Fin de vie LA LOI LEONETTI DOIT-ELLE ÊTRE ADAPTÉE ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 301 du 01/03/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 301 du 01/03/2014

 

Le débat

LAURE MARTIN  

Le cas de Vincent Lambert, patient tétraplégique dont le maintien en vie est au cœur d’un conflit familial, relance le débat sur la fin de vie jusqu’au Conseil d’État, qui a sollicité l’avis d’experts en neurosciences avant de se prononcer, avant l’été. Avec, en toile de fond, les réflexions sur ce sujet ultrasensible pour une loi espérée par la ministre de la Santé avant la fin de l’été.

Jean-Luc Romero

président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), conseiller régional d’Île-de-France, apparenté PS

Légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté : quelle est votre position sur ces deux notions ?

En tant que président de l’ADMD, je me bats pour que la loi soit complète sur l’accès aux soins palliatifs et légalise le droit à l’euthanasie et au suicide assisté.

Je considère que les Français doivent avoir le choix et que les soins palliatifs ne répondent pas nécessairement aux attentes de tous. Déjà, ils ne sont pas accessibles à l’ensemble de la population, seuls 20 % des mourants peuvent aller dans des unités de soins palliatifs. En plus, ils ne permettent pas de prendre en charge les douleurs réfractaires. Enfin, certaines personnes ne souhaitent pas en bénéficier. Il faut donc mettre en place un vrai choix.

Une réaction sur l’affaire Vincent Lambert et la décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Marne) de le maintenir en vie ?

Cette affaire montre l’incurie de la politique menée depuis dix ans, ainsi que l’échec de la loi concernant la sédation et les directives anticipées. Dans ce cas précis, il n’y a pas de directive anticipée mais une famille quise déchire pour expliquer les vœux d’une personne. L’ADMD a demandé au député Jean Leonetti de mener une campagne sur les directives anticipées (sur ces directives, lire aussi p. 58). Il ne faut pas oublier que la loi de 2005 a été rédigée en réaction au cas de Vincent Humbert(*). Il y a des similitudes avec l’affaire d’aujourd’hui, mais les solutions qui existent, comme la sédation terminale, font peur.

À la lumière du cas Vincent Lambert, le président de la République envisage une nouvelle loi sur la fin de vie. Qu’en attendez-vous ?

Je ne souhaite pas une loi Leonetti de gauche. La loi actuelle a été faite par les médecins pour les médecins. Il faut que l’on change de logique et que ce soit au patient de décider en dernier par l’intermédiaire de sa personne de confiance ou des directives anticipées.

Les soignants ne se sont pas emparés de la loi actuelle car elle inquiète. Il faut mettre le patient au centre de la réflexion et protéger les médecins avec une clause de conscience. Nous attendons du président François Hollande qu’il change la logique, comme le prévoyait la proposition 21 de sa campagne.

Bernard Debré

chirurgien urologue, député UMP de Paris

Légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté : quelle est votre position sur ces deux notions ?

J’y suis totalement opposé et je m’en tiens à la loi Leonetti sur laquelle j’ai travaillé en tant que membre du Comité consultatif national d’éthique. Quand les gens sont en fin de vie, il faut avant tout les empêcher de souffrir. Les médecins peuvent donc augmenter la dose de médicaments, ce qui peut accélérer la mort. Mais l’intentionnalité est antalgique et doit le rester. L’euthanasie brutale avec une injection létale programmée n’est pas acceptable, tout comme ne l’est pas l’acharnement médical. On a effectivement le droit d’être maître de sa vie, mais j’estime qu’il n’appartient pas au médecin d’apporter la mort.

Une réaction sur l’affaire Vincent Lambert et la décision du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Marne) de le maintenir en vie ?

Il est très dommage qu’il ait fallu avoir recours au Conseil d’État pour prendre une décision. Je pense qu’il faut appliquer la loi Leonetti, qui refuse l’acharnement médical. Il faut le laisser mourir dans des conditions dignes et supprimer la réanimation qui le maintient dans une vie artificielle.

À la lumière du cas Vincent Lambert, le président de la République envisage une nouvelle loi sur la fin de vie. Qu’en attendez-vous ?

Au lieu d’une nouvelle loi, je pense qu’il faut davantage envisager des adaptations, des éclairages sur la loi Leonetti.

Il me paraît difficile de légiférer pour éviter les déchirements familiaux. Il est extrêmement dangereux d’être manichéen. Mourir dans la dignité, qu’est-ce que cela veut dire ? C’est le regard du bien portant qui donne la dignité. Il ne faut pas inverser les problèmes. Par contre, je pense qu’il faudrait une plus grande communication et information autour de la loi actuelle et surtout, il est important de créer des unités de fin de vie en plus grand nombre.

(*) En 2002, après un accident de la route le rendant aveugle, muet et tétraplégique, Vincent Humbert a écrit au président de la République, Jacques Chirac, afin de lui demander, en vain, le « droit à mourir ». Avec l’aide d’un médecin, sa mère provoque son décès. Leur jugement s’est conclu par un non-lieu.