AP-HP : les inquiétudes s’expriment dans la rue | Espace Infirmier
 
AP-HP : les inquiétudes s’expriment dans la rue

29/03/2011

AP-HP : les inquiétudes s’expriment dans la rue

Les postes vacants, la souffrance au travail, les projets de restructurations organisationnelles et immobilières… Autant de raisons de manifester sa colère pour les personnels de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

Quelque 350 personnes ont manifesté vendredi 25 mars devant le siège de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à l’appel de l’intersyndicale Santé (1) de l’AP-HP pour réclamer « l’arrêt des restructurations » dans les hôpitaux franciliens, telles que celles en cours à l’Hôtel-Dieu (Paris), Albert Chenevier (Créteil), George Clémenceau (Champcueil) ou encore Charles Foix (Ivry-sur-Seine). Point d’orgue de diverses mobilisations locales, cette matinée de manifestation a été l’occasion pour les syndicats d’exiger « l’arrêt des fermetures de services d’hôpitaux, des regroupements et des spéculations immobilières », « l’arrêt des suppressions d’emplois, du plan de convergence et des plans d’économies » et « l’amélioration des conditions de travail et de vie sur le lieu de travail ».

Ce dernier aspect était celui qui revenait le plus souvent dans la bouche des infirmières et aides-soignantes qui battaient le pavé de l’avenue Victoria au côté de leurs collègues ambulanciers, personnels administratifs ou techniques.

Déprimes, larmes, voire suicides
« On a du mal à accueillir nos malades »
, témoignait ainsi Monique Guignard, infirmière en hôpital de jour à la polyclinique dermatologique de l’Hôtel-Dieu. « Il faut aller de plus en plus vite, dépenser toujours plus d’énergie, faire plus avec moins», énumérait cette soignante de 60 ans, pointant « les collègues qui partent en retraite sans être remplacées et les aides-soignantes de moins en moins nombreuses » (2).

Même discours chez Micheline, aide-soignante de 59 ans, dont 42 ans d’AP-HP et 37 ans à l’Hôtel-Dieu, autant dire toute une vie. Une vie professionnelle qui s’achève sur un sombre constat, celui de « collègues qui dépriment, qui pleurent », tant elles subissent de « pressions ». « Il n’est pas normal que vous alliez travailler et que vous repartiez en pleurs ! », s’insurge celle qui se décrit comme une « militante de droite de toujours », que la politique gouvernementale a « obligée » à se syndiquer à la CGT. « Jamais je n’aurais pensé qu’on puisse se suicider parce qu’on est attaqué dans son service, mais maintenant j’en suis convaincue », dénonce-t-elle, pronostiquant « un avenir très triste » pour celles qui à l'avenir feront du soin leur métier.

Choquées par la non reconnaissance de la pénibilité
Pour sa collègue infirmière Francine Caillou, qui travaille également au centre de diagnostic de l’Hôtel-Dieu, « les conditions de travail n’étaient pas évidentes avant, mais il était tout de même plaisant de soigner. Maintenant c’est devenu une activité comptable: il faut que ce soit rentable », déplore la soignante. « On est épuisées, beaucoup de collègues auraient voulu venir manifester, mais ne peuvent pas, tellement on est en flux tendu», témoigne-t-elle. A trois mois de la retraite, elle a, comme nombre de ses collègues de la même génération, choisi de rester en catégorie B de la fonction publique hospitalière (3), car, observe-t-elle, « en fin de carrière, j’ai tout à perdre à passer en A ». C'est également le choix qu'a fait Monique Guignard. D’ailleurs, seule une minorité des infirmières de l’AP-HP auraient choisi la catégorie A, croit-elle savoir. « En tout cas, aucune dans mon service », affirme-t-elle. Les deux soignantes se disent choquées par « la non reconnaissance de la pénibilité » de leur travail dans la réforme des retraites, citant notamment les « problèmes de dos » récurrents. « Je me bats pour moi en tant que future patiente et pour les jeunes collègues. Elles ne tiendront pas comme on a tenu », assure Francine Caillou. Or, « on ne peut soigner que lorsqu'on est bien portant soi-même. »

Autre motif de révolte, la vente du patrimoine de l’hôpital Fernand Widal et surtout du siège historique de l'AP-HP. Début mars, la directrice générale, Mireille Faugère a annoncé l'installation des services administratifs de l’avenue Victoria à l'Hôtel-Dieu, dont « les activités d’hospitalisation complète et de chirurgie ambulatoire seront progressivement transférées à Cochin, libérant ainsi de très grands espaces ». Cette décision, justifiée par la volonté de « valoriser les biens immobiliers » libérés « et investir les ressources dégagées dans la modernisation » des hôpitaux a reçu l'assentiment du président de la Conférence médicale d’établissement, le Pr Pierre Coriat, Elle suscite en revanche l'inquiétude du maire de Paris Bertrand Delanoë, soucieux de garder « un grand pôle de soins ambulatoires médicaux et chirurgicaux » dans le « centre de Paris », et plus encore celle des syndicats de l'AP-HP, tel Sud, qui craint qu’elle ne s’accompagne d’un « plan de réduction massive des emplois ».

"Nous ne sommes pas des TGV!"
« Notre direction s’est changée en promoteur immobilier »
, accuse pour sa part Monique Guignard. L’infirmière est scandalisée par la vente du siège, un lieu « historique », fruit d’un « don à l’AP par un patient ». Elle craint d’ailleurs qu’ « à plus ou moins long terme », l’Hôtel-Dieu connaisse le même sort, bien que la direction affirme le contraire.

Le transfert de la chirurgie ambulatoire à Cochin scandalise Micheline : « On a besoin de ce service, on ne peut pas se permettre de brader nos malades ! », s’insurge l’aide-soignante. « Que feront les familles quand, faute de place à Cochin, on enverra les patients à Créteil ? », s’interroge-t-elle. « Que Mireille Faugère arrête de nous prendre pour des TGV ! », s’exclame encore Micheline, en référence au passé de la directrice générale de l’AP-HP (4).

Texte et photo : Cécile Almendros

1– CGT, FO, CFTC, Sud.

2 – Composée de 37 établissements répartis sur tout le territoire francilien, l’AP-HP est particulièrement touchée par les réductions d’effectifs. Quelque 2 500 postes d’infirmières budgétés y sont vacants selon Didier Bernus, secrétaire général de la fédération des services publics et de santé de Force ouvrière (Source : Le Parisien, 17 mars 2011).

3- Les IDE de la fonction publique hospitalière ont jusqu'au 31 mars pour exercer leur droit d'option: soit rester en catégorie B, soit passer en catégorie A en étant payé plus, mais en devant partir plus tard à la retraite. Voir à ce sujet notre dossier .

4 – Avant d’accéder à ce poste en septembre 2010, Mireille Faugère a fait, depuis 1979, toute une carrière à la SNCF , occupant notamment les postes de responsable du développement du TGV Méditerranée, directrice de la gare Montparnasse ou chef du département Stratégies de l’entreprise. C’est elle aussi qui, en 2000 a créé le site voyages-sncf.com.

 

 

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