La gestion rationnelle et normalisée des stages en soins infirmiers au CHU de Toulouse : un enjeu pour les futurs professionnels - Objectif Soins & Management n° 270 du 01/09/2019 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 270 du 01/09/2019

 

Écrits professionnels

Chantal Laurens*   Alain Barnier**  

Les évolutions des modes de prise en soins, le renouvellement massif des infirmier(ère)s et la mise en œuvre du référentiel infirmier dès 2009 ont induit une diminution de la capacité d'accueil en stage des étudiants infirmiers au CHU de Toulouse. Les difficultés induites par ce contexte ont amené la direction des soins et l'institut de formation en soins infirmiers rattaché au CHU à collaborer sur un projet de réorganisation de l'offre de stages, dont nous mesurons dès à présent la plus-value.

Pour les étudiants préparant le diplôme d'État infirmier, le stage constitue un temps de formation fondamental, tant dans les apprentissages et l'acquisition des compétences que dans le temps qui lui est consacré. Conformément au référentiel de formation de 2009 (1), la réglementation impose pour chaque étudiant un parcours de stage dans les quatre typologies que sont : les soins de courte durée, les soins en santé mentale et en psychiatrie, les soins de longue durée et soins de suite et de réadaptation, les soins individuels ou collectifs sur des lieux de vie (2). Les stages des étudiants en soins infirmiers représentent 50 % de la formation infirmière.

Au-delà des exigences imposées par le référentiel de formation aux professionnels des unités de soins, les diverses restructurations au sein du CHU de Toulouse, les contraintes liées à la conjoncture économique et au renouvellement générationnel ont diminué significativement l'offre de places de stage aux différents instituts de formation. La nouvelle ingénierie de formation semble avoir influé sur les représentations des professionnels à l'égard des étudiants, de leur responsabilité dans la validation du stage, de la formation et de sa capacité à mettre sur le marché du travail des jeunes professionnels adaptés et fonctionnels dans l'immédiateté. La pénurie de places de stages, notamment pour accueillir les premières et deuxièmes années, a obligé l'institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) adossé au CHU à affecter les étudiants en stage dans des établissements de plus en plus éloignés de Toulouse. Les conséquences sont économiques (frais de déplacements incombant à la région, concernant les étudiants mais également les cadres de santé formateurs lors des enseignements cliniques). Elles sont aussi qualitatives par la typologie du parcours de l'étudiant qui, immergé tardivement en soins de courte durée, n'a pas ou peu l'opportunité de développer ses compétences techniques. Un tel parcours semble préjudiciable au nouveau diplômé, mis en difficulté lors de sa première prise de poste.

Ce constat et les retours des professionnels de santé dans les unités cliniques d'accueil nous ont interpellés. Les étudiants de troisième année n'auraient pas le niveau attendu, leur parcours de stages ne serait pas adapté car peu sont de courte durée, pour autant les unités de soins offrent seulement des places de stage aux troisièmes années. La direction des soins et la direction de l'Ifsi ont décidé de mener une réflexion sur le sujet pour prévenir les représentations professionnelles des professionnels de santé à l'égard des apprentissages des étudiants en soins infirmiers. Alors, quelles pourraient être les mesures permettant d'inverser la tendance et d'adapter l'offre de stages aux besoins de formation ?

De ce questionnement est né le projet collaboratif de réorganisation de l'offre de stages au CHU de Toulouse, piloté par les cadres supérieurs de santé coordonnant les stages au nom des directions des soins et de l'Ifsi, et que nous partageons aujourd'hui.

La confrontation des éléments structurels, quantitatifs et qualitatifs, de ce projet – perçu comme utopique par certains –, aux résultats obtenus après quelques mois nous invite à envisager l'extension de cette nouvelle gestion aux formations paramédicales dont le cœur de métier est autre qu'infirmier. Sont concernés les manipulateurs en électroradiologie médicale, les masseurs-kinésithérapeutes, les diététiciens, les techniciens de laboratoire, les titulaires du baccalauréat « Accompagnement, soins et services à la personne » (ASSP), les ambulanciers, les ergothérapeutes et les professionnels issus de formations en spécialités et/ou universitaires (orthophonie, psychomotricité).

La plus-value apportée par cette réorganisation sera objectivée après une année de fonctionnement. Pour autant, nous constatons d'ores et déjà les effets positifs dans l'opérationnalité des stages (coordination), l'outil élaboré permettant la vision globale de la planification des stages par unité et par pôle. En outre, nous percevons la diminution des sollicitations et/ou remises en question par l'unité de soins du nombre d'étudiants accueillis. L'accueil des étudiants s'en trouve amélioré, ils se sentent attendus.

Genèse d'un projet ambitieux

Le projet de réorganisation de l'offre de stages en soins infirmiers est issu d'un constat partagé entre la direction des soins et la direction de l'Ifsi qui repose sur quatre éléments majeurs :

• pénurie chronique de places de stage en soins infirmiers, notamment pour les semestres 1 à 4 (pour exemple, sur l'année 2017-2018, 390 étudiants de première année étaient en formation sur Toulouse ; sur les périodes de stages des semestres 1 et 2, seules 30 places étaient ouvertes en court séjour pour l'ensemble des unités cliniques) ;

• disparité de l'offre de places de stages entre l'ensemble des pôles cliniques et à unités semblables (nombre, typologie et niveau de formation) ;

• inadéquation entre l'offre de places de stages et les besoins de formation (quantitatifs et qualitatifs) ;

• incidence sur la future prise de poste du nouveau diplômé infirmier et sa sécurisation : mise en évidence des difficultés dans la gestion d'un groupe de patients, organisation, réalisation de certains gestes techniques dans les secteurs de court séjour.

Ces éléments de constat replacés en contexte nous ont paru inquiétants à plusieurs niveaux.

Du point de vue de la direction des soins et des pôles cliniques

L'évaluation du stage des étudiants de troisième année par les maîtres de stage, les tuteurs et professionnels de proximité fait émerger une insuffisance de compétences. Or l'analyse du parcours des étudiants en difficultés montre qu'ils ont bénéficié « au mieux » de 5 semaines de stage en court séjour (hors soins critiques) sur les 35 prévues par la réglementation durant les deux premières années de formation, voire d'aucun stage avant les semestres 5 et 6. L'affectation en priorité des places de stage aux semestres 4 à 6 par les professionnels de terrain au détriment des semestres 1 à 3 favorise une immersion tardive des étudiants dans les secteurs de court séjour.

Les professionnels du terrain renforcent leurs représentations à l'égard du « faible » niveau des étudiants en soins infirmiers et, de fait, confortent leur choix de n'accueillir en stage que des étudiants de troisième année. En outre, cette immersion tardive semble influer sur la prise de poste des nouveaux diplômés dans ces secteurs de court séjour, où ils n'ont bénéficié que de peu de semaines de stages.

Un premier paradoxe émerge entre l'objectif attendu d'un professionnel « novice compétent en capacité d'assurer un poste à part entière en fin de formation » et l'absence des moyens mis à disposition de l'étudiant pour atteindre cet objectif. Selon Benner (3), le novice agit au regard de procédures élaborées par la communauté soignante ; il apprend à travers les instructions, dans des domaines spécifiques (faits, fonctionnalités et actions), ignorant les nuances situationnelles et contextuelles, ce qui limite la performance. Être expert consiste à agir en contexte et pour chaque situation : « les valeurs aberrantes qui font que chaque situation est unique » (4). Pour Benner, cela implique la prise en compte de l'intuition de l'expert (5). Il développe une rapidité de perception du processus engagé, les émotions sont présentes, sa compréhension de la situation est holistique et les solutions proposées sont de « bonne qualité ». Pour autant, avant d'être expert, l'infirmier(ère) a été novice. Ce paradoxe est exacerbé pour les secteurs de soins critiques ou de haute technicité (réanimation, transplantation, soins intensifs). Selon Nagels (6), l'apprentissage des compétences critiques se fait dans un système en interaction, « parce qu'elles nécessitent un long apprentissage et la familiarité avec une variété de contextes ». Le sentiment d'efficacité personnelle qui semble faire défaut aux jeunes diplômés lors de la prise de poste dépend de l'acquisition de ces compétences critiques et « de la relation de renforcement réciproque » avec les éléments constitutifs du système dans lequel ces novices évoluent. Ainsi nous mesurons les limites du référentiel de formation 2009 en termes de repérage des invariants et de leur transférabilité dans tous les secteurs de soins, a fortiori dans un environnement hautement technique et évolutif.

Du point de vue de l'Ifsi

Le parcours de formation imposé par la réglementation prévoit que les étudiants doivent réaliser au moins un stage dans les quatre typologies que sont : lieu de vie, soins de suite et de réadaptation (SSR), santé mentale et court séjour. L'insuffisance de l'offre de stages (public/privé) de court séjour sur les deux premières années de formation impose à l'Ifsi de construire des parcours de stage pour les étudiants comportant jusqu'à 20 semaines dans les lieux de vie, souvent distants de Toulouse ; cela est d'autant plus vrai pour les SSR, qui se situent en majorité hors de l'agglomération. Ce parcours a plusieurs conséquences :

• une insatisfaction des étudiants, mis en difficulté par l'éloignement d'un lieu de stage qui ne correspond pas toujours à leurs attentes et à l'environnement professionnel auquel ils seront confrontés dans les secteurs de court séjour. Ces difficultés rencontrées ne sont pas sans répercussion en termes d'attractivité et de fidélisation des nouveaux professionnels ;

• une contrainte organisationnelle pour les formateurs, liée à la distance des lieux de stages pour réaliser les enseignements cliniques ;

• un coût financier non négligeable pour la région dans la prise en charge des frais de déplacement des étudiants et des formateurs.

Un second paradoxe est mis au jour. Si la formation se veut généraliste, il paraît utopique de prétendre que les professionnels formés à l'Ifsi sont en capacité d'exercer dans tous les secteurs de soins à l'obtention du diplôme. Le législateur l'avait intégré puisque 15 semaines de stage préprofessionnel en semestre 6 étaient prévues. D'emblée une coloration était donnée au nouveau professionnel. Ce paradoxe amène la direction de l'Ifsi à questionner la philosophie de son projet pédagogique, qui prévoyait une polyvalence quel que soit le type d'activité pour tous les étudiants. Ce questionnement s'inscrit dans la réflexion de Magnon (7), pour lequel une infirmière novice ne peut pas exercer aisément en contexte de polyvalence : « Il faut admettre toutefois que cette polyvalence ne rend pas apte immédiatement tous les étudiants à exercer avec expertise ». La prise de poste se complexifie et la multiplicité des contextes, spécificités et situations semblent peu en faveur du développement des compétences du novice. Aujourd'hui, l'Ifsi de Toulouse tend à réactiver cette « coloration » en accompagnant le projet professionnel des étudiants dans un parcours de stages individualisé.

Les enjeux de ce projet sont centrés sur la rationalisation, la normalisation de l'offre de stages du CHU de Toulouse selon une méthode transférable et sur la stratégie d'accueil des étudiants en stage dans une politique d'attractivité et de fidélisation. L'enjeu est aussi de donner à la direction des soins une vision à l'instant T des étudiants en stage dans l'établissement, étudiants dont elle est responsable.

Une conduite de projet participative : une des clés de réussite

Nous nous sommes appuyés sur la méthodologie de la conduite de projet avec l'articulation de plusieurs phases sur un temps borné de 18 mois.

Phase d'élaboration du projet

• Nomination de deux pilotes du projet par nos directions respectives.

• Constitution d'un Copil (pilotes, direction des soins, direction de l'Ifsi) et d'un groupe de travail, cadre support au projet (représentant l'ensemble des pôles cliniques).

• Élaboration du document/fiche projet et des fiches actions (calendrier, enjeux, responsable, contributeurs, actions, moyens de mise en œuvre, points de vigilance, indicateurs opérationnels).

Phase opérationnelle du projet

• Analyse de l'existant (potentiel d'accueil et besoins de formation).

• Recensement et cartographie de la capacité d'accueil en stage par unité de soins et par pôle.

• Mesure des écarts d'accueil entre des unités semblables intra et interpoles.

• Animation du groupe de travail représentatif (un cadre de santé par pôle clinique), dont les objectifs sont :

– élaboration d'une norme d'accueil par typologie d'unité ;

– construction de clés de répartition entre les trois années Ifsi et les autres formations ayant une obligation de stage en soins infirmiers ;

– rédaction d'un guide d'accueil en stage de soins infirmiers à l'attention des maîtres de stage.

• Élaboration d'un outil informatique de gestion des stages dans un espace collaboratif à l'attention de la direction des soins, la direction de l'Ifsi et des autres formations concernées par le stage en soins infirmiers, et l'ensemble des cadres de santé (de pôles et d'unités).

Trois réunions avec le groupe projet ont été nécessaires pour répondre aux objectifs fixés et élaborer les normes consensuelles d'accueil et les clés de répartition. Ces dernières ont été validées par la direction des soins et mises en application dès la rentrée universitaire de 2018. La clé de la réussite est l'implication des cadres de santé accueillant les étudiants dans le projet.

Une normalisation empirique et partagée par le collectif cadre

Deux niveaux de résultats sont distingués pour ce projet. Tout d'abord nous présentons les normes et clés de répartition définies et partagées par le groupe cadre. Cette normalisation empirique partagée par le collectif cadre est un élément primordial dans la réussite du projet et de sa mise en œuvre. Puis nous nous intéressons aux effets de la nouvelle gestion des places de stages mise en œuvre en septembre 2018.

Les normes d'accueil et les clés de répartition

Nous identifions trois types de secteurs faisant varier le calcul des normes, à savoir l'hospitalisation complète et de semaine médecine-chirurgie, les hospitalisations de jour et les consultations, les soins critiques (réanimation, soins intensifs). La base du calcul est l'effectif par grade, par 24 heures et pour une journée type, auquel nous appliquons la règle établie selon le type de secteur :

• hospitalisation complète et de semaine :

– nombre d'étudiants en soins infirmiers/24 h = nombre d'IDE par 24 h divisé par 2 ;

– calcul identique pour les élèves AS ;

• soins critiques :

– nombre d'étudiants en soins infirmiers/24 h = nombre d'IDE par 24 h divisé par 4 ;

– calcul identique pour les élèves AS ;

• consultations et hospitalisations de jour : variable selon le secteur et l'activité, au minimum un étudiant de chaque grade.

Concernant les clés de répartition, elles se font à deux niveaux :

• entre les trois années de formation pour les étudiants de l'Ifsi. Cela dépend de l'alternance des stages entre les années, élaborée par les deux Ifsi toulousains. Une vigilance particulière est portée sur chaque unité de soins, pour une répartition harmonieuse entre les années de formation ;

• selon les obligations réglementaires pour les autres formations ayant l'obligation d'un stage en soins infirmiers.

La direction des soins impose l'accueil d'au moins un étudiant en semestres 1-2 dans chaque unité clinique, y compris en soins critiques (les étudiants sont centrés sur la compétence 3 dans ces secteurs de haute technicité). Le nombre de places offertes aux élèves aides-soignants étant supérieur aux besoins de formation, certaines places sont converties en accueil d'étudiants Ifsi de première année.

La plus-value de la nouvelle gestion des places de stage

Depuis la mise en œuvre de cette nouvelle organisation, nous constatons les éléments suivants.

Une augmentation significative du nombre de places de stages offertes en court séjour

Le nombre de places de stages offertes en court séjour aux étudiants de première année est passé de 30 à un peu plus de 80 places. Tous les étudiants infirmiers toulousains bénéficient d'un stage en court séjour d'au moins 5 semaines dès la première année et d'au moins 10 semaines en deuxième année. Cette nouvelle gestion permet de réaliser l'immersion précoce des étudiants en court séjour, jusqu'alors irréalisable. Nous postulons qu'en troisième année les étudiants en soins infirmiers auront développé les compétences et attitudes attendues pour une prise de poste sécurisée dans la plupart des services de court séjour du CHU et des cliniques de l'agglomération toulousaine, ou d'ailleurs. Toutefois, concernant les services de soins critiques et de haute technicité, même si les étudiants ont été immergés dès la première année, si leur projet est d'exercer dans ce type de service une fois diplômés, il convient que celui-ci soit conforté, accompagné et validé par l'Ifsi ; seront ainsi pris en compte les résultats théoriques et pratiques ainsi que les attitudes de l'étudiant dans cette validation. Un projet de professionnalisation est en cours sur les soins critiques, collaboration entre la direction des soins du CHU, la direction des deux Ifsi toulousains et celle de la clinique Pasteur. Ce projet s'inscrit dans la politique d'attractivité et de fidélisation des nouveaux professionnels.

Une homogénéité de l'offre de stages sur l'ensemble des services d'accueil

L'élaboration des règles d'accueil (normes clés de répartition) par le groupe de cadres met fin aux écarts constatés entre unités de soins identiques ; l'offre de stages n'est plus dépendante de ressentis, d'envies et/ou de représentations des professionnels mais bien rationalisée selon des règles négociées, partagées et validées institutionnellement. Le projet a fait évoluer la vision des missions du maître de stage. Son rôle est désormais centré sur l'accueil, l'accompagnement organisationnel des étudiants et le repérage des futurs professionnels manifestant un attrait particulier pour leur secteur. La définition du potentiel d'accueil est posée et reconductible et ne relève plus d'un exercice annuel et fastidieux pour les cadres d'unités et les cadres de pôle. L'offre de stages permet aujourd'hui de répondre aux besoins quantitatifs de formation mais également qualitatifs, favorisant l'immersion précoce en cout séjour, élément déterminant dans la construction du projet professionnel de l'étudiant.

Retour réflexif... La vigilance critique de l'action

Les facteurs clés de la réussite du projet

La collaboration entre la direction des soins et la direction de l'Ifsi dans ce projet de réorganisation de l'offre des stages en soins infirmiers a fait évoluer la gestion de ces derniers.

Lors de sa présentation aux instituts partenaires et à l'encadrement, le projet est apparu ambitieux au regard de l'histoire, du nombre d'étudiants sur l'agglomération toulousaine, du nombre d'instituts de formation et des obligations réglementaires. Pour autant, après 6 mois de fonctionnement, nous constatons unanimement la plus-value de cette nouvelle gestion, que ce soit du point de vue des cadres de santé des unités d'accueil comme des coordonnateurs de stages (direction des soins et Ifsi). La direction des soins coordonne les stages avec une vision globale de l'offre et de la présence des étudiants en stage à l'instant T. La rationalisation et la normalisation de cette offre adossée à une gestion centralisée et harmonisée permettent l'accueil d'étudiants des Ifsi régionaux voire nationaux tout en respectant les normes d'accueil définies. Les cadres de santé sont repositionnés dans leurs missions de maître de stage sans avoir à définir annuellement et à la demande une capacité d'accueil pour toutes les formations paramédicales confondues. Leur vision de l'étudiant s'est transformée, comme celle des équipes, et celui-ci est considéré désormais comme un futur professionnel employable à l'issue du semestre 6. Dans sa mission de gestion des ressources humaines et des compétences, le maître de stage identifie l'étudiant dont le profil et/ou le projet semblent conformes aux besoins de l'unité. De fait, il devient une ressource et non une « charge » pour les équipes d'accueil. Le CHU de Toulouse s'inscrit dans une politique institutionnelle d'attractivité et de fidélisation.

Pour l'Ifsi et les formateurs, l'augmentation de l'offre de places de stage en court séjour dès la première année assure un parcours de stage diversifié pour tous les étudiants, qui peuvent ainsi construire leur projet professionnel. La possibilité offerte aux étudiants d'effectuer leur stage au CHU de Toulouse a un impact positif en termes de coût, la réduction des trajets représentant un gain économique pour la région.

Les points de vigilance

Le CHU est un établissement de santé universitaire et, à ce titre, est fortement contributif dans les missions de formation des futurs professionnels de santé. Dans sa rationalisation, au travers de règles partagées, le projet a permis une offre de places de stages supérieure aux années précédentes ; pour autant, une vigilance s'impose. Le quantitatif ne doit pas surpasser le qualitatif, revendiqué à juste titre par les équipes soignantes. Les règles d'accueil s'appliquent telles qu'elles ont été décidées, négociées, partagées et validées par la direction des soins. En revanche, l'offre de stage doit être requestionnée au gré des restructurations, variations de « capacitaire lits », redimensionnement des équipes de soins. Une veille s'impose également au regard des réingénieries de formations, qui en modifient les modèles, les alternances, les unités d'enseignements, dans leur structure et leur contenu, ainsi que les compétences attendues. Ces évolutions peuvent amener une révision des clés de répartition pour l'ensemble des unités d'accueil au sein des pôles. La collaboration entre les professionnels de terrain et les cadres formateurs est la variable indépendante du système, variable permanente pour que ce temps de stage prévalant dans les formations paramédicales soit adapté et efficient.

En conclusion

Nous postulons que cette gestion des stages, tant dans sa philosophie que dans son opérationnalité, permettra de ne plus confronter les professionnels de terrain à des étudiants dont le niveau ne sera pas à la hauteur des attendus en fin de formation. Nous postulons également que cette nouvelle vision de la coordination des stages, associant le projet professionnel des étudiants, sécurisera leur première prise de poste dans un contexte où les temps de « doublure » sont réduits voire absents.

Nous prévoyons l'évaluation à un an de cette gestion des stages auprès des cadres de santé et des jeunes professionnels, qui nous l'espérons permettra de mesurer la portée bénéfique de ce changement pour l'ensemble des partenaires dans la formation. Si tel est le cas, nous pourrons alors organiser son extension aux autres formations paramédicales. La gestion rationnelle et normalisée des stages constitue un enjeu majeur pour la formation des futurs professionnels de santé et contribue à leur sécurisation lors d'une première prise de poste. La réussite de la prise de poste pour les nouveaux diplômés, dans une institution agile et des équipes bienveillantes, constitue in fine un élément de la fidélisation des professionnels au sein des établissements de santé.

Pour aller plus loin

    (1) « Profession infirmier – Recueil des principaux textes relatifs à la formation préparant au diplôme d'État et à l'exercice de la profession », Paris, Berger-Levrault, coll. « Formations des professions de santé' », 2013.

    (2) Ibid., p. 54.

    (3) Patricia Benner, From novice to expert : excellence and power in clinical nursing practice, Menlo Park, Addison-Wesley, 1984.

    (4) Traduction de « to the outliers that make each situation unique », in Patricia Benner, ibid.

    (5) Fernand Gobet, Philippe Chassy, «  Towards an alternative to Benner's theory of expert intuition in nursing : a discussion paper  », International Journal of Nursing Studies, February 2008, no 45, p. 129-139.

    (6) Marc Nagels, « Construire le sentiment d'efficacité personnelle en formation professionnelle supérieure : le cas des novices dans les champs du travail social et de la santé publique », in Questions de pédagogie dans l'enseignement supérieur : nouveaux contextes, nouvelles compétences, juin 2005, Villeneuve d'Ascq, p. 120.

    (7) René Magnon, Les infirmières : identité, spécificité et soins infirmiers – Le bilan d'un siècle, Paris, Masson, 2003, p. 114.