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Venir en aide aux victimes de torture

02/07/2012

Venir en aide aux victimes de torture

Le Centre Primo-Levi vient de publier un livre blanc pour « sortir de l’ombre » les dizaines de milliers de victimes de torture réfugiées en France et émettre des recommandations pour une meilleure prise en charge.

Ils seraient plus de 100 000 en France, « complètement oubliés des politiques de santé publique ». À l’occasion de la Journée internationale des Nations unies pour le soutien aux victimes de la torture, mardi 26 juin, le Centre Primo-Levi a publié un livre blanc sur la prise en charge et le soin des personnes exilées en France, fruit d’un travail collectif mené par des médecins, des psychologues ou encore des responsables associatifs. Enjeux : « Sortir ces personnes de l’ombre. Reconnaître leur existence, parler de leur souffrance », écrit, en préambule, Michel Brugière, président du centre, et réclamer « une prise en charge appropriée ». Aucune structure publique n’est en effet spécifiquement dédiée à ces personnes exilées, en grande souffrance physique et psychique. Les rares centres de soins dédiés, structures associatives* ou consultations spécifiques pour les migrants dans des hôpitaux publics (Avicenne ou Cochin, à Paris) prennent en charge plusieurs milliers de patients chaque année mais ne peuvent faire face à l’immensité des besoins.

Le livre blanc pointe l’absence de formation des professionnels de santé – notamment des médecins généralistes, en première ligne - au repérage et à la prise en charge spécifique de cette population. « Ils se retrouvent désemparés face à ces maux de tête ou ces insomnies qu’on n’arrive jamais à guérir. Ils ne sont pas toujours capables de faire le lien rapidement entre les symptômes et le vécu des victimes », constate Eléonore Morel, directrice générale du centre Primo-Levi, qui propose l’une des seules formations existantes à destination du personnel médical. Conséquence de ce manque : les victimes de torture ou de violences politiques enchaînent les consultations et examens sans jamais « comprendre de quoi ils souffrent ».

« Ces personnes ont honte et n’ont plus confiance en l’autre »

Le manque d’interprètes professionnels dans les centres médico-psycologiques (CMP) et dans les hôpitaux est mis en cause. « Que vaut le droit à l’information du patient, si ce n’est pas dans sa langue ? », lance Eléonore Morel. La course à la rapidité du système de soin classique est également inadaptée, souligne-t-elle. « Ce sont des personnes marquées dans leur chair, qu’on a tenté de réduire à l’état d’objet. Elles sont isolées, elles ont honte et n’ont plus confiance en l’autre. Au centre, rares sont ceux qui se confient ou se laissent examiner lors de leur première venue. Il faut du temps pour expliquer le moindre geste du médecin, pour écouter, pour recréer le lien social », explique la directrice.
Le livre blanc émet un certain nombre de recommandations : nommer un référent institutionnel à l’échelon national et territorial en charge de la santé mentale des migrants, inclure les victimes de torture et de violence politique dans les plans de santé publique, développer la recherche, soutenir financièrement les centres de soins, consultations spécialisées et structures type PASS (permanences d’accès aux soins de santé) et CMP, intégrer un module de formation spécifique dans les études médicales et paramédicales…

Mais, insiste Eléonore Morel, la prise en charge doit être pluridisciplinaire. « Comment soigner une insomnie quand le patient ne sait pas où il va dormir la nuit d’après ? » Le livre blanc, qui s’alarme des « mesures restrictives en matière d’immigration et d’asile », réclame, pour les victimes de torture et leurs proches, des conditions de vie dignes : un hébergement stable, salubre et à proximité des lieux de soins, une revalorisation des aides* à hauteur du RSA et leur versement dès les premières démarches, l’autorisation pour les demandeurs d’asile de travailler. On ne peut guérir les séquelles de la torture, mais on peut soulager les souffrances des victimes et leur permettre de « vivre après ».

Aveline Marques

 

* Les centres de soins spécifiques pour les victimes de torture : ESSOR à Villeurbane, Osiris à Marseille, Le Centre Primo-Levi, Parcours d’exil et Médecins sans frontière à Paris. Les centres de soins et associations d’aide aux migrants : Awel à La Rochelle, Mana à Bordeaux, Parole sans frontière à Strasbourg, le Centre Françoise-Minkowska et le Comede à Paris.
**L’Allocation temporaire d’attente (ATA), et l’allocation mensuelle de subsistance (AMS).

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