«On veut expulser des malades alors que l'on sait qu'ils ne seront pas soignés» | Espace Infirmier
 
«On veut expulser des malades alors que l'on sait qu'ils ne seront pas soignés»

15/10/2010

«On veut expulser des malades alors que l'on sait qu'ils ne seront pas soignés»

Réagissant à un amendement au projet de loi sur l’immigration, Olivier Bernard, président de Médecins du monde, dénonce une politique qui vise à réduire l'accès aux soins des étrangers.

 

Vous dénoncez les dérives du nouveau projet de loi sur l'immigration. De quoi s'agit-il? 

Le dispositif de régularisation pour soins est remis en cause. Il permet aux personnes en situation irrégulière d’obtenir une régularisation au titre de leur situation médicale. Une loi de 1997 a posé qu’une personne qui ne peut effectivement bénéficier du traitement dont elle a besoin dans son pays d’origine peut obtenir d’être régularisée.
A l’initiative de Thierry Mariani (député UMP du Vaucluse, ndlr), le projet de loi sur l’immigration (voté le 12 octobre à l'Assemblée et actuellement en discussion au Sénat) restreint les choses en précisant que ces malades ne seront régularisés que si le traitement est indisponible dans leur pays d’origine  (1).
Or, ce n’est pas parce que dans l’absolu un traitement est disponible dans un pays que ces personnes y ont effectivement accès. On veut donc renvoyer des gens malades dans leur pays d’origine alors que l’on sait qu’ils ne pourront pas bénéficier des traitements dont ils ont besoin.

C’est une nouvelle atteinte à l’accès aux soins  ?
En voulant créer une cotisation d’accès à l’aide médicale d’Etat et en revenant sur le principe selon lequel on régularise les personnes en raison de leur état de santé, on touche à deux fondamentaux de notre société. Et on cible clairement la question de la santé. C’est la première fois que l’on observe une telle façon de procéder. On n’est plus dans une politique de l’immigration, on a dépassé ce cadre.

On cherche à limiter l’immigration pour raison médicale  ?
On a longtemps parlé de la migration par volonté médicale. C’est faux. Moins de 10% des motifs de migration en Europe sont le fait de motifs médicaux. Les personnes qui migrent en Europe sont généralement des jeunes, en bonne santé, qui viennent travailler en Europe pour pouvoir ensuite envoyer de l’argent à leur famille restée au pays. Ce ne sont pas les malades.

Est-ce qu’une telle politique peut se justifier économiquement ? Eric Besson, le ministre de l’Immigration, affirme que plus de 6  000 personnes sont régularisées chaque année pour raison médicale.
Restreindre la régularisation pour soins pour des raisons économiques, ça ne tient pas comme raisonnement. On a écrit à tous les parlementaires. La profession médicale est largement représentée parmi eux. J’espère que les médecins, quelle que soit leur orientation politique, réagiront comme des médecins.

Propos recueillis par Sandra Serrepuy

1- En pratique, l'article 17 ter du projet de  loi modifie le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (article L313-11, alinéa  11). Il remplace la condition de délivrance de la  carte de séjour temporaire à un étranger gravement malade «sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire» par «sous réserve de l'indisponibilité» de ce traitement.

 



Des constats inquiétants

 
Dans un rapport publié le 12 octobre (1), Médecins du monde constate une dégradation de l’accès aux soins. En 2009, 22% des patients vus en consultation médicale ont recouru aux soins de façon tardive, contre 11% en 2007. Pire, près de 12% des patients reçus dans les centres d’accueil, de soins et d’orientation (Caso) gérés par l'association sont mineurs, une proportion en augmentation de 30% par rapport à l’année précédente. Et seuls 14% de ces mineurs disposent d’une couverture maladie.

Globalement, le rapport signale que «ce sont plus de 84% des patients qui n’ont aucune couverture maladie lorsqu’ils sont reçus la première fois dans les Caso». Selon l’ONG, l’absence de domiciliation est le principal obstacle à l’accès aux droits pour près de 29% des patients, suivie par «la barrière linguistique (26%), la méconnaissance de leurs droits et des structures délivrant des soins (26%), et les difficultés administratives (24%)».

Au total, près de 26 000 personnes ont été accueillies dans les 21 Caso de France au cours de l’année 2009, un chiffre en augmentation de 6% sur un an. Le rapport souligne en outre une augmentation du nombre de personnes vivant à la rue (+21%) et de celles concernées par une demande d’asile (+20%). Neuf patients sur dix sont d’origine étrangère et 64% de ces personnes sont en France depuis moins d’un an.  

1- Rapport annuel 2009 de l'Observatoire de l'accès aux soins de la mission France, Médecins du monde. Disponible ici: http://www.medecinsdumonde.org/fr/Presse/Dossiers-de-presse/France/L-acces-aux-soins-des-plus-demunis-en-2010

 

 

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