Le refus de soins en matière libérale - L'Infirmière Libérale Magazine n° 225 du 01/04/2007 | Espace Infirmier
 

L'infirmière libérale magazine n° 225 du 01/04/2007

 

Juridique

En général, l'infirmière, comme les autres professionnels de santé, doit dispenser ses soins à tout patient avec la même conscience. Cependant, seule la libérale, et à condition de ne pas nuire au malade, peut décider de ne pas effectuer des soins dans certains cas bien précis.

Conformément au Code de la Santé publique, l'infirmière, comme tout professionnel de santé, doit dispenser ses soins à tout patient avec la même conscience, quels que soient les sentiments qu'elle peut éprouver à son égard et quels que soient l'origine de cette personne, son sexe, son âge, son appartenance ethnique, sa religion ou sa nationalité. Bien entendu, la maladie ou le handicap d'un patient ne peuvent conduire une infirmière à refuser des soins. Enfin, la situation de famille du patient, sa réputation ou ses moeurs ne peuvent non plus l'exclure du système de santé. Reste que l'infirmière peut, dans certains cas bien précis, refuser des soins à un patient. En premier lieu, rappelons que seule l'infirmière libérale, et à condition de ne pas nuire au malade, peut décider de ne pas effectuer des soins.

UNE PRÉROGATIVE EXCLUSIVEMENT LIBÉRALE

En effet, l'infirmière salariée du secteur privé, ou l'infirmière du secteur public, ne saurait, sans commettre une faute, refuser de dispenser des soins à un malade que son employeur, son chef de service ou son supérieur hiérarchique lui auraient confié. Seule une menace à son intégrité physique peut conduire l'infirmière non libérale à refuser des soins.

Par ailleurs, la prescription d'un acte illégal peut être légitimement refusée : l'exemple type est celui de l'acte euthanasique condamné par la loi. Dans le même sens, le refus de soins lié à une éthique personnelle reste parfois possible : tel est le cas en matière d'IVG.

ASSURER LA CONTINUITÉ DES SOINS

Conformément à l'article R. 4312-30 du Code de la Santé publique, dès qu'elle a accepté d'effectuer des soins, l'infirmière est tenue d'en assurer la continuité.

Que faut-il entendre par continuité : rester jour et nuit à la disposition des patients en étant joignable 24 heures sur 24 ? Certainement pas. En tout cas, pas pour toutes. Dans les plus gros cabinets, la mise en place d'un service de garde la nuit ou de week-end est aisée. Restera à bien évaluer les appels relevant véritablement de l'urgence. Dans les plus petits cabinets, l'exigence posée par le Code quant à la continuité des soins peut consister tout simplement à diriger les patients vers d'autres services d'urgence par le biais d'un répondeur téléphonique.

ET NE PAS NUIRE AU PATIENT

Si l'infirmière décide de ne pas effectuer des soins, ou se trouve dans l'obligation de les interrompre, la première règle posée par le Code de la Santé publique est de ne pas nuire au patient, le risque de préjudice étant bien entendu essentiellement lié à son état de santé. Néanmoins, l'infirmière qui décide de ne pas assurer de soins doit préalablement vérifier que sa décision sera sans conséquence pour le patient, tant sur le plan de sa santé que sur celui de ses droits sociaux.

L'infirmière doit en expliquer les raisons au patient et, à la demande de celui-ci ou de ses proches, lui remettre la liste des infirmières exerçant dans le département. Dans ce cas, ou lorsque le patient choisit spontanément de s'adresser à une autre professionnelle, l'infirmière doit remettre au médecin prescripteur les indications nécessaires à la continuité des soins. Le cas échéant, précise l'article R. 4312-41 du Code, l'infirmière doit transmettre au médecin désigné par le patient ou par ses proches, et avec leur accord explicite, la fiche de synthèse du dossier de soins infirmiers.

Plusieurs circonstances peuvent conduire l'infirmière libérale à prendre une telle décision : l'éloignement géographique du patient à soigner, une charge de travail déjà trop importante, l'absence de maîtrise d'une technique de soins particulière, etc. Rappelons que les mobiles doivent rester légitimes et l'appartenance du patient à une race, une ethnie, religion, etc., ne sauraient justifier un refus de soins.

REFUSER UN ACTE NE RELEVANT PAS DE SA COMPÉTENCE

Théoriquement, une infirmière peut refuser d'accomplir un acte relevant de la stricte compétence médicale, sans pour autant commettre de faute. Néanmoins, la situation est tout autre en cas d'urgence. En effet, et dans ce cas seulement, l'infirmière sera tenue de dispenser les actes d'urgence et de sauvegarde qu'elle connaît, même si ces actes ne rentrent pas dans sa spécialité ou sont sans rapport avec ses attributions. Ne pas agir face à une situation d'urgence exposerait l'infirmière à des sanctions pénales pour non-assistance à personne en péril. C'est sur la base du délit de non-assistance (après celui d'atteintes involontaires à l'intégrité corporelle) que les procès en responsabilité sont les plus fréquents.

Et même si l'assistance fournie par l'infirmière se relève inefficace ou inadéquate, sa responsabilité ne saurait être engagée, sauf faute particulièrement grave.

Cette exception ne concerne évidemment que les situations d'urgence et l'infirmière qui réaliserait, de manière habituelle et sans que l'urgence le justifie, des actes dépassant sa compétence s'exposerait à des sanctions en cas de faute à l'origine d'un dommage. Les pressions peuvent pourtant parfois être fortes dans le sens d'un dépassement systématique des compétences. Mieux vaut alors exprimer son refus, ou tout au moins ses réserves, par écrit, afin de se prémunir en cas de litige.

Notre expert vous répond

- Après plusieurs années d'activité au sein d'un cabinet de groupe sans même aucun contrat d'exercice en commun (sans partage d'honoraires) signé, est-il possible en cas de départ de prétendre à un droit de présentation ?

Dans le cadre d'un cabinet de groupe ou contrat d'exercice à frais communs, seuls les moyens en matériel ou en personnel sont mis en commun et chaque membre conserve ses honoraires. En fonction des clauses et des circonstances particulières, ce type de contrat peut être requalifié en société créée de fait et entraîner ainsi des droits sur la clientèle.

Exemple : une infirmière exerçant en commun, depuis plusieurs années et sans contrat, réclame en justice le partage de la clientèle commune indivise du cabinet. En première instance, les juges refuseront de lui accorder un quelconque droit de présentation. L'argument retenu par les tribunaux étant que les infirmières n'étaient pas, ensemble et de manière indivise, titulaires d'un droit de présentation sur une clientèle unique et commune. À noter que l'ensemble des infirmières, à l'exception de celle ayant intenté l'action en justice, étaient liées par un contrat d'exercice en commun de la profession sans partage des honoraires.

L'affaire ira d'abord devant la Cour d'appel de Metz, laquelle confirmera la décision de première instance, au motif que l'association créée de fait par les infirmières n'avait pas constitué une situation juridique caractérisant l'existence d'une indivision.

L'affaire ira, après des années de procédure, jusque devant la Cour de cassation, plus haute juridiction. La Cour, après avoir relevé que les infirmières avaient exercé leur activité de manière à ce que chacune ait un temps de travail équivalent et intervienne à tour de rôle auprès de la clientèle, décida le 8 janvier 2004 que les droits des infirmières portaient sur l'ensemble de la clientèle et non sur une partie déterminée de celle-ci, peu importe que toutes les infirmières n'aient pas été liées par un contrat d'exercice en commun ne prévoyant pas de partage d'honoraires.

On ne rappellera jamais assez le caractère indispensable du contrat écrit, et ce quelle que soit la forme de coopération !