Jurisprudence dans la pratique hospitalière (juin et juillet 2023) | Espace Infirmier
 
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31/08/2023

Jurisprudence dans la pratique hospitalière (juin et juillet 2023)

Fin de vie : examen de l’information donnée, de la qualité des soins et du respect des directives anticipées, la juridiction recherchant, en cas de faute, s’il existe un lien de cause à effet avec le décès (TA Rennes, 7 juillet 2023, n° 2004170)

Faits

Une patiente s'est vu diagnostiquer une tumeur carcinoïde iléale et pancréatique en 2001 qui a fait l'objet d'un traitement par chirurgie, puis a récidivé en 2009 sous la forme de métastases ovariennes bilatérales avec carcinose péritonéale et hépatique. Cette récidive a nécessité une intervention chirurgicale d'ovariectomie, d'hystérectomie et de colostomie au CHRU de Brest, ainsi qu'une chimiothérapie en octobre 2010 (Afinitor®), en 2015 (Somatostatine puis Folfox®) et en 2016 (Folfox®).

La patiente a consulté régulièrement un praticien de l'institut Gustave Roussy à partir de 2012 et a subi une intervention de rétablissement de la continuité digestive en 2013.

Elle a été victime au cours des années 2014 à 2016 de syndromes occlusifs puis a été hospitalisée le 25 mars 2016 en service d'oncologie au CHRU afin de suivre un nouveau traitement par chimiothérapie (Folfox®). Par la suite, elle a été hospitalisée au mois d'avril 2016 en raison d'un syndrome occlusif résistant qui a nécessité la réalisation d'une colostomie transverse droite latérale sur baguette les 22 et 26 avril 2016.

Elle a été hospitalisée au service d'hépato-gastroentérologie du même CHRU du 3 au 6 janvier 2018 pour une anémie avec melaena intermittent et elle s'est vu diagnostiquer une œsophagite, du 5 au 12 avril 2018 en raison d'une altération de son état général avec perte importante de poids.

Elle a été admise les 3 et 4 mai 2018 au service de nutrition du CHRU de Brest pour la pose d'une chambre implantable afin de mettre en place une nutrition parentérale. Toutefois, la pose n'a pas été possible le 4 mai 2018en raison de l'état de santé de la patiente, mais seulement le 28 mai 2018 lors d'une nouvelle hospitalisation dans le service de nutrition.

Cet état de santé a justifié la décision du 23 mai 2018 de reporter la 4ème injection du traitement par radiothérapie (Lutathéra®). Le 20 juillet 2018, la patiente a été admise au service des urgences du CHRU en raison d'une hémorragie digestive causée par une œsophagite sévère avec rhagades ulcérées et a été transférée au service d'hépato-gastroentérologie.

Le 10 août 2018, elle a été de nouveau admise au service des urgences en raison d'une asthénie prononcée puis transférée au service d'hépato-gastroentérologie le lendemain. Au cours de cette hospitalisation, elle a rédigé ses directives anticipées le 16 août 2018 puis a été victime d'hématémèses à compter du 17 août, d'épanchements pleuraux bilatéraux le 24 août et d'une dyspnée importante le 26 août.

Elle est décédée le 27 août 2018 à 9h des suites du cancer évolutif dont elle était atteinte depuis 2001.

Droit applicable

Toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement (CSP, Art.L. 1110-9). Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage (CSP, Art. L. 1110-10). En toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l'assister moralement. Il doit s'abstenir de toute obstination déraisonnable et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie (CSP, Art. R. 4127-37).

L’information

L'équipe mobile d'accompagnement et de soins palliatifs a rencontré la patiente puis son époux les 17 et 22 août 2018. A l'occasion de ces rencontres, une information a été délivrée à la patiente quant aux modalités d'administration d'un antalgique en cas d'arrêt de l'Acupan et à l'organisation d'une hospitalisation à domicile.

Des soins palliatifs (CSP, Art. 1110-10) ont été mis en œuvre à compter du 25 août 2018 par l'administration de morphine et d'anxiolytique en raison de la dégradation de l'état de santé, caractérisé par l'apparition d'hématémèses importantes, d'épanchements pleuraux bilatéraux et enfin d'une forte dyspnée. Ce traitement visant à apaiser la patiente était parfaitement indiqué, mais aucune information relative à sa mise en place n'a été transmise à la patiente ou à son époux. Toutefois, aucun risque en lien avec ces traitements ne s'est réalisé puisque le décès est imputable au cancer évolutif dont la patiente était atteinte depuis 2001.

Par suite, dès lors que la famille ne démontre pas qu'un risque induit par l'administration de morphine et d'anxiolytique s'est réalisé lors de la prise en charge, la méconnaissance par l'établissement de son obligation d'information n’engage pas sa responsabilité.

La qualité des soins

Par un courrier du 13 février 2018, le praticien spécialiste dirigeant la prise en charge a préconisé l'arrêt du traitement par Signifor® en raison des effets secondaires de nausées et vomissements. Ce courrier a été transmis au CHRU et ajouté au dossier médical, mais ce médecin a constaté, dans un fax du 20 juin 2018, la poursuite de ce traitement et rappelé la nécessité de l'arrêter. Dans ces conditions, en ayant poursuivi le traitement en méconnaissance des instructions médicales contenues dans le dossier médical, l’établissement a commis une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier. Toutefois, cette faute ne présente pas de lien avec la dégradation de l'état de santé de la patiente, qui est imputable au cancer évolutif dont elle souffrait. Par la suite, cette faute n'est pas de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.

Le respect des directives anticipées

La patiente a rédigé le 16 août 2018 ses directives anticipées dans lesquelles elle indique s'agissant de l'enlèvement du kyste sur la stomie : « Si c'est un carcinoïde, cela pourrait s'imposer tant que je suis encore à l'hôpital ». La patiente présentait des douleurs en lien avec la stomie réalisée en avril 2016, mais l'évolution de la stomie requérait une reprise chirurgicale ou une exérèse d'un kyste situé à proximité. Par suite, le CHRU de Brest n'a pas commis de faute dans la prise en charge de la stomie.

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