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13/09/2022

Surdoses aux opioïdes : des freins au recours à l’antidote

En France, on estime que 80 % des décès par surdose sont dus aux opioïdes or l’administration précoce de la naloxone pourrait éviter quatre décès sur cinq par surdose. Encore faut-il connaître cet antidote et lever les freins à son utilisation. Une problématique abordée lors d’un webinaire organisé le 8 septembre par le CEIP-Addictovigilance Paca Corse

« La sévérité c’est souvent la polyconsommation, c’est-à-dire l’association des produits entre eux », a souligné le Professeur Joëlle Micallef, médecin pharmacologue, directrice du CEIP-Addictovigilance Paca Corse (AP-HM) lors du webinaire organisé le 8 septembre sur le partage d’expérience autour des surdoses. Et ce ne sont pas les principaux chiffres de l’enquête Drames (1) qui vont la contredire. « Notre objectif est d’identifier et de quantifier les substances en cause de manière directe ou indirecte, et d’estimer de manière plus précise le nombre de décès imputable à la prise de substances en France », a précisé le Docteur Nathalie Fouilhé Sam-Laï, pharmacien pharmacologue, directrice du CEIP-Addictovigilance de Grenoble et coordinatrice nationale du dispositif. En 2020, sur 619 dossiers qui émanaient de 47 experts de 25 structures, 567 décès étaient directement liés aux substances et 52 l’étaient indirectement. On trouvait 80 % d’hommes et 20 % de femmes avec un âge moyen de 38 ans et des extrêmes allant de 16 à 66 ans. On enregistrait 230 décès par la méthadone (40 %), 120 par l’héroïne (21 %), 90 par la cocaïne (16 %), 32 par le cannabis (5,5 %), 28 par les amphétamines (5 %) avec une prédominance de la MDMA (« ecstasy ») et 21 décès par le GBL/GHB.

Favoriser l’accès à l’information

S’agissant des opioïdes, il existe deux possibilités pour agir avec la naloxone, son antidote : un spray nasal, le Nyxoid, disponible depuis septembre 2021 et un médicament administrable par voie intramusculaire, le Prenoxad, disponible depuis juin 2019. Des produits insuffisamment accessibles et connus. Dans sa feuille de route « pour prévenir et agir face aux surdoses d’opioïdes », le ministère de la Santé et des Solidarités a fixé quatre objectifs, ceux notamment « d’améliorer les pratiques professionnelles au profit des patients et des usagers » et « de favoriser l’accès à l’information des usagers, des patients et leur entourage ».

Le projet Prévention et réduction des risques des surdoses liées aux opioïdes en Région Paca (POP) lancé en 2021 pour deux ans y répond. « Nous avons diffusé des supports d’information, créé des affiches traduites en sept langues, diffusables en salle d’attente ou auprès des patients, ainsi qu’une vidéo (3) , souligne le Docteur Salim Mezaache, pharmacien pharmacologue et chef du projet. Nous avons formé plus de 120 professionnels sur site avec 15 structures de cinq départements. Nous avons aussi commencé des ateliers patients et usagers destinés aux utilisateurs d’opioïdes pour les sensibiliser aux risques de surdoses et à l’utilisation de naloxone en partenariat avec l’association Bus 31/32 ». Dans l’idéal, le but serait de l’étendre à d’autres cibles, comme les pharmaciens d’officine, les services d’urgence, le grand public…

Changement de pratiques et de paradigme

Un travail de sensibilisation de longue haleine. « Nous sommes en place sur le sujet depuis plusieurs années mais nous devons toujours faire face à des résistances internes et externes, explique Sabine Dufort, directrice du Csapa (Centres de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie) des Alpes-de-Haute-Provence à Dignes les Bains, et référente carcérale Addictions France 04. Le regard n’est pas toujours positif sur les consommateurs d’opiacés, il faut réussir à casser cela. Ici, nous sommes dans une approche de réduction des risques (RdR). C’est un changement de pratiques et de paradigme. Les infirmières ne se sentent pas forcément de faire l’injection qui renvoie à la pratique de consommation des injecteurs. » Lors de l’entretien avec la personne, il faut réussir à objectiver le risque, une tâche qui n’est pas facile comme le confirme Élodie Frot, infirmière au Csapa 04. « J’accompagne des personnes qui consomment des opiacés avec ou sans traitement de substitution des opiacés (TSO). Je dois être au plus proche de la réalité de la consommation de chacun mais il existe un entre-deux qui est difficile à évaluer, témoigne-t-elle. Je les informe sur l’existence de la naloxone, et avec leur accord ils repartent avec le kit après avoir visionné la vidéo et eu toutes les informations nécessaires. Les freins existent en interne mais peuvent venir des consommateurs eux-mêmes qui estiment ne plus être dans une conduite à risque. Ils ont le sentiment d’avoir le contrôle. »

Dans les points d’amélioration, plusieurs pistes sont à l’étude : s’appuyer sur des groupes usagers relais (proches, autres consommateurs), améliorer la traçabilité des kits donnés, combattre la mésinformation avec une campagne nationale sur le sujet… Mais la société est-elle prête à faire sauter ce blocage psychologique ?

1- Décès en Relation avec l’Abus de Médicaments Et de Substances

Isabel Soubelet

Les dernières réactions

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