Sylvain Boussemaere, un parcours au service des soins - Objectif Soins & Management n° 281 du 01/06/2021 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 281 du 01/06/2021

 

Actualités

Claire Pourprix  

Portrait

Coordonnateur général des soins, directeur de la qualité, de la gestion des risques et de la communication du CHI Vallées de l'Ariège et du CH de Tarascon sur Ariège, Sylvain Boussemaere a démarré sa carrière comme infirmier. Il revient sur son parcours et partage ses réflexions sur ses missions et l'organisation du système de soins.

Dès le début, Sylvain Boussemaere a hésité entre le métier d'infirmier et celui de professeur à tel point que, en 1990, à peine son diplôme d'infirmier d'État en poche (major régional dans le Nord-Pas-de-Calais), il s'est orienté sur une licence de Sciences de l'éducation qu'il a obtenue deux ans plus tard avec la mention très bien. Avec une envie : devenir cadre de santé formateur. « En poste au CH Armentières, dans le Nord, je suis allé voir mon chef de bureau (l'équivalent à l'époque du DRH) et il m'a regardé comme un ovni. En ce temps-là, on ne pratiquait pas la GPEC (1) et il m'a expliqué qu'il fallait attendre qu'un poste de cadre se libère pour envoyer quelqu'un à l'école des cadres. Comprenant mon souhait d'avoir une vision managériale des métiers, il m'a toutefois conseillé de poursuivre un cursus universitaire. C'est ainsi que je me suis orienté sur un DU Études complémentaires des carrières paramédicales et sociales que j'ai obtenu en 1 an au lieu de deux puis une Maîtrise en Sciences et Techniques de Gestion des Organisations Sanitaires et Sociales, avec la mention bien. »

En 1994, il participe au congrès de l'Association pour la Recherche et le Développement de l'Art et de la Science Infirmière – « j'étais le seul infirmier aux côtés de directeurs de soins, d'écoles... et Catherine Duboys-Fresney, Conseillère technique nationale auprès du ministère de la Santé, qui avait fait le déplacement, m'a félicité pour le travail réalisé et encouragé à devenir cadre de santé... », se souvient-il. Avec l'équipe des urgences où il était en poste, il présente un film sur l'importance de l'accueil aux urgences qui, traité de manière humoristique, retient l'attention du public et du ministère. Présenté au Festival international du film hospitalier à Mazamet, il obtient d'ailleurs le 1er prix dans la catégorie Originalité pédagogique en 1995.

De faisant fonction de cadre à directeur des soins

Son souhait de devenir cadre est toujours vif quand, en 1997, la nouvelle directrice des soins au CH d'Armentières lui propose un poste de faisant fonction. « Le chef de service était talentueux mais doté d'un caractère difficile et c'était la première fois qu'on lui imposait un cadre. Habituellement, il le choisissait... Mais finalement, cela s'est bien passé et je suis revenu travailler dans ce service après l'école des cadres, et après avoir fait une mise au point sur notre manière de fonctionner ensemble au sein du service... » Ce poste de faisant fonction, occupé pendant un an avant de présenter le concours de cadre de santé, l'inspirera fortement puisque Sylvain Boussemaere en a fait son thème de mémoire de fin d'études, gratifié de « meilleur mémoire » et récompensé d'un prix de 1 000 francs. « Une fois cadre diplômé, j'ai réintégré le service de médecine internet du CH d'Armentières, mais j'avais toujours en tête l'idée de devenir cadre de santé formateur en ISFI et IFAS. J'ai saisi ma chance dès 2003, lorsqu'une opportunité s'est présentée à l'IFSI du CH d'Armentières dans le cadre de l'augmentation des quotas en formation. » Très rapidement, les choses ont évolué : le poste de directeur se libérant, Sylvain Boussemaere a été nommé directement faisant fonction de directeur de l'IFSI. « Au départ j'ai décliné, car je n'étais pas formateur. Le chef d'établissement m'a convaincu : je ferai partie de l'équipe de direction si aucun candidat interne ne se présentait, pour un essai de 6 mois. À 33 ans, je n'avais pas encore l'ancienneté requise pour passer le concours de directeur des soins. Mais cette mission m'a permis de m'atteler à des projets innovants tels que la conception d'un référentiel d'autodiagnostic de la qualité en formation paramédicale, en partant des travaux du CEFIEC (Comité d'Entente des Formations Infirmières et Cadres). Cette expérimentation de démarche de qualité en formation a par ailleurs été présentée au Salon infirmier à Paris en 2003 et a été complétée d'une démarche de certification des instituts de formation. »

En 2006, Sylvain Boussemaere passe le concours de directeur des soins et intègre dès 2007 l'ENSP (École Nationale de la santé Publique, devenue depuis l'École des Hautes Études en Santé Publique, à Rennes). Peu de temps après sa sortie de formation, il est sollicité comme maître de conférences puis vacataire dans la préparation au concours de directeur des soins. En 2008, muté de l'IFSI d'Armentières à l'IFSI intercommunal du Val d'Ariège, il en prend la direction et assurera par la suite l'intérim du poste vacant de coordonnateur général des soins au CH. Ensuite, sa carrière se poursuit au CH du Val d'Ariège jusqu'à devenir directeur des soins, coordonnateur général des soins, directeur de la qualité, de la gestion des risques et de la communication à la direction commune du CHI des Vallées de l'Ariège et du CH Jules Rousse. Cet ensemble de deux établissements réunis par une direction commune, qu'il qualifie de « pivot du GHT ariégeois », compte un millier de lits sur différents sites en territoire rural et emploie 1 800 ETP, dont 1 200 personnels de soins.

Dès 2017, il préside la Commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-technique (CSIRMT) du GHT des Pyrénées Ariégeoises. En mars 2020, outre ses fonctions de coordonnateur général des soins, directeur de la qualité et de la gestion des risques et directeur de la communication, il devient directeur référent Covid-19 pour le territoire de l'Ariège puis, en décembre, directeur fonctionnel du RSSI de territoire.

Polyvalence, innovation, responsabilité

« En tant que directeur des soins, trois axes majeurs caractérisent ma fonction, explique-t-il. La polyvalence, que j'ai acquise notamment au travers de la double direction IFSI et coordonnateur général des soins, directeur de la qualité, de la gestion des risques et de la communication. Lorsque la covid-19 est apparue, cela m'a aidé à assurer la fonction de directeur référent Covid sur proposition de l'ARS. Ma casquette « risques » a notamment été utile pour contribuer à la mutualisation des protocoles dans les hôpitaux rattachés au GHT et aux Ehpad extérieurs au groupement. L'innovation est également un axe central, en matière de démarche qualité en IFSI, de promotion de la simulation en santé notamment. » Sylvain Boussemaere est en effet vice-président national de la Société Francophone de Simulation en Santé (SoFraSimS) créée sous le haut patronage de la Haute Autorité de Santé, et participe à certains de ses groupes de travail. « Côté innovation, j'ai aussi travaillé sur le projet médico-soignant, en collaboration avec deux présidents de CME sur deux établissements, une approche qui a d'ailleurs été conservée lors de la création du GHT des Pyrénées Ariégeoises, et j'ai aussi contribué à la création d'une commission de co-pilotage qualité et gestion des risques au sein du GHT, ce qui est désormais assez répandu mais était novateur lors de la création des GHT. » Troisième axe clé : l'exercice de responsabilités. « Rapidement, j'ai ressenti une appétence pour la prise de responsabilités, en milieu associatif professionnel au sein du CEFIEC comme trésorier puis président régional, ou encore comme délégué régional de l'Association Française des Directeurs des Soins (AFDS) section Midi-Pyrénées depuis juin 2014 à ce jour, dont j'ai présidé le Comité d'organisation des Journées nationales d'études des directeurs des soins qui se sont déroulées à Toulouse en 2018. Au sein de l'EHESP, j'interviens comme conférencier en lien avec mon expérience professionnelle, et j'ai été jury du concours directeur des soins pendant 8 ans, ce qui m'a permis de contribuer à certaines nouveautés comme la dématérialisation des copies, la construction de sujets de concours, la modélisation de grilles/guides de correction, etc. »

Prendre soin des soignants pour mieux prendre soin des patients et sortir d'une vision hospitalo-centrée

Pour Sylvain Boussemaere, le directeur des soins est à l'interface de tout : le management, la pédagogie, la gouvernance. Sa vision du système hospitalier est alignée avec la stratégie nationale de santé 2022 et l'affirmation de l'importance des fonctions d'encadrement et d'animation. « Je ne peux qu'être favorable à l'ambition de prendre en considération davantage la vision soignante, même si la vision administrative est importante. » Si dans les faits, il reconnaît que des accords historiques ont été pris avec le Ségur de la santé, qui a dégagé une « enveloppe importante » pour la revalorisation des professions paramédicales, il constate que « la traduction locale des accords laisse un goût d'amertume chez beaucoup de soignants. Certes il y a eu revalorisation salariale, mais les équipes de soins souhaiteraient davantage de ressources pour pouvoir travailler plus sereinement. Avec la crise sanitaire, les paramédicaux sont fatigués, ils ont l'impression que l'on a saupoudré des mesures et s'inquiètent pour leur avenir. Quant aux cadres, ils ont été moins impactés par les mesures de revalorisation et trouvent cela injuste. »

Avec l'apparition de la Covid-19, sa mission au sein de son établissement et du GHT des Pyrénées Ariégeoises a évolué. « L'ensemble de l'organisation a été revue, souligne-t-il : en termes capacitaire, avec les cadres de santé, au niveau de l'organisation médico-soignante, avec le développement du télé-soin, de la téléconsultation qui étaient en projet, le maintien de consultations en présentiel quand nécessaire... Lors de la première vague, nous avons revu le plan de continuité de l'activité puis de reprise d'activité et nous avons développé des partenariats encore plus forts avec l'ARS. » C'est ainsi que des plateformes dédiées aux personnes âgées et aux personnes handicapées se sont développées ainsi que des réunions de cellules de coordination stratégique de territoire et de la campagne vaccinale, sachant que la pharmacie hospitalière du GHT stocke les vaccins pour tous les autres centres de vaccination du territoire. « Un important travail de coordination a été réalisé avec l'ensemble des partenaires impliqués : caisse primaire d'assurance maladie, conseil départemental, association des maires, médecins et infirmiers libéraux, HAD... de même qu'un travail de protection des agents tant sur le plan des stocks des équipements de protection individuelle que de la prévention de la santé mentale des professionnels de santé en collaboration notamment avec le service de santé au travail. »

En tant que directeur Covid territorial, Sylvain Boussemaere a expérimenté une autre façon de travailler, en sortant des murs de l'hôpital. Et souhaite poursuivre sur cette voie : « il serait intéressant de proposer à l'ARS de poursuivre cette collaboration en prenant en considération que le parcours patient n'est plus hospitalier, mais de territoire, incluant le secteur libéral et permettant d'aller au-delà du GHT. »

(1) Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

En quoi consiste le métier de coordonnateur général des soins ?

Ce métier est ouvert aux professionnels de santé expérimentés ayant exercé 10 ans au sein de la fonction publique hospitalière dont 5 ans comme cadre de santé. Sous l'autorité du chef d'établissement, le coordonnateur général des soins fait partie de l'équipe de direction. C'est le seul membre, hormis le directeur d'établissement à présider une instance : la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (CSIRMT), qui représente l'ensemble des personnels paramédicaux (collèges cadres de santé, personnels infirmiers de rééducation et médicotechniques, aides-soignants). À ce titre, il est membre de droit du directoire. Sa vision stratégique et opérationnelle est fondamentale : il endosse une mission de conseil, de participation à la prise de décision en lien avec les évolutions du système de santé. Concrètement, il contribue à la mise en œuvre de la stratégie de l'établissement, à la définition et la réalisation des objectifs des pôles, en cohérence avec les besoins du territoire, les ressources humaines et financières disponibles.

Le directeur des soins travaille sur trois axes :

– la gouvernance hospitalière, à savoir la conception, la conduite des projets institutionnels dès que le patient et les équipes paramédicales sont concernés, leur mise en œuvre et le développement de partenariats et de spécificités dans le cadre de la prise en charge des usagers. Il réalise des gardes de direction et peut assurer l'intérim du chef d'établissement ou être chargé de la direction d'un site de l'établissement ;

– la politique et l'organisation des soins infirmiers et médico-techniques, au travers de la conception du projet de soins, dont il en précise les objectifs, coordonne la mise en œuvre et l'évaluation. Il veille à la continuité des soins et à la cohérence du parcours de soins du patient, s'assure du respect des réglementations et des bonnes pratiques et élabore le rapport activité de la direction des soins ;

– la gestion des ressources humaines et du management, en répartissant les ressources en soins dans l'établissement, pour assurer la continuité et la sécurité des soins, en collaboration avec la DRH. En s'impliquant dans la définition du plan de développement professionnel continu, il définit et pilote la politique managériale des cadres de santé, le projet managérial de la direction des soins, anime et coordonne les missions des cadres de santé, développe l'utilisation des protocoles de coopérations et la mise en œuvre des pratiques avancées.

Sylvain Boussemaere, dans sa vision de la pratique de son métier, ajoute deux axes :

– la politique qualité et gestion des risques associés aux soins, qui consiste à réaliser une veille du suivi documentaire institutionnel (protocoles, bonnes pratiques), coordonner la politique qualité dans le domaine des soins et la mettre en œuvre, veiller à ce que les objectifs de la certification soient bien atteints dans les délais prévus, en collaboration avec le coordonnateur des risques associés aux soins, et participer au management de la qualité ;

– la recherche en soins, en management et innovation en santé, dans le but de l'impulser et de la développer, en veillant à diffuser des pratiques innovantes (protocoles de coopération, infirmières de pratiques avancées, simulation en santé...). Cet axe, précise-t-il, « indiqué dans les missions de la commission de soins, n'est pas mis en valeur dans le référentiel métier ».

C'est « une fonction qui n'a eu de cesse d'évoluer depuis sa création dans les années 70 et dont la plus-value n'est plus à démontrer mais qui est en mal de reconnaissance statutaire, souligne Sylvain Boussemaere. Le directeur des soins coordonnateur général des soins se positionne à l'interface des logiques administratives et médico-soignantes au bénéfice de la prise en charge des usagers. C'est un acteur clé pour contribuer à l'amélioration du système de santé dans une approche collaborative équilibrée entre les forces vives de la communauté hospitalière. C'est en effet un professionnel de santé qui, ayant à la fois une expertise soignante et de management, voire de pédagogie, participe très activement à la gouvernance hospitalière sous l'autorité du chef d'établissement et aux côtés du président de la Commission Médicale d'Établissement, en étroite collaboration avec ses collègues directeurs-adjoints. Espérons que suite aux conclusions du Ségur de la Santé, il pourra obtenir une égalité de traitement indiciaire et de prime de fonction et de résultats identique à celle des autres membres de l'équipe de direction, mais aussi une valorisation du déroulé de carrière. Car comment reconnaître davantage toute la filière soignante si celui qui l'incarne au plus haut niveau n'est lui-même pas reconnu à la hauteur de son travail et de son engagement quotidien ? Il en est d'ailleurs de même pour l'ensemble de l'encadrement paramédical dont la valorisation mérite d'être alignée au même niveau que les cadres des autres fonctions publiques (territoriale et d'État). »