« De plus en plus d’infirmières doctorantes » | Espace Infirmier
 
« De plus en plus d’infirmières doctorantes »

11/01/2013

« De plus en plus d’infirmières doctorantes »

Isabelle Fromantin, qui concilie pratique et recherche en plaies et  cicatrisation, vient de décrocher son doctorat avec la mention « très honorable ». Un « symbole » pour la profession infirmière.

L’Infirmière magazine : Sur quel sujet porte votre thèse, financée par le premier PHRIP ?
Isabelle Fromantin : Sur la flore bactérienne, le biofilm(1) et les composés odorants des plaies tumorales du sein. Ces plaies sont relativement peu fréquentes, mais s’accompagnent souvent d’écoulements, d’odeurs, de douleurs, avec des retentissements physiques et psychiques. Leur prise en charge ne vise pas la cicatrisation (dépendante des traitements anticancéreux), mais relève des soins oncologiques de support.

L’I. M. : Comment avez-vous procédé ?
I. F. : Nous avons effectué des prélèvements à la curette et recueilli des pansements usagés, sur 32 patientes – un nombre limité car cet acte est traumatique et ces patientes particulièrement fragiles. Nous avons quantifié et analysé 54 bactéries et 91 composés volatils (Covs). Nous avons aussi, entre autres, enquêté sur la perception olfactive de bactéries par 32 professionnels de santé.

L'I. M. : Quels sont vos principaux résultats ?
I. F. : Les symptômes semblent ma­jorés quand une plaie tumorale comporte plus de quatre espèces de bactéries, avec plus de 105 (2) germes par gramme d’échantillon, et en présence de bactéries anaérobies strictes. Nous avons identifié du biofilm dans 35 % des prélèvements, alors que la littérature l’évoque dans 60 % des plaies chroniques. Des Covs (diméthylsulfure, phénol) ont été identifiés comme particulièrement malodorants.

L’I. M. : Lors de la soutenance, à l'Institut Curie, à Paris, le 10 décembre, le jury (3) a noté que vous aviez apporté plus de questions que de réponses. En quoi est-ce un compliment ?
I. F. : Une recherche expérimentale répond à une partie des questions et en soulève bien d’autres, que nous n’étions pas en capacité de formuler jusque-là. Chaque recherche fait avancer sur une partie du problème, c’est l’essentiel. Les pistes, ici, sont nombreuses : développement d’outils diagnostics, meilleure connaissance des biomarqueurs du cancer du sein, élaboration de pansements, étude de l’impact neuropsychique des Covs toxiques…

L’I. M. : Vous êtes parmi les premières IDE « thésées ». Le jury vous a qualifiée de « symbole » et de « pionnière ». Comment l’expliquez-vous ?
I. F. : Les infirmières font majoritairement de la recherche en sciences humaines, de l’éducation, en épidémiologie… ; pour ma part, il s’agissait d’une thèse de sciences dites « dures », en biologie. Mais, les IDE docteurs ou doctorantes, dans toutes les disciplines, sont de plus en plus nombreuses !

L’I. M. : Quels conseils donneriez-vous à une infirmière intéressée par la recherche ?
I. F. : D’y aller, sans peur de l’inconnu ! De trouver les personnes compétentes pour l’aider. Et de commencer par une revue de la littérature, afin d’apprendre, d’identifier des partenaires extérieurs et de garantir la qualité du travail.

Propos recueillis par Mathieu Hautemulle



1- Communauté de bactéries structurée et protégée par une matrice.
2- Ce seuil de 105 fait référence chez les spécialistes du traitement des plaies.
3- Jury composé de sept membres, dont des médecins.

 

Article paru dans L'Infirmière magazine, daté du 15 janvier.

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