Maladies systémiques et auto-immunes: le rôle crucial de la consultation préconceptionnelle | Espace Infirmier
 
13/05/2009

Maladies systémiques et auto-immunes: le rôle crucial de la consultation préconceptionnelle

Alors que le premier Plan quadriennal Maladies rares (2005-2008) s’est achevé et que le président de la République en a annoncé un nouveau pour 2010, sur la base de l’évaluation du précédent, un colloque organisé mardi par la Fondation Groupama pour la santé a fait le point sur le thème « Grossesse et maladies systémiques et auto-immunes rares ».

Si « les maladies systémiques et auto-immunes ne sont pas du tout équivalentes face à la grossesse », comme l’a rappelé en introduction le Dr Véronique Le Guern,  praticien hospitalier au centre de référence sur les vascularites et sclérodermies de l’hôpital Cochin (Paris), la question des interactions entre ces maladies et la grossesse se posent régulièrement dans la mesure où « les maladies auto-immunes concernent surtout les femmes et surviennent à des âges différents », parfois dès l’enfance et donc aussi chez des femmes en âge de procréer. Les spécialistes s’accordent à dire que la fertilité des femmes atteintes de maladies auto-immunes est équivalente à celle des femmes qui n’en souffrent pas, « à quelques exceptions près », précise le Dr Le Guern. La question de la contraception se pose donc chez ces patientes comme chez les autres femmes, même si elle présente des spécificités en fonction des pathologies. Face un lupus de forme systémique, on évite par exemple de donner des oestrogènes pour privilégier une contraception à base de progestatifs, indique le Dr Le Guern.


Consultation préconceptionnelle

Dans le cas où la patiente exprime un désir de grossesse, un consensus médical massif semble se dégager en faveur de l’importance déterminante d’une consultation préconceptionnelle, jugée essentielle au bon développement ultérieur de la grossesse. Cette consultation spécialisée poursuit plusieurs objectifs. Il s’agit en premier lieu de poser un diagnostic très précis de la maladie et d’évaluer le traitement en cours, s’il y en a un, au regard du projet de grossesse. En effet, s’ « il ne faut pas arrêter intempestivement les traitements lorsqu’une grossesse se déclare », indique le Dr Marie-Pierre Cournot, épidémiologiste au Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) de l’hôpital Armand Trousseau (Paris) , certains traitements ont des effets malformatifs ou présentent une toxicité fœtale qu’il convient de prendre en compte. Si un changement de traitement s’impose dans l’optique d’une grossesse, il faut autant que possible procéder à ce changement dans une période de stabilité de la maladie et donc plutôt avant le début de la grossesse.

Pour aider les professionnels de santé, le Crat a ouvert un site Internet qui leur est destiné en priorité, mais qui est également accessible gratuitement au grand public. Ce site présente des fiches synthétiques sur les médicaments, qui comportent toutes les informations d’intérêt concernant leur impact sur la santé de la mère et celle du bébé exposé in utero, ainsi que sur l’allaitement lorsque la littérature scientifique fournit des données suffisantes. « Presque tous les médicaments disponibles sur le marché y sont et ceux qui n’y sont pas encore, nous les ajoutons au fur et à mesure », assure Marie-Pierre Cournot. L’interface du site est facile d’utilisation puisque l’on peut accéder à la liste des médicaments et vaccins par saisie ou par liste alphabétique.


Transmission mère-enfant exceptionnelle

La consultation préconceptionnelle est aussi un moment privilégié pour informer la patiente des risques éventuels, du protocole de suivi dont elle va bénéficier et répondre aux questions qu’elle ne manque pas de se poser, notamment en terme de transmission éventuelle de la maladie au bébé, chose qui, dans le cas des maladies systémiques et auto-immunes demeure exceptionnelle. La consultation est aussi le lieu de faire le bilan immunitaire de la patiente concernant rubéole, toxoplasmose ou encore coqueluche, et, s’il y a lieu de lui proposer une vaccination, comme cela devrait d'ailleurs être fait pour toutes les femmes ayant un projet de grossesse.

Chez les femmes atteintes de maladies systémiques et auto-immunes, les grossesses sont à risque, mais si elles sont bien anticipées, spécifiquement prises en charge et étroitement surveillées, « tout se passe bien », assure le Dr Cournot. En fonction de la maladie et du traitement plus ou moins délicat, le nombre d’échographies proposées à la femme enceinte peut aller bien au-delà des trois dont bénéficient habituellement toutes les femmes, jusqu’à une tous les 15 jours. Ces échographies peuvent aussi être ciblées sur tel ou tel organe du fœtus, potentiellement menacé par le traitement, afin de pouvoir réagir dès les premiers signes inquiétants.

Prise en charge pluriprofessionnelle coordonnée

Evidemment, cette prise en charge et ce suivi sont d’autant plus efficaces qu’ils se font de manière coordonnée entre tous les professionnels de santé appelés à intervenir : médecin spécialiste de la maladie auto-immune, gynécologue-obstétricien, pédiatre qui accueillera l’enfant, sages-femmes éventuelles, médecins généraliste de la mère etc.

Bref, s’il est quelques cas où la grossesse est fortement déconseillée, la situation a bien changé depuis une quinzaine d’années, selon les spécialistes. Encore faut-il que le bon diagnostic ait été posé. A la tribune de la table ronde du colloque mardi, une patiente atteinte de lupus systémique avec syndrome des anti-phospholipides a apporté un témoignage plein d’espoir pour les patientes désireuses de conduire une grossesse.

Ovarite auto-immune

Âgée de 35 ans, Inès, professeure de français, est aujourd’hui maman de deux fillettes, dont une adoptée, après avoir connu un éprouvant parcours. Â l’âge de 29 ans, on lui diagnostique une ménopause précoce. « Deux après notre mariage, notre monde s’écroulait », a-t-elle confié. Incapable de s’en tenir à cette fin de non recevoir, elle a multiplié les visites, les avis médicaux, les examens. Après plusieurs mois de traitement à la cortisone à raison de 20mg par jour, ses taux hormonaux se sont rétablis jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte en janvier 2004. En fait de ménopause précoce, il s’agissait en réalité d’une ovarite auto-immune. « On revient de loin », dit aujourd’hui celle qui encourage toutes les femmes à ne pas abandonner leur rêve de maternité.

« Tout est presque toujours possible si on prend le temps d’y réfléchir et d’en parler », a conclu le Dr marie-Pierre Cournot comme pour lui faire écho.

Cécile Almendros

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