Un serious game au service des élèves auxiliaires de puériculture - Objectif Soins & Management n° 0289 du 30/09/2022 | Espace Infirmier
 

OBJECTIF SOINS n° 0289 du 30/09/2022

 

ÉCRITS PROFESSIONNELS

Mélanie Petit  

Cadre formatrice, Ifap de Bullion

Le formateur en Institut de formation des auxiliaires de puériculture (Ifap) fait face à un public très hétérogène, ce qui rend l’accompagnement complexe. La formation, d’une durée de 11 mois, est très courte comparée à la somme de compétences à acquérir en vue de la professionnalisation. Comment adapter les cours afin que chaque élève puisse comprendre et apprécier les apports théoriques ? Un serious game constitue un outil intéressant pour faciliter l’apprentissage.

Le contexte d’intervention

Le formateur organise, conçoit et réalise des actions de formation(1) et accompagne la personne dans son projet. En Ifap, les formateurs permanents infirmiers sont en majorité titulaires du diplôme d’État d'infirmière puéricultrice (DEIP) et/ou titulaires du DEAP avec un diplôme ou titre universitaire à finalité professionnelle de niveau 6 en lien avec la santé, les sciences de l'éducation ou les sciences humaines(2).

Les élèves auxiliaires de puériculture (AP) représentent un public très hétérogène avec des parcours très différents les uns des autres. La tranche d’âge est également très large, de 17 à plus de 50 ans lors d’une reconversion professionnelle.

La formation conduisant au DEAP est régie par l’arrêté du 10 juin 2021 (qui a remplacé celui du 16 janvier 2006)(2). Elle se compose de 5 blocs de compétences au sein desquels se répartissent 10 modules. La durée totale de la formation s’élève à 1540 heures, théorie et stages compris.

Le module 4, « Soins à l’enfant », représente un volume horaire conséquent (154 heures). Les différents appareils du corps humain sont étudiés ainsi que les soins s’y rapportant selon les pathologies rencontrées.

La réflexion préalable

Durant deux années consécutives, j’ai dispensé le cours sur les problèmes chirurgicaux, qui fait partie des exigences du référentiel de formation. L’intervention, d’une durée de 3 heures, s’appuyait sur un long diaporama qui passait en revue 8 affections chirurgicales (de l’adénoïdectomie à l’appendicite en passant par la sténose du pylore). Les élèves avaient des difficultés à rester attentives malgré de nombreuses vignettes cliniques. En effet, ayant travaillé 11 ans en service de chirurgie cardiopédiatrique, il me tenait à cœur de partager mon expérience de terrain. Malgré tout, les élèves avaient l’impression d’être confrontées à un « catalogue » de pathologies et ne parvenaient pas à en extraire les éléments essentiels à retenir. Je me suis alors demandé comment retravailler ce cours afin qu’il devienne plus attractif.

À la suite de la formation de formateurs que j’ai suivie en octobre 2020, j’ai découvert des méthodes et outils pédagogiques qui m’ont aidée à repenser mon intervention. Avant tout, il était important de poser mes intentions pédagogiques : je souhaitais que les élèves comprennent les principales interventions chirurgicales ainsi que le rôle de l’auxiliaire de puériculture en service de chirurgie pédiatrique.

Ensuite, j’ai formulé les objectifs de ce cours afin de cibler le contenu et d’éviter d’apporter trop d’informations.

À l’issue du cours, les élèves devaient être capables de :

- nommer les invariants de la surveillance post-chirurgie,

- détailler la surveillance particulière selon les interventions,

- expliquer le rôle de l’auxiliaire de puériculture en service de chirurgie.

Le cours en 5 temps

Les neurosciences ont montré que la durée moyenne de concentration chez un individu est de l’ordre de 15 minutes. C’est pourquoi j’ai réfléchi à l’organisation de différents temps afin de susciter, focaliser, maintenir l’attention des élèves, mais aussi de favoriser leur implication : en effet, l’engagement actif est l’un des 4 piliers de l’apprentissage(3).

Les outils que j’ai retenus pour ce cours sont les suivants :

- un quizz,

- une vidéo (en effet, les années précédentes, je me suis aperçue qu’elles y étaient réceptives),

- un jeu afin de rendre l’apprentissage plus ludique,

- un diaporama.

Les 5 temps se déroulent ainsi.

Premier temps : introduction (15 minutes) : utilisation d’une application interactive pour réaliser un quizz de trois questions. L’objectif est de réaliser un état des lieux des connaissances des élèves sur la chirurgie en général. J’ai alors expliqué l’intérêt du cours en lien avec leur futur exercice professionnel en utilisant ce teasing : « Avec ce cours, vous saurez accompagner au plus près l'enfant et sa famille dans ce moment très anxiogène qu’est la chirurgie. De l'ablation des amygdales à la chirurgie du cœur, toute chirurgie est source de stress. On intervient sur le corps avec un scalpel, des ciseaux. On coupe, on incise… C’est impressionnant, non ? Peur de la douleur, peur de l’anesthésie, peur de la cicatrice ou des cicatrices… Vous êtes, à votre niveau, essentiels.les pour les soigner, écouter, renseigner, soutenir les enfants et les familles. Ce cours vous permettra non seulement de savoir mettre en place les gestes en pré- et post-opératoire, mais également de prendre en soin l'enfant opéré et de répondre aux questions dans la limite de vos compétences. »

Deuxième temps : diffusion d’une vidéo de 10 minutes retraçant le parcours d’un enfant hospitalisé pour chirurgie afin que les élèves perçoivent les inquiétudes de celui-ci et de sa famille. Cela permet également de repérer le rôle de l’AP dans ce type de service et ainsi, faire une transition pour débuter la présentation du diaporama.

Troisième temps : présentation et échanges autour du rôle de l’AP en service de chirurgie, à l’aide d’un diaporama, durant 40 minutes environ. Je me suis beaucoup appuyée sur des images pour susciter les échanges.

Pause de 15 minutes.

Quatrième temps : mise à disposition d’un serious game(4) créé en collaboration avec mon époux qui est ingénieur en informatique (figure 1). La réalisation de ce jeu a demandé trois mois environ. Il est accessible sur internet depuis un ordinateur ou un téléphone portable. Cet outil permet aux élèves d’être acteurs dans leurs apprentissages et ainsi de maintenir leur attention. Le temps imparti pour répondre aux questions est de 45 minutes.

Après un temps de rupture de 5 minutes, nous avons repris les différentes parties du jeu afin d’apporter les éléments de réponse exacts à tous les élèves. J’ai pu également répondre à leurs questions au fur et à mesure et compléter les apports selon leur curiosité.

Cinquième temps : synthèse et retour sur le cours. J’ai demandé aux élèves de citer les mots clés en lien avec le rôle de l’AP en service de chirurgie. Pour cela, j’ai utilisé une application numérique sous forme de Post-it® interactifs. Dès qu’un élève citait un item, je le retranscrivais sur l’ordinateur connecté au vidéoprojecteur qui l’affichait. Cela a permis de réaliser une synthèse interactive du cours et de vérifier ce qui avait été retenu.

À l’issue de cette journée, les éléments suivants ont été mis à la disposition des élèves sur la plateforme pédagogique de l’lfap :

- le diaporama présenté durant le cours sur le rôle de l’AP en service de chirurgie,

- une fiche récapitulative sur les problèmes chirurgicaux reprenant les points du serious game,

- le document de synthèse sur le rôle de l’AP en service de chirurgie (Post-it),

- le diaporama complet des années précédentes sur les problèmes chirurgicaux pour ceux qui souhaitaient aller plus loin dans leurs apprentissages.

Les effets positifs

Les élèves ont été attentifs et ont participé activement en posant des questions. Ils ont apprécié le fait de diversifier les supports et ont même demandé à décliner cette organisation sur d’autres cours. Le bilan est positif.

Les limites

La principale limite observée est liée à l’environnement : le réseau mobile et la connexion internet n’étaient pas de bonne qualité, car l’Ifap se situe dans une zone géographique peu couverte et la fibre n’est pas encore installée. Lors de la mise en place de cette nouvelle organisation, cet aléa avait été anticipé en imprimant une version papier du serious game. Certes, cela était moins interactif, mais le travail a été tout aussi apprécié. La deuxième année, les élèves sont parvenus à tester le jeu en ligne grâce à une modification de la résolution des images qui a facilité le chargement sur ordinateur ou téléphone.

Les perspectives

Le bilan positif de ce cours en 5 temps m’encourage à retravailler d’autres contenus, même si cela requiert de mobiliser beaucoup de temps et de créativité. En lien avec le nouveau référentiel de formation des AP et leur montée en compétences, je réfléchis actuellement à créer d’autres serious games plus complexes, en me formant à d’autres logiciels.

Figure 1. Le serious game rend la formation plus ludique et focalise l’attention des élèves.
  • 2. Arrêté du 10 juin 2021 portant dispositions relatives aux autorisations des instituts et écoles de formation paramédicale et à l'agrément de leur directeur
  • 3. Belou H. S’approprier les quatre piliers de l’apprentissage selon les sciences cognitives. Objectif Soins & Management. 2022 ; 286 : 42-8.