Simplement ouvrir les yeux | Espace Infirmier
 
Simplement ouvrir les yeux

17/02/2012

Simplement ouvrir les yeux

Les récits de deux intellectuels ayant subi un pontage cardiaque invitent à une réflexion sur la vie avant qu'elle ne se trouve menacée par la maladie. Par Frédéric Launay, cadre de santé en MPR au CHU de Tours (37)

(Chronique parue dans L'Infirmière magazine n°294,
1er février 2012)

Un illustre chirurgien cardiaque français (1) et un célèbre écrivain (2), prix Nobel de la paix en 1986, ont publié, à l’automne dernier, le récit de leurs réflexions à l’occasion d’une intervention de pontage cardiaque, subie, pour chacun d’eux, quelques mois plus tôt. Au-delà de leurs destins exceptionnels, tous deux reviennent sur leur longue carrière, si différentes l’une de l’autre, en s’interrogeant pourtant de la même façon sur le sens de leur engagement. Pour le chirurgien comme pour l’écrivain, la brutalité du diagnostic, le sentiment angoissant d’être impuissant, la conscience d’être en sursis, le risque de ne pas revoir ses proches ont eu le même effet. Suis-je réellement sauvé ? Suis-je toujours le même ? Qu’ai-je fait de ma vie ?, se demandent-ils après l’intervention chirurgicale.

Ces récits offrent aux soignants plusieurs lectures possibles, mais ce qui frappe surtout, c’est l’humilité avec laquelle ces deux personnes remarquables acceptent de livrer leurs erreurs et leurs doutes. Alain Deloche reconnaît avoir été favorable à la T2A, mais admet aujourd’hui avec amertume que « couper une jambe rapporte plus [à l’hôpital] que d’essayer de la sauver ». Elie Wiesel, pour sa part, était convaincu qu’après Auschwitz, « il n’y aurait plus de guerre, plus de racisme, plus de haine, plus d’antisémitisme »…

Peut-on faire preuve, ainsi, d’une telle introspection et d’une si grande clairvoyance sans renoncer pour autant à ses idéaux et sans perdre courage ? Voilà une question cruciale que nous devrions tous nous poser, sans attendre que l’annonce d’un diagnostic inquiétant nous incite à le faire. Nul besoin de craindre pour notre vie pour nous interroger sur le sens de ce que nous faisons. Voilà sans doute la leçon de ces deux ouvrages. Alain Deloche nous invite à résister et à « maintenir la lumière en haut du phare » et Elie Wiesel affirme : « Quelle que soit la question, l’indifférence et la résignation ne constituent pas la réponse. » Renaître, c’est parfois simplement ouvrir les yeux.

1– Dites-moi la vérité, Alain Deloche, Éd. Robert Laffont, 19 euros.
2– À coeur ouvert, Elie Wiesel, Éd. Flammarion, 10 euros.

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