La relation de soins : des infirmiers dédiés à l’existence de leurs patients  | Espace Infirmier
 
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27/03/2024

La relation de soins : des infirmiers dédiés à l’existence de leurs patients 

Philosophe spécialiste d’éthique en santé, Flora Bastiani sort, au mois d’avril, son livre Penser la relation en réanimation, en soins intensifs et dans le prélèvement d’organes, dans lequel, à partir des expériences de terrain de quatre soignants, elle théorise une proposition de relation de soins infirmiers. Explications.

Pourquoi un livre sur cette thématique ?

Je suis intéressée non pas par le soin en général, mais par la relation de soins en particulier. Avec ce livre, j’entends comprendre ce qu’est le soin, ce que veut dire soigner et le quotidien d’un infirmier. Je me suis souvent interrogée sur ce qui se passe chez le soignant lorsqu’il soigne un patient. J’ai déjà travaillé le sujet à partir de textes de philosophes, mais je n’étais pas vraiment satisfaite car leurs propos étaient, selon moi, trop théoriques. J’ai donc souhaité changer de méthode et partir de l’expérience partagée par des infirmiers pour élaborer une théorie, qui vient donc dans un second temps. Cette démarche n’est pas vraiment habituelle en philosophie.

Comment avez-vous fait en pratique ?

J’ai mené quatre entretiens avec trois infirmiers exerçant en soins critiques (réanimation pédiatrique, réanimation adulte et service de soins intensifs) et avec un infirmier chargé de la coordination du prélèvement d’organes et de tissus.

Souvent, lorsqu’on parle de relation de soins, on suppose qu’il s’agit de qualités humaines difficilement descriptibles, de « simples » échanges avec les personnes soignées, qui se déroulent en parallèle des soins techniques. Cette vision me pose problème car cela laisse supposer que des personnes détiennent cette compétence et pas d’autres. Le métier de soignant serait, de fait, lié à des qualités innées que l’on ne peut pas acquérir. Cette approche est limitante pour la profession. J’ai donc souhaité m’interroger sur la mise en place de la relation de soin au sein de services dans lesquels la technique est particulièrement présente et où les patients sont souvent sédatés, afin de comprendre en quoi cela questionne la relation.

Etes-vous parvenue à élaborer une théorie ?

Je suis parvenue à théoriser une proposition sur la relation de soins. Les infirmiers interrogés ont quasiment tous pour point commun d’être dédiés à la survie des patients, de se consacrer à leurs fonctions vitales tout en s’interrogeant sur ce que sera l’existence du patient lorsqu’il sortira du service, s’il y parvient. A titre d’exemple, l’un des infirmiers en réanimation adulte se pose beaucoup de questions lors des soins sur le dosage des médicaments, les conséquences sur le corps du patient, sur la lumière dans la chambre, etc. Il pense à son bien-être. Il tient aussi un journal de bord pour le patient, afin qu’il soit informé de ce qu’il s’est passé dans la société à son réveil. Pour l’infirmier, c’est important car le fait de connaître le passé va permettre au patient de construire son avenir à sa sortie d’hospitalisation.  

L’infirmière en réanimation pédiatrique s’est, quant à elle, rendu compte que ses paroles et sa prise en soin des enfants influencent la famille en devenir et aident à sa construction.

J’ai ainsi remarqué que les infirmiers inventent leur manière d’être infirmier. Face aux contraintes, aux obligations, aux chartes, aux codes, chacun interprète à sa manière son métier. Expliquer ce qu’est soigner, c’est dire que cela consiste aussi à inventer une part du métier et à s’adapter aux personnes prises en charge. Ce n’est pas évident. Les soignants portent une influence sur l’avenir des patients. A travers le soin technique, l’impact humain est très fort.

A qui s’adresse votre livre ?

Il peut à la fois intéresser des personnes en cours de formation, souhaitant se projeter dans leur avenir (car je décris aussi dans le livre le métier d’infirmier au sein des services de soins critiques), que des soignants voulant changer de voie pour, par exemple, exercer en réanimation. Et puis tout simplement ceux qui s’interrogent sur la question des relations de soins avec les patients et leurs proches.

Propos recueillis par Laure Martin

« Penser la relation en réanimation, en soins intensifs et dans le prélèvement d’organes » - Editions Le Cercle herméneutique – Avril 2024.

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