Une légalisation nécessaire - L'Infirmière Magazine n° 291 du 15/12/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 291 du 15/12/2011

 

COOPÉRATIONS

JURIDIQUE

Déficit démographique de personnels médicaux, évolution des techniques médicales et obligation de maîtriser les dépenses de santé engendrent d’inévitables glissements de tâches et rendent nécessaire une légalisation des coopérations entre professionnels de santé.

La réalisation de certains actes médicaux par des acteurs qui ne sont pas qualifiés pour les exécuter engendre un « glissement des tâches ».

L’exemple jurisprudentiel le plus médiatisé est celui de l’affaire « Trousseau ». Les faits étaient les suivants : un enfant est hospitalisé, suite à des vomissements répétés, une intolérance alimentaire et une forte déshydratation. Il est pris en charge dans le service de pneumologie, faute de place en gastro-entérologie. La mère, qui est présente à ses côtés, va tenter d’attirer l’attention sur des signes inquiétants. L’état de santé de l’enfant se dégrade, et il décédera d’un arrêt cardiaque.

Vont être poursuivis : l’AP-HP, en tant que personne morale, le directeur de l’hôpital, la directrice des soins, le chef de service, les médecins, ainsi que trois infirmières et une aide-soignante. Cette dernière est condamnée à trois mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à 1 000 euros d’amende pour exercice illégal de la profession d’infirmière parce qu’elle a assuré seule la surveillance clinique de l’enfant. Les signes avant-coureurs d’une très grave déshydratation sont, ainsi, passés inaperçus. Les trois infirmières sont condamnées à quatre mois d’emprisonnement avec sursis et 1 000 euros d’amende pour ne pas avoir surveillé attentivement l’enfant et pour complicité du délit d’exercice illégal de la profession d’infirmière en décidant avec l’aide-soignante de la répartition des lits dont cette dernière allait avoir la charge. Quant à la directrice de l’hôpital et à la directrice des soins, elles sont condamnées, notamment pour avoir laissé perdurer un glissement de tâches entre infirmières et aides-soignantes. En effet, depuis de nombreuses années, l’aide-soignante se voyait attribuer une responsabilité qu’elle ne devait ni accepter ni avoir compte tenu de sa formation et de sa compétence.

La coopération entre professionnels de santé

Le dispositif de coopération, lui, permet justement aux professionnels de santé, à leur initiative, d’opérer entre eux des transferts d’activité et d’acte de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès du patient. Bien entendu, les professionnels de santé doivent intervenir dans les limites de leurs connaissances et de leur expérience. La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique avait donné une base légale à la mise en œuvre d’expérimentations de coopération entre professionnels de santé et aux possibilités de transfert de compétences entre les professions médicales et les autres professions de santé. Aujourd’hui, les transferts de tâche peuvent intervenir de façon beaucoup plus large sur la base de l’article L. 4011-1 CSP. L’arrêté du 31 décembre 2009 est venu préciser les pièces nécessaires à l’examen des demandes (demande d’autorisation d’un protocole et demande d’adhésion à un protocole autorisé), les délais d’instruction, les consultations possibles, les retours d’information vers les organisations professionnelles. Des actes peuvent ainsi être effectués à titre dérogatoire dans le cadre de protocoles validés par la Haute Autorité de santé et autorisés par les agences régionales de santé.

Ces protocoles visent à étendre, par exemple, le champ d’intervention d’infirmières, en leur déléguant de manière expérimentale de nouveaux actes techniques jusqu’ici réservés au seul champ médical, sous forme de prescriptions et après une formation adaptée. Ces nouvelles formes de coopération restent peu développées car freinées par une procédure complexe et lourde. L’ordre infirmier aurait, ainsi, été saisi de neuf protocoles, mais un seul aurait été validé par l’HAS puis signé par une ARS. Il concernerait la pratique de myélogrammes par des infirmiers formés à la place d’oncologues.

À SAVOIR

L’arrêté du 31 décembre 2009 expose que le soignant qui demande l’adhésion à un protocole de coopération doit fournir à l’ARS, s’il est libéral, une attestation d’assurance de responsabilité civile professionnelle. Cette dernière couvre les activités décrites dans le protocole considéré. Si le soignant est salarié, il doit fournir un document justificatif d’assurance émanant de son employeur.

LES TEXTES DE RÉFÉRENCE

→ Le Code de la santé publique énonce trois types de protocoles pour les infirmières : les protocoles de soins infirmiers, à l’initiative de l’infirmière, relevant de son rôle propre, par exemple dans le cadre des fonctions d’entretien et de continuité de la vie(1) ; les protocoles préalablement établis, datés et signés par un médecin dans le cas d’une prise en charge très typée(2) ; et les protocoles de soins d’urgence(3). Dans ce cas, l’infirmière accomplit les actes conservatoires nécessaires jusqu’à l’intervention d’un médecin.

1– Art. R. 4311-3

2– Art. R. 4311-7

3– Art. R. 4311-14