Expliquer les enjeux du dépistage - L'Infirmière Libérale Magazine n° 338 du 01/07/2017 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 338 du 01/07/2017

 

Cahier de formation

Savoir faire

Tout comme le médecin traitant, l’Idel joue un rôle clé dans la diffusion des messages importants sur le test immunologique mis à disposition dans le cadre du dépistage généralisé. Elle est également en première ligne pour gérer le suivi à domicile des patients stomisés.

LE TEST IMMUNOLOGIQUE

Le dépistage généralisé a été mis en place en 2009 au niveau national en France. 18 millions de personnes sont invitées tous les deux ans à pratiquer ce test. Le programme s’adresse aux 50-74 ans car 95 % des cancers colorectaux surviennent après 50 ans. En 2015, le test au gaïac (Hemoccult II) a été remplacé par un test immunochimique (OC-Sensor). Sa mise à disposition marque un tournant décisif pour accroître le dépistage du cancer colorectal en France. Le point sur ses bénéfices et ses limites.

Meilleure détection des cancers

Ce test immunochimique permet de détecter deux fois plus de cancers et deux fois et demie plus d’adénomes à haut risque de transformation maligne, dits “adénomes avancés” (taille supérieure ou égale à 1 cm ou à contingent villeux supérieur à 25 % ou en dysplasie de haut grade). Cette performance accrue constitue un atout important pour détecter les cancers débutants ou les lésions avant leur transformation en cancer dans le cadre d’une démarche préventive.

À noter : le test immunologique génère un nombre de coloscopies plus important que l’ancien test, toutefois celles-ci sont réalisées chez des personnes ayant davantage de risques d’avoir une lésion (meilleure sensibilité du test : plus de vrais positifs).

Fiabilité accrue

Une part non négligeable des lésions (pré) cancéreuses saignent ; les traces de sang peuvent donc être recherchées dans les selles grâce à des tests. Le principe de détection du nouveau test repose sur l’utilisation d’anticorps monoclonaux et polyclonaux spécifiques de la partie globine de l’hémoglobine humaine. D’où l’impossibilité de détection d’hémoglobine animale qui serait issue de l’alimentation, contrairement à l’ancien test. Avec un seuil de positivité fixé en France à 150 ng hémoglobine/ml, la lecture est par ailleurs automatisée.

Plus grande simplicité d’utilisation

La méthode de prélèvement est plus ergonomique et plus hygiénique qu’avec l’ancien test. Le support de recueil de selles est un papier à coller sur les lunettes des toilettes à l’aide d’autocollants. La tige de prélèvement est striée, permettant une collecte plus facile de selles. Un seul prélèvement suffit, alors qu’avec l’ancien test, six prélèvements étaient nécessaires.

“Faux positifs”

Si le test est négatif, un nouveau test sera proposé deux ans plus tard ; s’il est positif, une coloscopie est proposée par le médecin. La recherche de sang occulte dans les selles peut générer des “faux positifs” (en particulier en période de règles ou en cas d’hémorroïdes). Ainsi, dans plus de 90 % des cas, la coloscopie réalisée après le test immunologique ne révèlera pas de lésion cancéreuse. Actuellement, 80 000 tests sont analysés par semaine ; 4,6 % des tests sont positifs.

CONSEILS PRATIQUES

Sensibiliser les patients de plus de 50 ans en leur demandant s’ils ont bien reçu le courrier les incitant au dépistage du cancer colorectal. Rappeler qu’il est plus simple, plus rapide et plus sensible que le test précédent (Hémoccult).

On estime qu’environ 5 % des tests ne peuvent pas être analysés, en particulier en raison de l’absence de la date de réalisation et du délai entre la réalisation du test et sa réception par le laboratoire.

D’où l’importance de rappeler aux patients de :

→ poster le test du dimanche au vendredi (jamais la veille d’un jour férié) et au plus tard 24 heures après sa réalisation. En effet, pour qu’il puisse être analysé, il doit arriver dans un délai maximal de six jours suivant le prélèvement ;

→ bien indiquer sur la fiche d’identification et sur le tube de prélèvement, à l’aide des étiquettes fournies dans la lettre d’invitation, la date de prélèvement, les coordonnées complètes du patient et son numéro de Sécurité sociale.

Cas pratique

Madame F., âgée de 63 ans, est atteinte de diabète de type II. Vous venez à son domicile pour une ulcération du pied. Elle vient de recevoir un courrier de l’Assurance maladie l’invitant à se rendre chez son médecin traitant pour qu’il lui remette un kit de dépistage du cancer colorectal. Elle vous interroge sur l’intérêt de ce test et le mode d’emploi du kit. Elle est très angoissée car elle a déjà été traitée pour un cancer du sein il y a quinze ans.

Vous expliquez à la patiente qu’il s’agit d’un nouveau kit plus facile d’utilisation, plus performant et plus fiable que l’ancien test. Il est disponible chez son médecin traitant. Il lui faudra selon le mode d’emploi prélever un échantillon de selles et renvoyer le prélèvement par voie postale au plus tard 24 heures après sa réalisation. Les résultats lui seront envoyés sous quinze jours ainsi qu’à son médecin. Si le test est positif, une coloscopie devra être réalisée afin de détecter les lésions (pré)cancéreuses.

Personnes exclues du dépistage organisé

Il s’agit des patients ayant eu une coloscopie les cinq années précédentes ; ceux atteints d’une maladie grave rendant le dépistage inopportun ; ceux ayant un risque élevé ou très élevé de cancer colorectal (antécédents familiaux, antécédents personnels d’adénome ou de cancer colique, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, maladies génétiques) pour lesquels une surveillance coloscopique est alors nécessaire ; ceux ayant une symptomatologie digestive d’apparition récente à qui une coloscopie est proposée d’emblée.

Point de vue

Le dépistage, pierre angulaire pour améliorer la prise en charge

Pr Wulfran Cacheux, oncologue digestif, Institut Curie, Paris

« Les tests immunologiques mis à disposition en 2015 en France représentent un énorme progrès en termes d’amélioration de la prise en charge. Clairement, plus le dépistage est réalisé à un stade précoce, meilleurs seront le pronostic et la survie. Aujourd’hui, nous commençons à avoir des chiffres sur l’adhésion des patients. Ils sont impressionnants: une fois le test remis par leur médecin traitant, neuf patients sur dix déclarent l’effectuer, alors qu’auparavant seul un patient sur deux le faisait. Deux millions de tests avaient été analysés fin février 2016. »

Questions de patient

Il y a trois ans, j’ai reçu le test par voie postale. Cette procédure a t-elle été modifiée ? La lettre que je viens de recevoir m’invite à consulter mon médecin traitant pour qu’il me remette le kit…

Effectivement, l’envoi du test par voie postale au patient lors de la relance prévue avec le dépistage effectué avec le test au gaïac n’a pas été intégré au cahier des charges du test immunologique. Et pour cause, jusqu’à 90 % des tests envoyés n’étaient pas utilisés.

Selon des données préliminaires diffusées par Santé publique France, le taux de participation au dépistage du cancer colorectal avec le test immunologique serait de l’ordre de 30 % alors qu’était attendue une progression de 10 à 15 %. Ce taux de participation était déjà de l’ordre de 30 % en 2013-2014 avec le test au gaïac. Pour atteindre le seuil de recommandation de 45 % en Europe, la Société nationale de gastro-entérologie appelle à rétablir l’envoi du test au patient lors de la relance effectuée par voie postale. La procédure pourrait donc évoluer.

Mon père est décédé d’un cancer du côlon il y a un mois. Il avait 83 ans. Dois-je consulter mon médecin traitant pour faire le test ? J’ai 53 ans.

Vous devez consulter votre médecin traitant, effectivement, pour lui en parler. Mais compte tenu de vos antécédents familiaux, vous ne devez pas faire le test. Une coloscopie vous sera prescrite directement. De même, en cas de polypes familiaux, de douleurs abdominales, de troubles digestifs inhabituels et persistants ou encore en cas de présence de sang dans les selles, le test n’est pas recommandé.

Je viens de faire les prélèvements. Mais cela ne s’est pas bien passé. Puis-je demander un nouveau test ?

Absolument. Il faut prendre contact avec votre médecin. Il vous remettra un nouveau test. Vous avez le droit de vous tromper, et nous sommes là pour vous donner des conseils.