L'AI intuitivement

Sandy Proust pratique une approche intégrative, notamment la psychologie positive depuis plusieurs années. Elle a l'habitude d'approcher les situations complexes sous l'angle des réussites et des forces : « Le regard sur ce qui ne va pas uniquement épuise à terme l'encadrement perçu parfois comme seul pourvoyeur de solutions, alors qu'il aimerait aussi que les salariés soient en capacité de proposer. » Elle appliquait déjà la démarche AI de manière intuitive, lors d'actions de prévention des RPS ⁽²⁾, pour dépasser des situations critiques ou sensibles, pour que des personnes ou des équipes puissent se restructurer autour des aspects appréciatifs de leur expérience de travail et du système. « Nous étions mûrs pour passer vers une dimension plus axée sur le développement des déterminants de la qualité de vie au travail. »

Le verre à moitié plein

Début 2019, Sandy Proust prévoit dans le cadre de la « Semaine de la qualité de vie au travail » ⁽³⁾ d'intégrer des approches susceptibles de rendre l'organisation du travail plus saine et apprenante. Thierry Brigodiot ⁽⁴⁾ animera une soirée découverte de l'AI ⁽⁵⁾. Sur les 300 managers invités, 100 se sont inscrits et 70 ont participé. La méthode d'expérimentation de l'approche collective de l'AI a été découverte in situ par la narration d'un bon souvenir professionnel dans le cadre d'une conversation guidée : « Si j'ai perçu au début de la soirée un peu de retenue chez certain(e)s, probable trait inhérent à la posture des soignants et à la nécessaire exigence du travail émotionnel, ce fut, dans tous les cas, un moment plaisant à vivre, ainsi que pour mes camarades, comme l'illustrent les photos où l'on voit des sourires, des yeux qui brillent, une écoute différente portée à l'autre, favorisée par ces mises en parole sur le travail sous un angle appréciatif et valorisant. La conversation a créé une très bonne ambiance, l'exercice a plu, ce qui n'était pas une évidence avec une population d'universitaires et de chercheurs exigeants et perspicaces. J'ai vu l'intérêt qu'ils portaient à ce qui se passait lors de cette séance. Ils ont perçu l'AI comme une méthode pragmatique, favorisant le recadrage de sens appréciatif. Ce n'est en effet pas dans les usages de l'exercice du management en France d'explorer une histoire professionnelle qui s'est bien passée. Les débats sur le travail portent le plus souvent sur les difficultés, aspects qu'il ne faut ni négliger, ni minimiser, mais la sémantique qui accompagne le récit d'expériences professionnelles satisfaisantes est différente et elle a clairement fait du bien au groupe. J'ai entendu des phrases telles que ``J'ai réussi à le faire'' ; ``Je réalise en racontant cette histoire que c'était un succès''. ``Travailler ensemble'', ``engagement'', ``fierté ou sens du travail bien fait'', ``satisfaction'', ``considération'', etc., rarement associées à  la notion de performance ont dominé les conversations. »

Des postures plus stimulantes

Pour S. Proust « l'AI permet de considérer autrement la réalité du moment, d'adopter des postures plus encourageantes, qui dégagent des perspectives motivantes voire un cercle vertueux. Dans un système où toute l'attention est centrée sur le patient, sujet et objet de soins, amener les professionnels de santé à porter un regard positif sur eux-mêmes, leur travail ou ses conditions d'exercice constitue en soi un exercice particulier. Le temps à y consacrer est difficile à trouver, dans un quotidien sous pression à l'activité, mais précieux car orienté solutions et porteur de joie. La démarche AI offre une possibilité de nourrir, de préserver les valeurs portées par les professionnels de santé et de renforcer l'ADN de Gustave Roussy, notamment la fierté, l'engagement, un fort sentiment d'appartenance, lié à l'ensemble de ces attentions plurielles que suscite de manière singulière la lutte contre le cancer. Je suis convaincue qu'il faut la déployer ici et ailleurs et, pour cela, permettre aux professionnels concernés de l'expérimenter, de la vivre. C'est la meilleure façon de la découvrir.