« J’étais affaiblie physiquement et très choquée » | Espace Infirmier
 
« J’étais affaiblie physiquement et très choquée »

10/07/2012

« J’étais affaiblie physiquement et très choquée »

D’ici mai 2013, la France devra transposer une directive européenne imposant la mise en place de mesures de prévention des accidents exposants au sang (AES). Les infirmières, impliquées dans 48 % des AES recensés, en sont les premières victimes. C’est le cas de Laurence, infirmière dans une unité de soins intensifs en région parisienne. Témoignage.

« Je prenais en charge un patient séropositif en décompensation respiratoire, et je me suis piquée en récupérant le dispositif de prélèvement. Le médecin du service m’a envoyée aux urgences, où l’on m’a aussitôt mise sous trithérapie et prélevé du sang. Je suis retournée dans mon service tout de suite après, et j’ai continué à travailler jusqu’au soir. J’étais bouleversée par cet AES, et je commençais déjà à ressentir les effets secondaires de la trithérapie : des nausées et la colique. Mais, le médecin du service n’a pas jugé bon de m’arrêter.
Le lendemain, j’ai dû prendre en charge le même patient. Son état s’était nettement dégradé. Nous avons tenté de l’intuber, mais il est mort au bout de 20 minutes. L’aide-soignante du service m’a demandé de l’aider à faire la toilette mortuaire de ce patient et de le descendre à la morgue… Cela faisait 24 heures que je subissais les effets secondaires de la trithérapie, j’étais affaiblie physiquement et très choquée par la tournure qu’avaient pris les événements. Je suis allée en parler à la psychologue du service, puis j’ai vu le virologue. Ce n’est qu’à ce moment-là que le médecin du travail m’a arrêtée, pour un mois.

« Un sentiment de culpabilité »
Pendant mon arrêt de travail, j’étais partagée entre un sentiment de culpabilité vis-à-vis de mes collègues, car je savais que les patients du service étaient très lourds, et tous les effets secondaires de la trithérapie. Finalement, j’ai repris au bout de quinze jours, faiblarde. Le lendemain, j’ai eu une colique néphrétique et j’ai dû être prise en charge aux urgences. Trois jours plus tard, j’avais une grippe intestinale.
Etant donné que le soignant se projette dans la maladie et la mort du patient avec qui il a eu un AES, avec le recul, je regrette que le médecin ne s’en soit pas inquiété, et qu’il ne m’ait pas changée de secteur pour que je n’aie pas à le reprendre en charge après l’AES. Personne ne s’est soucié de savoir si j’étais psychiquement et physiquement capable de travailler. »

Propos recueillis par Carole Ivaldi.


 
(Lire l’article à paraître dans L’Infirmière magazine daté du 15 juillet.)

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