas être éligibles à la chirurgie ambulatoire. La condition sine qua non est d’être en mesure de saisir les informations et les recommandations. La seconde, pour certaines opérations, est de ne pas se trouver seul le soir de l’opération. La prise en compte de l’environnement social du patient entre alors en ligne de compte. En revanche, les critères liés à l’âge et à l’état physique ne cessent de s’assouplir. Les personnes âgées ne sont plus exclues de cette prise en charge, comme c’était le cas il y a encore quelques années. « L’ambulatoire est même plus indiquée pour elles, note Marc Beaussier. Le fait de dormir à domicile, chez elles ou chez leurs enfants évite les états de confusions, les délires liés à un réveil dans une chambre inconnue, à l’hôpital, avec une infirmière qui vous réveille à six heures du matin pour vous prendre la température. » De même à ses débuts, la chirurgie ambulatoire était réservée aux patients relevant du niveau 1 sur l’échelle de risque anesthésique ASA, c’est à dire sans aucun problème de santé. À présent l’éligibilité s’est étendue aux patients relevant du niveau 3, avec des problèmes de santé impliquant certaines complications, mais dont l’état est stabilisé. Ici encore, le réalisme est de mise : un patient diabétique courra moins de risque de déséquilibrage de son diabète s’il rentre chez lui et se traite lui-même, au lieu de suspendre la prise de son traitement et d’attendre le relais médicamenteux hospitalier.

Méthodes alternatives

La pratique ambulatoire induit une réduction des risques de complications post-opératoires et une prise en charge sans faille de la douleur et des conditions de réveil. Les progrès techniques de la chirurgie, de moins en moins invasive, vont dans ce sens. « Nous avons arrêté de faire des prémédications qui mettent les patients dans un état de fatigue, de sédation prolongée, témoigne le Pr Beaussier. Nous nous sommes rendus compte que la meilleure prémédication, c’était l’information et une organisation parfaite. Nous utilisons en priorité des produits d’élimination rapide, contrôlée. » À l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP) tout est fait, à présent, pour éviter le recours aux dérivés morphiniques. Le développement de l’analgésie loco-régionale rime également avec l’ambulatoire. Et des méthodes alternatives innovantes sont en passe de se développer, comme l’hypnose, aux fonctions analgésiques et apaisantes. « En consultation d’anesthésie, je prends le temps de bien expliquer au patient ce qu’est l’hypnose. S’il est partant, je m’assure qu’il soit vraiment impliqué et participant, indique Samia Testa, médecin-anesthésiste à l’ICO. Le matin, avant l’intervention, je lui explique à nouveau comment vont se passer les choses. Il peut encore changer d’avis à ce moment. L’opération sous hypnose ne demande aucune préparation particulière, il suffit d’avoir la volonté de participer. Nous pouvons à tout moment procéder à des ajustements, refaire une anesthésie locale ou opérer une sédation. »

Selon le Pr Beaussier, cette technique qui ouvre de nouveaux horizons, mais qui a le désavantage d’être chronophage devrait dans le futur être « réservée à des patients particulièrement anxieux ou à des actes loco-régionaux qui sont un plus anxiogènes ». L’acupuncture, employée à l’UCA de Saint-Antoine en stomatologie, est également une technique à explorer pour l’avenir.