Un système de soins précurseur

Original, créatif et innovant. Plus qu'un réseau de santé, le Groupement de coopération sanitaire (GCS), Soigner Ensemble dans le Bessin, est une plate-forme interdisciplinaire unique et en pleine élaboration. Il ne s'agit en aucun cas d'une structure de soins. Son objectif est de garantir une santé de proximité et de qualité pour la population du Bessin, une région à cheval sur les départements du Calvados et de la Manche. Avec 90 000 habitants en zone rurale, un seul établissement de santé de proximité, une HAD et trois Ssiad, le chantier est pour le moins ambitieux. Son but ? Accompagner la prise en charge globale des patients, prévenir, dépister, maintenir et accompagner le retour à domicile, éviter l'hospitalisation et faire le lien le plus efficace possible entre la ville et l'hôpital.

« Une vision commune de la valeur humaine et de l'être humain, des fondamentaux éthiques identiques... c'est cela qui nous fédère. Nous nous positionnons en tant que citoyens responsables et profitons de possibilités et d'opportunités pour agir ensemble. Sans certitudes et dans un climat de confiance », s'enthousiasme Martine Ducouret, directrice développement et qualité du GCS. Une volonté de coopération qui se traduit, sur un plan juridique, par plusieurs créations de structures, dont l'HAD de Bayeux, le Syndicat interhospitalier du Bessin - qui regroupe la clinique de la Croix-Rouge et le centre hospitalier - et l'association Soigner Ensemble. L'ouverture à la ville en est l'axe principal, en associant de façon importante l'ensemble des acteurs de santé, dont les pharmaciens et les infirmières.

MOTIVATIONS MULTIPLES

Le Bessin doit faire face au recentrage des grands équipements sanitaires sur la capitale régionale, à la baisse de sa démographie médicale, à un éloignement croissant de l'offre de soins de sa population, à l'avènement des maladies chroniques, au vieillissement de la population, à la maîtrise des coûts et à un taux de précarité élevé dans le nord de la région. D'où la nécessité d'organiser un réseau de santé de proximité correspondant à son aire géographique. Un réseau plurithématique pour répondre à tous les besoins de santé, mentale et physique, de la population. Avec une prise en charge de la parentalité, des maladies chroniques, de la cancérologie, de l'addictologie, des soins palliatifs et de la gérontologie, tout en intégrant constamment une démarche de prévention. Ce type de partenariat entre praticiens libéraux et hospitaliers permet une réactivité plus grande pour résoudre les dysfonctionnements, comprendre la contrainte de l'autre et constituer une véritable chaîne.

« Notre réseau de périnatalité symbolise bien notre cheminement. En 1996, nous nous penchions déjà, au sein de l'hôpital et en lien avec la PMI, sur le "processus" de la femme enceinte dans le Bessin. C'est en nous réunissant dans une réflexion et un travail communs qu'est apparue la problématique. Il fallait améliorer le circuit de la prise en charge. Nous avons imaginé un lieu d'accueil, L'Île aux Parents, pour accueillir les jeunes parents, et nous avons mis en place une régulation autour d'objectifs communs. C'est l'association Soigner Ensemble qui a permis de rendre plus pérennes ces actions », explique la directrice du GCS.

DE SOIGNER ENSEMBLE AU GCS

L'association Soigner Ensemble, loi 1901, a été créée en 1999. C'est un lieu d'échanges qui a permis aux acteurs de santé du Bessin de se connaître et de se parler, de mettre en évidence la nécessité de coordonner les acteurs de santé, si nécessaire, autour d'un même patient. Des actions de formation à l'évaluation de la douleur, notamment des infirmières libérales, ont été mises en place. Ainsi que l'organisation de soirées annuelles à thèmes, ouvertes aux professionnels et, pour certaines, au grand public. Et c'est petit à petit que l'association a pris en considération la nécessité de développer des réseaux, comme Le Lien en Bessin pour les soins palliatifs.

La constitution, en 2007, du GCS Soigner Ensemble dans le Bessin prolonge, de fait, le travail entrepris par l'association de départ. Son ambition ? Rechercher la complémentarité entre l'expertise biomédicale et la prise en charge globale, au service de la personne « dans un continuum de santé indissociable de son continuum de vie, de l'anténatal à la fin de la vie ». Sa particularité ? « On ne voulait pas créer des cheminées de réseaux côte à côte, sans lien. Les professionnels du Bessin adhèrent à un seul grand réseau dans une démarche de réflexion et de travail sur la délégation des compétences. Nous sommes partis d'une autre définition de la santé, avec une vision médicale, sociale, psychologique et économique. Nos valeurs sont très fortes », insiste Martine Ducouret, initialement cadre directrice de soins. En plaçant le patient au coeur de sa démarche, le GCS tend vers une réalité assez unique dans le paysage de la santé, avec une vaste mise en commun de moyens.

MISE EN SYNERGIE

Le regroupement Soigner Ensemble dans le Bessin anime le réseau et assure la continuité des soins dans le Bessin, en permettant aux spécialistes libéraux d'intervenir au sein du centre hospitalier pour mettre les différentes compétences à la disposition des patients. Il coopère avec l'HAD pour favoriser un cadre juridique plus stable et adapté à la mise à disposition du personnel et s'oriente vers la formation médicale continue. Enfin, il correspond aux préconisations du Sros 3 de Basse-Normandie qui insiste sur le décloisonnement entre les libéraux et l'hôpital et qui incite au développement de réseaux polyvalents de proximité.

Les praticiens libéraux comptent, dans la région de Bayeux, 74 médecins généralistes, 25 médecins spécialistes, 26 pharmaciens et 75 infirmières. « Nous avons créé notre propre représentation de l'interdisciplinarité et pouvons parler entre nous de processus et de rencontres, d'interfaces et de dysfonctionnements. La reconnaissance de la fragilité de l'autre fait partie de nos préoccupations essentielles. Tout professionnel peut ne pas savoir répondre seul aux conséquences socio-économiques et culturelles sur la maladie, vivre difficilement un exercice professionnel, se sentir en difficulté, ne pas savoir gérer le consumérisme des soins et la pression de certains patients », intervient Éliane Faguais, cadre de santé, coordinatrice du GCS. Le réseau vient en aide aux soignants, en premier lieu au médecin généraliste référant du patient et aux autres équipes qui vont l'entourer localement.

« Par ailleurs, nous défendons haut et fort le métier d'infirmière libérale. N'oublions pas qu'elles repèrent des choses essentielles quand elles s'occupent des patients chez eux. Le GCS permet de partager cette évaluation, en coordonnant et en faisant du lien. Nous les aidons sur certains outils et les formons. Elles restent praticiennes des malades et sont très intéressées par cette plate-forme pour rompre leur isolement. Avec une visée pluridisciplinaire, les infirmières libérales sont reconnues dans leur travail, participent aux réunions et au comité scientifique », indique la directrice du réseau multithématique. Sans oublier l'objectif constant de faciliter la vie de ces professionnelles, notamment en ce qui concerne la gestion administrative.

UN PARI POUR L'AVENIR

L'interdisciplinarité et la collaboration s'effectuent dans une véritable transversalité de toutes les actions du réseau. Avec quatre objectifs : promouvoir la santé, améliorer la qualité des soins, favoriser la qualité de vie au travail des professionnels de santé et fédérer les actions de santé thématiques. « Nous faisons le pari que ces professionnels de proximité engagés après avoir appréhendé le travail en réseau, quelle que soit la thématique, sauront aller chercher dans la plate-forme du réseau de santé les actions et les services dont ils ont besoin », souligne Thierry Gandon, médecin généraliste coordonnateur du GCS. « Il faudra permettre à cette plate-forme de soins de se stabiliser, de lui donner les moyens et le temps d'être vecteur de changements et d'évolutions du système de santé, ajoute-t-il. Notre but est d'asseoir un réseau fédéral, dans une logique de mutualisation, en instituant une seule charte, un seul dossier par patient, un seul système intégré d'information, de communication et de formation. »