Visite des résidents en Ehpad : la mission plaide pour la reconnaissance d’un droit   | Espace Infirmier
 
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15/11/2023

Visite des résidents en Ehpad : la mission plaide pour la reconnaissance d’un droit  

Enseignant en droit constitutionnel à Sciences Po et fondateur du collectif « Tenir ta main », Laurent Frémont a remis le 14 novembre aux tutelles, son rapport, au sein duquel il dresse une liste de recommandations pour le respect du droit de visite en Ehpad. Le point. 

Après huit mois de travail, les membres de la mission1 mise en place par le gouvernement pour élaborer des propositions visant à rétablir le lien de confiance entre les résidents d'Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les proches, et les professionnels ont remis leur rapport à Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des familles et à Agnès Firmin Le Bobo, ministre déléguée chargée de l'Organisation territoriale et des professions de santé. Ils proposent une dizaine de mesures en réaction aux restrictions mises en place pendant la crise sanitaire concernant les visites des résidents des Ehpad, et qui se poursuivent depuis lors dans certaines structures.

Instaurer un droit

Les membres de la mission entendent tout d’abord rappeler que la chambre d’Ehpad est un domicile privé, et demandent la reconnaissance officielle, dans le Code de l’action sociale et des familles, d’un droit permanent à la visite des proches, idéalement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

Par ailleurs, pour éviter les abus, ils proposent d’agir pour réussir l’alliance entre les proches et les institutions. « La participation des familles dans la vie des établissements est essentielle, soutient Laurent Frémont2. Elle est déjà possible via le Conseil de vie social (CVS). Mais sa consultation doit devenir obligatoire dès lors que des restrictions sont envisagées pour la liberté d’aller et venir des résidents, ou leur droit à une vie familiale normale. »

Recours et formation

Autre mesure préconisée : la construction d’un dispositif de recours en cas d’abus éventuel, qui pourrait prendre la forme d’un Contrôleur général des lieux de grande vulnérabilité. Il serait doté de pouvoirs étendus pour investiguer et recueillir les plaintes. « Aujourd’hui, le secteur manque d’une autorité de contrôle en cas d’abus concernant le bien-être des résidents et leur liberté », explique l’enseignant. De même que les voies de recours sont peu connues voire floues. « Les résidents et leurs proches doivent savoir clairement à qui s’adresser en cas de problème », insiste-t-il. 

Enfin, la mission propose de renforcer les formations initiales et continues à l’éthique appliquée pour les personnels intervenant en Ehpad. « Nous voudrions aussi que soit organisée une journée annuelle consacrée à ce sujet au sein des établissements », fait savoir Laurent Frémont. L’équipe préconise en outre de renforcer les enseignements en soins palliatifs dans les formations médico-sociales et de former les directeurs de structures à la gestion de crise, « afin de sortir d’une approche binaire et privilégier davantage l’approche bénéfice-risque pour les résidents », ajoute-t-il.

Reconnaître les torts

Pour dresser cette liste de recommandations, les membres de la mission ont mené une centaine d’auditions notamment de familles et de professionnels du secteur médico-social, concernés par les restrictions mises en place pendant la crise. « Cette partie rétrospective nous a permis de comprendre ce qu’il s’était passé ainsi que les effets des restrictions de visites sur les résidents, les proches et le personnel », souligne Laurent Frémont. Et de poursuivre : « Notre analyse nous permet aujourd’hui de pointer une surenchère protocolaire des tutelles et des directions d’Ehpad au moment de la crise. Elles ont adopté une approche sécuritaire de la relation de soins et de l'hébergement des résidents, et appliqué des protocoles de manière automatique, souvent abusive, et non différenciée. » Bien entendu, le groupe de travail distingue les mesures prises au début de la crise, dans un contexte d’urgence et de méconnaissance du virus, des restrictions de visites qui demeurent aujourd’hui et s’avèrent « inappropriées ».

D’ailleurs, parmi les autres recommandations, la mission encourage les autorités à reconnaître la gestion « non parfaite de cette crise au sein des Ehpad », ainsi que « les victimes dans leur souffrance ». « Nous demandons un travail de mémoire avec une parole officielle ou une journée de commémoration pour les personnes parties seules, insiste Laurent Frémont. C’est très attendu de la part des associations de proches et de victimes car les dégâts ont été nombreux et personne n’en a parlé. » Ce plan d’actions devrait trouver une application concrète dans le cadre du projet de loi « bien vieillir ».

1.Outre Laurent Frémont, la mission était composée du Pr Roger Gil, neuropsychiatre, de Julie Micheau, consultante dans le médico-social et de Florence Bourges, spécialiste en gérontologie.

2.Laurent Frémont a créé ce collectif à la suite du décès de son père, hospitalisé, qu’il n’a pas pu accompagner en raison des restrictions sanitaires liées au Covid-19.

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