Prendre en charge une brûlure de 2e degré superficiel - L'Infirmière Libérale Magazine n° 363 du 01/11/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 363 du 01/11/2019

 

CAHIER DE FORMATION

SAVOIR FAIRE

Les brûlures de 2e degré superficiel et les brûlures de la main sont les plus fréquentes. Plusieurs protocoles thérapeutiques sont envisageables en fonction de l’intérêt d’une surveillance régulière et de la tolérance du patient aux soins qui peuvent être douloureux. Le pansement doit permettre au patient de conserver sa mobilité et la flexibilité de sa main.

PRISE EN CHARGE D’UNE BRÛLURE

Premiers secours

Quelques rappels concernant la conduite à tenir en présence d’une brûlure.

Refroidir la brûlure

Immédiatement après la brûlure, faire couler de l’eau à 15-25 °C (à température ambiante) sur la zone brûlée, à faible pression, pendant au moins 15 minutes ou tant que la brûlure est douloureuse. « Le refroidissement de la lésion n’aura d’intérêt que dans les dix minutes qui suivent la brûlure » précise Julie Lachamp. Inutile donc de refroidir la lésion de la personne qui arrive à la pharmacie plus de 15 minutes après la brûlure.

Objectif

Le refroidissement immédiat de la brûlure (« cooling ») :

→ limite son extension en profondeur et l’apparition des œdèmes ;

→ diminue la réponse inflammatoire et ses conséquences ;

→ soulage la douleur.

Précautions

→ Ne pas utiliser de la glace qui abîmerait la peau ni une eau très froide qui pourrait causer une hypothermie, en particulier chez les enfants ou les personnes âgées, ou si la surface brûlée est importante (lire « l’avis du spécialiste » p. 40).

→ En cas de frissons, de sensation de froid ou de malaise chez la victime, le refroidissement de la brûlure doit être interrompu.

→ En cas de brûlures supérieures à 20 % de la surface corporelle, le risque d’hypothermie limite les manœuvres de refroidissement. L’hypothermie est alors prévenue en couvrant les lésions avec des champs stériles, voire la personne elle-même avec une couverture de survie ou à défaut un drap ou une couverture propres.

Retirer les vêtements et les bijoux de la victime

Retirer le plus rapidement possible les vêtements brûlés qui ne sont pas adhérents à la peau, éventuellement pendant l’arrosage. Retirer aussi les bijoux, montre et ceinture au niveau de la zone brûlée. Ils pourraient provoquer une constriction compromettant la circulation sanguine lors de la survenue des œdèmes. Attention : ne pas essayer de retirer un vêtement adhérent.

Protéger la zone brûlée

Protéger la ou les zones brûlées avec un linge propre et sec en coton, un pansement ou un champ stérile pour éviter une infection. La zone brûlée est une porte d’entrée pour les micro-organismes, l’épiderme détruit ne jouant plus son rôle de barrière immunologique.

Autres

→ Ne pas donner à boire ou à manger à la victime.

→ Si la brûlure atteint 10 % de la surface du corps, allonger la personne pour prévenir un état de choc immédiat.

→ Éviter d’appliquer de la crème, de la pommade, encore moins n’importe quelle substance sur la brûlure (beurre, huile…).

→ Appeler les secours médicaux d’urgence si nécessaire (lire l’encadré « Quand appeler les urgences ? »).

Traitements

Brûlures de 1er degré

Une brûlure sans gravité

« Les brûlures de 1er degré sont souvent celles qui font le plus mal, mais elles n’ont généralement pas de critère de gravité et cicatrisent spontanément. Une brûlure peut néanmoins présenter plus de risque en fonction des vulnérabilités, et entraîner par exemple une déshydratation chez une personne âgée, qui n’est pas due à la brûlure mais au terrain », prévient le Dr Lachamp. En dehors des situations particulières, après avoir refroidi et séché en tamponnant, sans frotter, la zone brûlée :

→ hydrater la zone avec un protecteur cutané indiqué : Agathol baume, Biafine, Brulex, Cicaderma… ;

→ proposer un antalgique en cas de douleur : paracétamol, ibuprofène…

Le coup de soleil étendu

« Un 1er degré type coup de soleil peut néanmoins présenter une certaine gravité en fonction de son étendue, fait remarquer Stéphanie Vernet, infirmière exerçant à proximité des plages méditerranéennes. Si un coup de soleil sur les cuisses, survenu par exemple lors d’une balade en canoë, peut être traité par une hydratation locale et un antalgique si besoin, le service des brûlés de Montpellier reçoit fréquemment des patients brûlés sur une surface importante. » L’infirmière cite l’exemple de patients qui arrivent en plein été d’une région peu ensoleillée et dont le coup de soleil couvre la quasi-totalité du corps après une sortie en bateau sans protection solaire. « Ces patients viennent après avoir vidé cinq tubes de Biafine, ils ont mal partout, ils n’ont pas pu dormir. Il est alors possible de poser une perfusion pour prévenir le risque de déshydratation, voire d’appliquer un grand pansement, comme pour un grand brûlé, lorsque la douleur est intolérable », indique l’infirmière. Attention, dans certains cas, un coup de soleil peut aussi provoquer des brûlures de 2e degré avec phlyctènes ou être associé à un coup de chaleur et justifier une prise en charge adaptée.

Brûlures de 2e degré

Les phlyctènes

Leur traitement est conditionné par le risque infectieux :

→ si les conditions sont réunies pour exciser les phlyctènes dans un contexte d’asepsie stricte et pour couvrir la peau brûlée sous-jacente avec un pansement stérile, l’excision est préconisée ;

→ si ces conditions ne sont pas réunies, mieux vaut laisser les phlyctènes en place pour protéger le sous-sol contre les surinfections bactériennes, et orienter vers un médecin.

En pratique, « l’excision, qui nécessite que le professionnel soit formé aux soins stériles, est pratiquée avec une compresse stérile sèche ou avec des pinces, des ciseaux ou un bistouri stériles en fonction de la tolérance du patient », explique Stéphanie Vernet. L’infirmière ajoute que l’excision de la phlyctène permet :

→ d’éliminer le liquide contenu dans une cloque « solide » qui ne se déchire pas d’elle-même et qui présente un risque d’infection ;

→ de ne pas appliquer un pansement sur une peau morte qui empêcherait la cicatrisation ;

→ d’évaluer la profondeur d’une brûlure de 2e degré en fonction de l’aspect de la surface sous-jacente. Sachant que la distinction entre 2e degré superficiel et 2e degré profond n’a pas d’intérêt pour la prise en charge qui est la même dans les deux cas.

Cicatrisation dirigée

Le protocole de prise en charge de la plaie déterminé par le service spécialisé est confié à l’Idel si le patient rentre à domicile.

Préparation du lit de la plaie

« Après avoir excisé la cloque, la plaie est rincée avec de l’eau stérile. Il est aussi possible d’utiliser un savon doux stérile pour nettoyer la plaie », explique Stéphanie Vernet. Sachant qu’un produit antibactérien va être appliqué, « il n’est pas forcément nécessaire de s’acharner à nettoyer la plaie au risque de faire très mal au patient si la brûlure est douloureuse ».

Phase inflammatoire

Dans les 48 à 72 heures qui suivent l’agression cutanée, voire plus selon la gravité de la brûlure, « nous privilégions la Flammazine appliquée en couche épaisse de 2 à 3 mm sur des compresses posées sur la zone brûlée et maintenues par un bandage qui respecte la fonctionnalité des membres, en séparant les doigts par exemple, rapporte l’infirmière du service des brûlés de Montpellier. Il est aussi possible d’utiliser un tulle gras ou une interface, avec l’inconvénient d’une adhérence à la plaie qui peut rendre les mobilisations de cette zone douloureuses. » L’application de sulfadiazine argentique froide ayant en plus un effet antalgique qui soulage le patient.

À la phase inflammatoire, la plaie est très suintante : « À domicile, le pansement rapidement mouillé est refait tous les jours la première semaine. Il est inutile de le renouveler plus souvent, car il sera mouillé en permanence par les pertes liquidiennes importantes. »

Phase de bourgeonnement

À la phase de bourgeonnement, il y a beaucoup moins de perte liquidienne, la peau commence à se reconstruire et retrouve son rôle de barrière. « En cas de brûlure profonde, la plaie qui n’était pas douloureuse jusqu’alors peut le devenir à la phase de bourgeonnement », fait remarquer Stéphanie Vernet. Pour traiter l’hyper bourgeonnement fréquent dans les brûlures, la sulfadiazine argentique est remplacée par un dermocorticoïde, type Nérisone ou Diprosone, appliqué en couche très mince. Le pansement, fermé avec des compresses stériles, est maintenu par un bandage non compressif. « Selon les cas, le dermocorticoïde est appliqué tous les jours ou un jour sur deux en alternance avec la Flammazine ou Ialuset Plus, ou mélangé à la Flammazine si la plaie n’est pas uniformément bourgeonnante », observe l’infirmière.

Épidermisation

Au stade de l’épidermisation, qui correspond à la phase de cicatrisation de l’épiderme, le pansement est un tulle gras changé tous les trois à quatre jours maximum, après nettoyage de la plaie à l’eau stérile et séchage. « Passé 21 jours, la cicatrisation ne se fera pas ou sera de mauvaise qualité et la cicatrice s’ouvrira régulièrement. Il faut donc recourir à une greffe », souligne Stéphanie Vernet.

Brûlure de 3e degré

Pas de cicatrisation spontanée

Une profondeur de 3e degré ne permet pas une cicatrisation spontanée. « Les couches basales contenant les cellules totipotentes sont brûlées, il ne peut donc y avoir de régénération spontanée », explique le Dr Julie Lachamp. Le recours à la chirurgie est indispensable. Il existe de nombreux moyens pour recouvrir une zone brûlée en fonction des situations (dermes artificiels, greffe de peau totale, allogreffe…). L’autogreffe est généralement la technique de référence.

L’autogreffe

L’autogreffe revient à greffer un échantillon de peau prélevé sur des zones intactes du corps de la victime. En pratique, la couche de peau prélevée est extrêmement fine et sera soit utilisée telle quelle, notamment pour une zone comme le visage ou les mains, soit sous une forme « expansée » (ou « en filet »). En effet, la couche de peau prélevée étant extensible, elle peut être étendue pour couvrir une surface brûlée plus importante que la surface prélevée. Les soins locaux portent alors sur deux sites : la zone de greffe et la zone de prise de greffe.

→ Sur la zone de prise de greffe : « Le pansement est de type alginate pour son action hémostatique, fermé avec des compresses stériles et maintenu par une bande. La prise de greffe étant très superficielle, cette zone va cicatriser avec ce seul pansement », explique Stéphanie Vernet. « L’alginate fait office de croûte et n’est jamais retiré ni mouillé », précise l’infirmière. Les compresses et la bande sont changées tous les deux jours. Il est possible d’ajouter des plaques d’alginate sur les premières posées si celles-ci sont saturées ou déplacées. « Par la suite, l’alginate pourra être cassé un peu comme un plâtre pour être retiré 10-15 jours après la prise de greffe. »

→ Sur la zone de greffe : le pansement consiste à appliquer de la Bétadine gel en couche épaisse sur la plaie, à recouvrir d’un tulle gras, à fermer avec des compresses stériles qui absorberont les exsudats et éviteront une infection, et à maintenir avec une bande. Le pansement est refait avec beaucoup de précaution tous les deux jours jusqu’à guérison complète, obtenue après 8 à 10 jours pour une greffe de peau pleine ou peu expansée, après quelques semaines pour les greffes très expansées.

PRISE EN CHARGE D’UNE BRÛLURE DE 2E DEGRÉ SUPERFICIEL

Présentation

Les brûlures de 2e degré superficiel sont les plus fréquentes et correspondent à une destruction de l’épiderme et à une légère destruction de la lame basale. Le fait que la lame basale ne soit pas entièrement détruite permet d’obtenir une cicatrisation spontanée, et le pronostic de ces brûlures est généralement bon, avec une cicatrisation dans les 10-12 jours. La chirurgie n’est pas indiquée pour les brûlures du 2e degré superficiel sauf pour les brûlures étendues dont certaines zones sont atteintes plus profondément. Leur prise en charge peut être compliquée par l’intensité de la douleur, qui peut justifier à elle seule une hospitalisation. Comme pour toute plaie, la vaccination antitétanique doit être vérifiée.

Caractéristiques

Les brûlures de 2e degré superficiel sont caractérisées par la présence d’une phlyctène qui couvre un derme rouge et sensible. La coloration rouge indiquant l’intégrité de la vascularisation dermique. Les terminaisons nerveuses présentent dans ce derme ne sont plus protégées par l’épiderme, et leur stimulation par contact, frottement ou autre est à l’origine d’une douleur intense.

Excision de la phlyctène

L’excision de la phlyctène, qui correspond à une extravasation de liquide interstitiel entre le derme et l’épiderme, doit être réalisée systématiquement avec du matériel stérile (instruments et gants). Cette excision n’est pas douloureuse, car l’épiderme qui est retiré n’est pas innervé. Lorsque la phlyctène a déjà été rompue, il faut procéder à l’ablation de l’épiderme collé au derme avec des pinces. Ce geste peut s’avérer douloureux, car tout frottement du derme est très algique.

Rinçage et séchage

Une fois la phlyctène retirée, le derme à l’air libre doit être rincé, de préférence avec du sérum physiologique, ou avec une solution non alcoolique et non iodée. Le rinçage à la seringue permet d’éviter de frotter le derme. Une compresse non tissée permet ensuite de tamponner sans frotter pour sécher la plaie et enlever les débris épidermiques.

Choix thérapeutiques

Plusieurs protocoles de soins sont possibles. Une réfection quotidienne du pansement privilégie une surveillance régulière, alors que des renouvellements espacés sont plus confortables pour le patient. Les pansements à base de sulfadiazine argentique n’ont pas d’intérêt en raison de l’absence quasi constante de risque infectieux.

→ Pansement refait quotidiennement : avec des pansements gras (ex. : Jelonet, Grassolind, Adaptic, Mepitel) ou des pansements interfaces siliconées (ex. : Urgotul, Adaptic Touch, Lomatuell H). L’infirmière peut suggérer au patient de retirer le pansement et de laver la zone brûlée, sous la douche par exemple, dans l’heure qui précède sa visite.

→ Renouvellements espacés (deux fois par semaine par exemple) : interfaces siliconées ou Hydrotac, pansement hydrocellulaire avec interface hydrogel qui a un effet antalgique lors de la pose.

Cas pratique

Vous vous rendez chez Mme B. pour refaire le pansement d’une brûlure de 2e degré superficiel au niveau du tibia droit. Le protocole de soins prévoit une réfection quotidienne. Mme B. vous précise que sa brûlure est très douloureuse et qu’elle a pris 1 g de paracétamol une heure avant votre visite comme l’a suggéré l’infirmière de l’hôpital.

Vous commencez à défaire le pansement en place, mais la douleur est trop forte. Mme B. vous demande de vous arrêter plusieurs fois pour reprendre son souffle. Vous lui expliquez que la douleur n’est pas suffisamment soulagée et que vous devez contacter le service pour demander une adaptation du protocole. Soit en augmentant le traitement antalgique, soit en espaçant les pansements qui devront peut-être être réalisés à l’hôpital.

L’avis du spécialiste

« Ne pas refroidir une brûlure étendue »

Dr Julie Lachamp, anesthésiste-réanimateur au centre des brûlés inter-régional Méditerranée, hôpital de la Conception à Marseille.

« Le refroidissement doit être limité aux brûlures inférieures à 10 % de la surface corporelle, sinon il y a plus de risque d’hypothermie pour le patient que de bénéfice pour la brûlure. Chez le grand brûlé, l’hypothermie est due à un dérèglement de la régulation de la température par le thermostat central situé au niveau de l’hypothalamus. Pour lutter contre l’augmentation de la température périphérique au niveau de la brûlure à la phase initiale, l’organisme va abaisser la température centrale de façon importante et rapide. Dans ce cas, le refroidissement d’une lésion étendue viendrait augmenter l’hypothermie activée par l’organisme en réponse à la chaleur initiale de la brûlure. »

Quand appeler les urgences ?

→ Lorsque la brûlure de la peau concerne :

– un nourrisson ou un enfant de moins de 5 ans ;

– un enfant de plus de 5 ans si brûlure > 5 % de la surface corporelle (SC) ;

– un adulte pour une brûlure > 10 % de la SC ;

– une personne âgée pour une brûlure > 5 % de la SC ;

– le visage, les mains, le cou, le périnée.

→ Ou en cas de :

– brûlure de 2e degré > 10 % de la SC ;

– brûlure de 3e degré ;

– brûlure électrique ou chimique ;

– brûlure survenue lors d’une explosion, d’un accident de la voie publique ou d’un incendie en lieu clos (risque d’intoxication au monoxyde de carbone) ;

– brûlures circulaires*.

Source : ameli.fr (« Brûlures de la peau »).

* Circonstance ajoutée par Stéphanie Vernet, infirmière dans le service des brûlés de l’hôpital Lapeyronie à Montpellier.