LE REMPLACEMENT VALVULAIRE AORTIQUE - L'Infirmière Magazine n° 275 du 15/03/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 275 du 15/03/2011

 

DOSSIER

L’ESSENTIEL

Le TAVI(*) est une technique alternative au remplacement valvulaire aortique indiqué chez le patient à haut risque chirurgical ayant un rétrécissement aortique (RAo). Nous avons d’abord réalisé les TAVI fémoraux avec anesthésie générale (AG), puis avec anesthésie locorégionale (ALR) et sédation. La valve a été implantée avec succès dans 97 % des cas. Précisons que le TAVI est une procédure à haut retentissement hémodynamique. Or, l’ALR, qui nécessite l’adhésion du patient, simplifie la prise en charge péri-opératoire et la gestion hémodynamique du TAVI sans s’accompagner d’une surmorbidité. Elle contribue ainsi à proposer une vraie stratégie, moins invasive, de traitement du RAo chez les patients à haut risque chirurgical. Enfin, dans le cas d’un TAVI avec ALR, la prise en charge infirmière, plus simple, nécessite de cette dernière un temps de présence plus important auprès du malade, avant l’intervention. La relation entre infirmière et patient s’en trouve, de fait, modifiée.

1. QU’EST-CE QUE LE RETRÉCISSEMENT AORTIQUE ?

C’est la valvulopathie la plus fréquemment rencontrée dans les pays occidentaux puisqu’elle concerne 2 à 4 % des patients âgés de plus de 65 ans. Cela est dû à l’augmentation de l’espérance de vie. Dans quarante ans, une personne sur six aura plus de 75 ans. Le RAo est une dégénérescence de la valve aortique causée par un processus biopathologique actif comprenant une inflammation chronique avec dépôt de lipoprotéines, une activation des ostéoblastes et une calcification extracellulaire avec formation osseuse. On parle alors de RAo calcifié. Les RAo congénital ou rhumatismal sont beaucoup plus rares.

L’obstruction progressive de la valve aortique due à l’immobilité des cusps sigmoïdes (au nombre de 3) va entraîner une augmentation de pression dans le ventricule gauche avec hypertrophie, ischémie myocardique, puis dysfonction ventriculaire. Le RAo est considéré comme sévère quand la surface aortique est inférieure à 1 cm2, le gradient moyen supérieur à 40 mmHg ou la vitesse du sang à travers la valve supérieure à 4 m/sec. En France, 11 000 remplacements valvulaires aortiques sont effectués chaque année et 31,8 % des RAo diagnostiqués ne sont pas opérés. Cinq mille sont contre-indiqués à la chirurgie avec circulation extracorporelle (CEC).

2. TRAITEMENT HABITUEL

En l’absence d’un remplacement de la valve aortique, l’espérance de vie de ces patients ne dépasse pas deux à trois ans. Depuis la première implantation d’une prothèse aortique avec CEC, en 1960, le traitement de référence reste le remplacement valvulaire avec CEC. Il est indiqué quand le patient devient symptomatique ou lorsque la fonction ventriculaire gauche se dégrade. La mortalité du remplacement valvulaire aortique chirurgical est de l’ordre de 4 % mais peut atteindre 10 % chez les patients de plus de 80 ans. Ce risque opératoire peut avoisiner 25 % en cas d’altération sévère de la fonction ventriculaire gauche, de comorbidités importantes, insuffisance rénale, pathologie respiratoire chronique, ou de ré-intervention chirurgicale. C’est pourquoi près d’un tiers des patients ayant un RAo ne sont pas proposés à la chirurgie avec CEC. La seule alternative reste le traitement médical isolé, qui n’est que palliatif. C’est dans ce contexte de risque opératoire élevé que la cardiologie interventionnelle a développé des techniques alternatives.

3. CARDIOLOGIE INTERVENTIONNELLE

La dilatation isolée du RAo, les gains obtenus et, surtout, la resténose rapide font réserver cette technique à l’urgence. Récemment, l’implantation percutanée d’une prothèse biologique a été proposée comme traitement du RAo. Chez l’homme, la première implantation d’une bioprothèse aortique a été réalisée en 2002 par le Pr Alain Cribier, à Rouen. Plusieurs études de faisabilité et des résultats favorables à court terme ont fait que la technique a beaucoup progressé, permettant de proposer le TAVI comme une alternative thérapeutique pour les patients chez qui le risque de chirurgie avec CEC paraît excessif. C’est toujours une décision impliquant cardiologue, chirurgien et cardio-anesthésiste. L’accord du patient est requis. En France, 33 centres, publics et privés, ont l’autorisation de pratiquer ces procédures. La validité de l’autorisation est de deux ans à compter du 29/12/2009. La procédure est inscrite à la CCAM.

Indications

Le TAVI a pour but essentiel de traiter le rétrécissement aortique isolé. Néanmoins, quelques patients avaient déjà bénéficié d’un remplacement valvulaire aortique par bioprothèse et l’indication de l’implantation « valve in valve » a été posée en raison d’une dysfonction de la bioprothèse, qui est devenue fuyante ou sténosante. Ces patients sont à haut risque de mortalité au cours d’une réintervention avec CEC. En fait, les indications de TAVI sont les contre-indications à la chirurgie avec CEC. Haut risque de mortalité (EuroScore= 20 %, STS score = 10 %), antécédents de radiothérapie thoracique, de pontages coronariens, aorte calcifiée, cirrhose du foie. La convenance personnelle ou le refus de chirurgie conventionnelle ne sont pas des indications à un TAVI. Il existe néanmoins des contre-indications. Elles sont soit d’ordre anatomique cardiaque : bicuspidie, taille de l’anneau aortique, implantation basse des coronaires ; ou liées à l’état clinique du patient : espérance de vie limitée, comorbidités.

Le jugement clinique reste déterminant. Pour le choix de la voie d’abord, la taille des axes iliaques, les antécédents de péricardite, de chirurgie du ventricule gauche, de pontage avec artère mammaire seront à prendre en compte.

Anesthésie générale ou ALR ?

Dans notre équipe (hôpital Bichat-Claude Bernard, à Paris, département cardiologie), le TAVI fémoral a d’abord été réalisé avec AG, puis, plus récemment, avec ALR et sédation. Peu d’équipes utilisent seulement l’anesthésie locale isolée. Au début, l’anesthésie générale était motivée par la mise en route d’une technique nouvelle où l’immobilité du patient est une obligation. La procédure était longue, l’échographie transœsophagienne (ETO) souhaitée par le cardiologue interventionnel et l’éventuelle prise en charge d’une complication en faisaient une indication incontournable. L’expérience grandissante de l’équipe a permis de revoir cette indication et de se tourner vers l’anesthésie locorégionale avec sédation.

4. PROTHÈSES VALVULAIRES

Deux prothèses valvulaires sont disponibles (voir infographie p. 34) :

→ La prothèse Edwards-Sapien, constituée de trois feuillets en péricarde bovin suturés sur un stent métallique ou, plus récemment, en cobalt-chrome. La prothèse est sertie sur un cathéter à ballonnet. Le déploiement est assuré par gonflage du ballonnet. Le cathéter d’introduction a un diamètre de 22 ou 24 F, bientôt 18/19 F. Deux tailles de prothèses sont disponibles : 23 mm et 26 mm.

→ La prothèse CoreValve-Medtronic, constituée de trois feuillets en péricarde porcin suturés sur une armature en nitinol auto-expansible. La prothèse se déploie par retrait progressif de la gaine qui la recouvre. Le cathéter d’introduction a un diamètre de 18F. Deux tailles sont disponibles : 26 mm et 29 mm.

La prothèse Edwards-Sapien a été la première valve implantée, elle peut l’être par voie fémorale ou par voie apicale. La prothèse CoreValve-Medtronic peut être implantée par voie fémorale ou sous-clavière. Le coût de la prothèse est de 18 000 à 20 000 euros.

Procédure

L’implantation valvulaire aortique se déroule le plus souvent dans une salle de cardiologie interventionnelle (66,4 %), parfois en salle d’opération de chirurgie cardiaque (21,3 %). L’impératif est de pouvoir disposer d’une « ambiance salle d’opération » avec un matériel de radiologie performant. C’est le concept de salle hybride développé pour les procédures d’implantation percutanée de prothèses cardiaque ou vasculaire (12,3 % des implantations).

Un personnel compétent et disponible est indispensable : cardiologues interventionnels, infirmières de cardiologie interventionnelle, chirurgien cardiaque et/ou vasculaire. L’équipe d’anesthésie doit être complète : médecin cardio-anesthésiste, infirmière anesthésiste et perfusionniste. Une console d’assistance circulatoire percutanée et un laveur de globules prêts à l’utilisation. Deux salles de cardiologie interventionnelle et une salle de préparation, situées au sein de l’unité de soins intensifs cardiologiques, sont équipées pour l’anesthésie, avec ventilateurs, chariots d’anesthésie, monitorage autonome (pression artérielle invasive, non invasive, BIS), réchauffeur à air pulsé. L’HAS impose que cette unité se situe au sein d’un centre médico-chirurgical de cardiologie. La radioprotection des équipes impliquées ne doit pas être oubliée : tablier de plomb, cache-thyroïde, paravent mobile, dosimètre.

Voies d’abord

Deux voies d’abord sont régulièrement employées : la voie artérielle fémorale (66 %) et la voie trans– apicale ventriculaire gauche (29 %). Une troisième voie d’abord sous-clavière peut être utilisée (5 %). Le choix de la voie d’abord dépend de la taille et de la morphologie des artères ilio-fémorales et de l’aorte ainsi que de la présence de pathologies thoraciques, comme un antécédent de radiothérapie, de chirurgie cardiaque, une maladie péricardique, un anévrisme de l’apex ventriculaire gauche, ou une aorte porcelaine. En l’absence de contre-indications, l’abord artériel fémoral est utilisé en première intention.

L’abord fémoral peut être chirurgical ou réalisé 2 à 3 cm au-dessus de l’arcade fémorale par voie percutanée. Dans l’abord transapical, le chirurgien cardiaque aborde la valve aortique par la pointe du coeur après une minithoracotomie antérolatérale gauche. Une anesthésie générale est requise. L’abord sous clavier est réalisé chirurgicalement, il est le plus souvent gauche. À noter que l’existence d’un pontage aorto-coronarien mammaire interne contre-indique cette procédure.

Technique d’implantation

Une sonde d’entraînement électrosystolique endocavitaire est insérée par voie veineuse fémorale. Elle permet une stimulation ventriculaire rapide à 180-200/min durant la dilatation aortique et le déploiement de la valve. Cet entraînement électrosystolique ventriculaire, rapide, en diminuant l’éjection ventriculaire permet le bon positionnement de la bioprothèse valvulaire. L’artère fémorale est ponctionnée et le système ProstarXL d’autosuture mis en place. Un guide est inséré pour franchir le rétrécissement aortique. La valve native qui reste en place est dilatée au ballonnet, puis la bioprothèse est positionnée et déployée au cours d’une stimulation rapide. C’est un moment à haut retentissement hémodynamique, qui est anticipé par l’équipe d’anesthésie.

Des impératifs cardiologiques existent pour le positionnement avant largage de la prothèse. Une radioscopie avec angiographie est nécessaire. L’ETO est largement utilisée (75 % des procédures en France), mais de plus en plus d’équipes s’orientent vers l’échographie transthoracique (ETT) ou l’utilisation de mini-sondes ETO de diamètre 5 mm. L’échocardiographie permet d’analyser l’étiologie des épisodes d’instabilité hémodynamique (insuffisance mitrale, hémo-péricarde…). Enfin, après implantation : contrôle de la position de la valve, de distance par rapport aux coronaires, recherche d’une insuffisance aortique. L’ETO est le plus souvent utilisée, mais l’échographie transthoracique (ETT) peut suffire. L’intégrité de l’aorte et des axes artériels est vérifiée par une angiographie avant l’ablation et la fermeture de l’artère fémorale par le système Prostar. Le succès d’implantation est de 97 %. La population implantée est âgée (81+/-8 ans), 66 % ont une pathologie coronarienne, 48 % une insuffisance rénale, 34 % une maladie pulmonaire sévère. La fonction ventriculaire gauche est souvent altérée avec une fraction d’éjection ventriculaire inférieure à 30 % (normale = 70 %). L’utilisation de scores peut aider pour apprécier le risque opératoire en chirurgie cardiaque, mais, le plus souvent, ils surestiment le risque. Les plus utilisés sont l’EuroScore et le STS Score. La mortalité prédictive est respectivement de 24 % avec EuroScore et de 15 % avec STS Score.

Gestion de l’anticoagulation et de l’antibioprophylaxie

Les patients recoivent 300 mg de clopidogrel et 75 mg d’acide acétylsalycilique le matin de la procédure. Une dose de 70 UI/kg d’héparine est administrée après mise en place du Prostar. En fin d’intervention, l’anticoagulation est antagonisée par la protamine selon un ratio dose pour dose. En post-opératoire, les antiagrégants plaquettaires sont continués (clopidogrel : 3 mois, acide acétylsalycilique à vie). Une anticoagulation curative par héparine n’est pas recommandée. Une antibioprophylaxie est systématique. Il s’agit le plus souvent de céfamandole, remplacé par vancomycine et gentamycine en cas d’allergie.

* Transcatheter Aortic Valve Implantation.

TÉMOIGNAGE

« Je me sens très bien »

ODILE SALEMBIER 68 ans, a bénéficié d’un TAVI à l’hôpital Bichat-Claude Bernard (en nov. 2010).

J’étais suivie par mon cardiologue depuis dix ans. Je n’avais pas de symptôme particulier, mais je savais que tôt ou tard, le remplacement de la valve aortique serait nécessaire. En mai 2010, les premiers signes sont apparus. Au moindre petit effort, mon cœur s’emballait. J’avais entendu parler du TAVI et je souhaitais pouvoir en bénéficier car j’avais eu de sérieux problèmes de santé il y a quelques années et je ne me sentais pas, ni physiquement ni psychologiquement, d’affronter une opération à cœur ouvert. Après une période de flottement, qui m’a semblé très longue, l’équipe médicale a opté pour le TAVI par voie fémorale sous anesthésie locorégionale (ALR). Sur le moment, la proposition d’une ALR m’a beaucoup angoissée. Pendant l’intervention, on entend tout, et l’on voit tout sur les écrans. On se sent à la fois acteur et spectateur. Mais on évite les effets désagréables d’une anesthésie générale. Deux heures après la pose de la valve, je prenais un repas… Ensuite, j’ai passé une journée dans une unité de soins intensifs cardiologiques. avant de sortir, trois jours plus tard. Je me suis vite remise, mais le bénéfice d’une nouvelle valve n’est pas immédiat, il m’a fallu un temps de réadaptation pour reprendre une vie normale.

PROPOS RECUEILLIS PAR F. V.

CHIFFRES

→ Au delà de 65 ans, 2 à 5 % de la population a un rétrécissement aortique (RAo), valvulopathie la plus fréquente des pays occidentaux. 31,8 % des RAo ne sont pas opérés.

→ 11 000 remplacements valvulaires aortiques sont effectués chaque année en France.

→ 5 000 patients sont contre-indiqués à la chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle, 600 pourraient avoir un TAVI.

→ En janvier 2008, 10 000 implantations mondiales par TAVI avaient été pratiquées et, en septembre 2009, ce sont 20 000 patients qui étaient implantés. Trois quarts par abord fémoral, et un quart par abord apical.

→ En 2010, 1 500 implantations percutanées ont été faites en France, avec un objectif de 3 000 à 4 000 dans les prochaines années.

PROTHÈSES EDWARDS-SAPIEN ET COREVALVE-MEDTRONIC

Partie gauche : la prothèse Edwards-Sapien est constituée de trois feuillets en péricarde bovin suturés sur un stent en acier inoxydable. Elle est sertie sur un cathéter à ballonnet. Le déploiement est assuré par gonflage du ballonnet. Tailles de prothèses disponibles : 23 mm et 26 mm. Le cathéter d’introduction est de 22 ou 24 French.

Elle peut être introduite par voie transfémorale (en haut) ou transapicale (en bas).

Partie droite : la prothèse CoreValve-Medtronic est constituée de trois feuillets en péricarde porcin suturés sur une armature en nitinol auto-expansible. La prothèse se déploie par retrait progressif de la gaine qui la recouvre. Tailles disponibles : 26 mm et 29 mm. Le cathéter d’introduction est de 18 French.

Elle peut être introduite par voie transfémorale (en haut) ou sous-clavière (en bas).