Étude quantitative de la représentativité des cadres de santé dans la littérature professionnelle - Objectif Soins & Management n° 277 du 01/10/2020 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 277 du 01/10/2020

 

Recherche et Formation

Dossier

Laurent Soyer*   Nicole Tanda**  

« Les articles professionnels ne sont pas publiés sans passer par le filtre d'un comité de lecture (ou de rédaction) qui juge de la qualité et de la pertinence de l'écrit en vue de sa publication. Ce type de littérature est donc fort intéressant, d'autant que les auteurs, outre des membres de la profession, peuvent également être des experts et/ou des chercheurs. Les revues professionnelles constituent une mine d'informations et de points de vue variés » (1). Par ailleurs, les membres de l'encadrement paramédical publient principalement dans les revues professionnelles. Une étude par e-questionnaires adressés à des cadres formateurs souligne que « 81 % des répondants n'ont jamais publié d'article dans le domaine des sciences infirmières. Les publications réalisées se font essentiellement dans des revues professionnelles en soins infirmiers et également dans la revue de l'ARSI dans une plus faible proportion » (2). L'objet de cet article est de dresser un état des lieux récent, de 2018 à 2020, de la représentativité des cadres de santé au sein des revues professionnelles « cadres ».

Introduction

Parmi les différents types de littérature, la littérature professionnelle est sans nul doute la plus disponible pour les membres de l'encadrement sanitaire. Elle développe des sujets sous forme d'articles, de dossiers thématiques, de récits expérientiels, de fiches techniques, de conseils... L'avantage principal de ce type de littérature est de « coller » au plus près de l'actualité et des problématiques professionnelles.

Méthode

La présente étude porte sur les parutions des trois principales revues françaises ciblant l'encadrement en secteur sanitaire, à savoir Gestions hospitalières, Soins cadres et Objectif Soins & Management. L'intégralité des numéros publiés de janvier 2018 à septembre 2020 est prise en compte. Une lecture transversale a permis de recenser les différentes catégories d'auteurs. Les trois revues sont d'abord analysées séparément, puis une analyse croisée alimente une discussion soulignant les similitudes, divergences et perspectives. Les résultats sont indiqués en fréquence. « La fréquence permet de quantifier le nombre de fois où une valeur (unité sémantique, thème, etc.) est identifiée dans un recueil de données textuelles ». Le choix est fait d'exprimer les fréquences en pourcentage (3).

Afin de ne pas alourdir les logigrammes présentés, nous avons eu recours à des acronymes :

• AP-HP : Assistance Publique - Hôpitaux de Paris

• AP-HM : Assistance publique - Hôpitaux de Marseille

• CH : Centre Hospitalier

• CHRU : Centre Hospitalier Régional Universitaire

• CHU : Centre Hospitalier Universitaire

• CLCC : Centre de Lutte Contre le Cancer

• EPSM : Etablissement Public de Santé Mentale

• IFCS : Institut de Formation des Cadres de Santé

• IFPM : Institut de Formation Paramédicale. Intitulé retenu, même si la grande majorité des auteurs en question sont des formateurs en IFSI/IFAS (sauf IFCS)

• QVT : Qualité de Vie au Travail

• OF : Organisme de Formation

De même, pour simplifier la lecture nous utilisons par convention le genre masculin pour tous les auteurs.

Gestions Hospitalières : « La revue des décideurs hospitaliers »

Cette revue est de loin la doyenne de l'échantillon investigué, puisque le tout premier exemplaire est paru en novembre 1960 avec prochainement son 600e numéro ! 10 numéros par an sont publiés à ce jour. L'orientation de ce mensuel est indiquée clairement dans son nom : les sciences de la gestion. Son slogan, « La revue des décideurs hospitaliers », souligne que le public cible concerne ceux qui gouvernent l'Hôpital, qui prennent les décisions stratégiques et ont le pouvoir sur les organisations humaines. Notre étude met en évidence que trois catégories de décideurs, ou futurs décideurs, se détachent largement parmi les auteurs d'articles (Cf. Fig. 1), à savoir les directeurs (directeur général, DRH, directeur financier...) (f = 32 %), suivi des médecins (praticiens hospitaliers, professeurs...) (f = 18 %). et des élèves directeurs (f = 11 %). Il semble exister dans la filière des directeurs une culture de l'écrit développée dès la formation. Soulignons que si les universitaires, de divers champs disciplinaires (gestion, droit, sociologie...) se placent en 4e position (f = 8 %), nombre de directeurs et de médecins possèdent un titre universitaire de 3e cycle. La revue Gestions hospitalières, correspond donc à un niveau sérieux de scientificité.

Au niveau de l'encadrement dit paramédical, le nombre d'articles publiés est largement inférieur (Cf. Fig. 2), plutôt ponctuel que régulier. Pour preuve, 8 numéros de la revue sur les 27 pris en compte ne contiennent aucun article d'auteurs cadres paramédicaux.

L'histogramme montre que la production des cadres (sensu lato) paramédicaux reste très secondaire, à part la contribution des cadres de santé des services hospitaliers (29 articles sur les 534 intégrés à la présente étude, dont près de 170 pour les directeurs). Les cadres supérieurs, pourtant plus proches hiérarchiquement des directions, sont moins féconds avec 14 articles publiés, le plus souvent en co-écriture. Fait étonnant, les directeurs des soins, perçus par les équipes de soins comme leurs décideurs hiérarchiques, ne participent scripturalement qu'à hauteur de 8 articles, toujours en co-écriture. Enfin, la branche de la formation est sous représentée, voire marginale avec seulement 5 productions. Notons également l'absence d'écrits des directeurs d'IFCS.

La proportion d'articles écrits à un seul auteur par rapport à plusieurs auteurs est assez proche (respectivement f = 43 % et f = 57 %). Dans la catégorie d'écrits mono-auteurs, dans un ordre décroissant se retrouvent les cadres de santé d'unités de soins (f = 40 %), les cadres supérieurs hospitaliers (f = 34 %), puis à égalité les cadres supérieurs d'IFCS et la cadres formateurs d'IFPM (f = 13 %). Pour ces derniers, les articles concernent des travaux de recherche.

En majorité, les articles où apparaissent les cadres de santé de proximité sont co-écrits (f = 83 %), les co-auteurs pouvant être variés : médecins, cadres supérieurs, responsables de projets, psychologues, infirmiers, directeurs des soins... Dans 40 % des cas le cadre paramédical est placé en qualité d'auteur principal, avec par ordre décroissant les cadres de santé d'unités de soins (f = 63 %), les cadres supérieurs hospitaliers (f = 25 %), puis les cadres supérieurs d'IFPM (f = 12 %). Dans le cadre de la co-écriture, les auteurs se regroupent principalement par appartenance de services, autour d'un projet d'équipe ou d'une thématique commune.

D'un point de vue du genre, en ne considérant ici que les cadres des trois catégories ayant écrit plusieurs articles, se retrouvent une préséance féminine occurrente à la forte féminisation des professions paramédicales, soit pour les directeurs des soins 60 % d'auteures femmes, pour les cadres supérieurs de santé 75 % d'auteures femmes et pour les cadres de santé 59 % d'auteures femmes.

Un autre marqueur est la prédominance des auteurs appartenant à l'AP-HP (Cf. Fig. 3), qui avec ses 39 hôpitaux publics, représente un fort potentiel et qui manifestement développe une culture scripturale au sein de son encadrement.

Gestions hospitalières comporte plusieurs rubriques (réflexion, jurisanté, expérience...) ainsi qu'un dossier thématique. La lecture des articles a permis de dégager des thématiques récurrentes (Cf. Fig. 4), où se retrouvent en tête de liste le management et la qualité des soins, deux sujets en phase avec l'orientation de la revue.

Soins cadres : « La revue des directeurs des soins et des cadres de santé (4) »

Cette revue existe depuis 1992. A ce jour 8 numéros par an sont publiés. Si l'on se réfère au nom de la revue, le construit sémantique « Soins cadres » semble cibler les soins et les cadres. Cette association lexicale peut être comprise, soit comme en lien avec la pratique soignante et dans ce cas davantage en prise avec l'encadrement en structures de soins, soit dans un sens large incluant tout ce qui touche aux soins. Le slogan « La revue des directeurs des soins et des cadres de santé » permet de préciser le public cible, à savoir la filière hiérarchique paramédicale. En effet, les résultats de notre étude corroborent ce ciblage (Cf. Tableau. 1) avec une dominance des auteurs directeurs des soins (f = 24 %), proche du nombre de productions des cadres de santé des services de soins (f = 22 %). Viennent ensuite les cadres formateurs en IFPM (f = 14 %), puis les cadres supérieurs des établissements de santé (f = 13 %), ainsi que les cadres supérieurs formateurs en IFCS (f = 12 %). Pour cette dernière catégorie, ce chiffre est à nuancer par le fait que deux auteurs écrivent très régulièrement dans la revue, ce qui réduit la diversité des auteurs. Directeurs et cadres supérieurs d'IFPM (respectivement f = 8 % et f = 5 %) apportent également une contribution considérable en regard de leur effectif réel bien moindre. Enfin, 2 articles sur les 3 années considérées émanent des directeurs d'IFCS (f = 1 %).

Ce tableau permet de visualiser un total de 192 articles, bien plus représentatif quantitativement que les 29 articles repérés sur la même durée au niveau de la revue Gestions hospitalières. L'histogramme (Fig. 5) permet d'appréhender l'évolution du nombre d'articles publiés pour les catégories professionnelles d'auteurs qui publient majoritairement dans la revue Soins cadres. Nous avons ajouté une projection hypothétique sur l'année 2020 comportant 8 numéros de la revue, basé sur le nombre d'auteurs ayant publié sur les 5 premiers numéros de 2020.

Cet histogramme met en lumière, après une constance sur 2018-2019, une baisse de la production écrite des directeurs de soins et des cadres de santé de proximité. Le présent article ne prétend pas analyser les causes des évolutions des productions écrites, nous soulignerons simplement que sur 2020, la crise sanitaire a pu impacter la disponibilité de ces deux catégories professionnelles pour les recentrer sur des activités plus organisationnelles que scripturales. A contrario, les productions des cadres supérieurs progressent doucement (sauf celles des cadres formateurs d'IFCS), tandis que celles des médecins sont en hausse remarquable. Les juristes prennent de l'envergure notamment grâce à des rubriques où ils occupent une posture d'experts. Dans le domaine de la formation, se remarque une montée en puissance de l'apport de formateurs extérieurs aux IFPM, consultants, membres d'un organisme de formation ou encore ingénieurs pédagogiques. En ce qui concerne les directeurs et les universitaires, qui sont des fers de lances de la revue Gestions hospitalières (169 articles pour les directeurs et 44 pour les universitaires), au niveau de Soins cadres leur contribution n'est pas négligeable (21 articles pour les directeurs et 21 pour les universitaires) mais arrive bien après la contribution de l'ensemble des membres de l'encadrement paramédical (192 articles).

Contrairement à la revue Gestions hospitalières, dans Soins cadres les articles sont écrits en majorité par un seul auteur (f = 65 %). Les mono-auteurs principaux sont par ordre décroissant les cadres de santé de proximité (f = 26 %) et les directeurs des soins (f = 25 %). Viennent ensuite les cadres supérieurs d'IFCS (23 %). Enfin dans ce classement apparaissent les cadres supérieurs des services de soins à égalité avec les cadres formateurs d'IFPM (f = 12 %). En ce qui concerne les manuscrits co-écrits (f = 35 %), on retrouve principalement les directeurs de soins (f = 23 %), les cadres de santé et les cadres d'IFPM à égalité (f = 18 %). Si quelques articles sont écrits au sein d'équipes pluridisciplinaires, un nombre non négligeable d'articles est écrit entre pairs, souvent en binôme (2 directeurs des soins, 2 cadres de santé, 2 cadres supérieurs ou 2 cadres formateurs en IFPM). Notons que sur près de 3 ans, 1 seul article est co-écrit avec des étudiants en soins infirmiers (ESI), comprenant en auteur principal un cadre formateur d'IFPM puis 2 ESI, le sujet étant la qualité de vie en formation.

Au niveau de la répartition de genre, les résultats de cette étude pointe une parité d'auteurs pour les cadres supérieurs d'IFPM ou d'IFCS, une légère prédominance féminine pour les cadres supérieurs des services de soins (♀ : f =  60 % ; ♂ : f = 40 %) et les directeurs des soins (♀ : f =  61 % ; ♂ : f = 39 %), puis plus importante pour les cadres formateurs d'IFPM (♀ : f =  78 % ; ♂ : f = 22 %). Le maximum de disparité concerne les cadres de santé des services de soins (♀ : f =  83 % ; ♂ : f = 17 %).

En termes de lieux d'exercice des auteurs membres de l'encadrement paramédical, il existe une belle diversité mais nous ne présenterons ici que les plus représentatifs (Cf. Fig. 6).

Les cadres exerçant au sein de centres hospitaliers universitaires sont les plus représentés (convergeant avec les résultats constatés pour Gestion hospitalières). La grande différence entre les deux revues vient du fait d'une réelle représentativité des cadres exerçant dans le domaine de la formation. Soins cadres apparait comme une revue mixte, alliant l'encadrement hospitalier et celui des IFPM.

Concernant l'analyse thématique, précisons en premier lieu que Soins cadres comporte deux grandes rubriques : un dossier thématique et une rubrique « savoirs et pratiques ». La lecture des articles a permis de dégager deux thématiques récurrentes (Cf. Fig. 7), dont le management qui se détache largement des autres thématiques. La formation se place en seconde position, reflet logique de la contribution des auteurs issus du champ de la formation. Les autres thématiques sont loin derrière en volume d'articles. Les articles portant sur la recherche sont concentrés au sein d'un seul numéro dont le dossier titre « Impulser une dynamique de recherche ». Ils proviennent d'auteurs de CHU. Par ailleurs, 1 article co-écrit par deux cadres de santé formateurs en IFSI concerne la recherche en formation.

Objectif Soins & Management

« La référence des cadres de santé ! Objectif Soins & Management est le rendez-vous bimestriel pour maîtriser les outils et les enjeux de l'organisation des soins » (5).

Objectif Soins & Management (OSM) existe depuis novembre 1991. A ce jour, 6 numéros plus 1 hors-série sont publiés chaque année. On peut donc s'attendre théoriquement à une quantité plus faible d'auteurs en regard du volume du nombre de numéros publiés. Examinons maintenant le titre de la revue. Il indique, en utilisant la conjonction de coordination « et » dans le construit sémantique « Soins et management », un ciblage interfacial entre ces deux thématiques. Le slogan qui accompagne le marketing de la revue est précis, le public cible est celui des cadres de santé. Plus encore, avec l'ajout de « maîtriser les outils et les enjeux de l'organisation des soins », le ciblage semble préférentiellement destiné aux cadres de santé des services de soins. Notre étude permet plutôt d'établir une légère prédominance des auteurs cadres de santé formateurs d'IFPM (f = 17 %) sur les cadres de santé de proximité (f = 16 %), qui forment les deux catégories principales d'auteurs représentées dans OSM. Le diagramme en secteurs (Fig. 8) met en lumière une pluralité de catégories d'auteurs bien plus diversifiée que pour les deux autres revues investiguées. Ce constat est en partie à mettre en lien avec les rubriques variées de cette revue, qui outre un dossier thématique, propose des rubriques faisant appel à des experts « économie de la santé » (économistes), rubrique « droit » (juristes, dont l'un est issu de la filière infirmière), rubrique « éthique » (philosophes)...

Si l'on porte la focale sur les auteurs paramédicaux (Cf. Tableau 2), les cadres formateurs d'IFPM se classent effectivement en tête (f = 31 %), devant les cadres de santé des services de soins (f = 29 %). En regard de leurs effectifs inférieurs aux cadres, le rendement des cadres supérieurs hospitaliers et directeurs d'IFPM est considérable (respectivement f = 11 % et f = 5 %). Les directeurs de soins apparaissent moins présents dans OSM que dans Soins cadres où ils occupent la première place du nombre d'articles publiés. Ici nous les retrouvons en 5e position (f = 9 %). Les cadres supérieurs d'IFCS sont quasi-inexistants (f = 1,5 %).

Ce tableau permet de visualiser un total de 154 articles pour 19 numéros de la revue (dont 2 hors-séries). Ramené à 21 numéros pour comparer à Soins Cadres, le nombre d'articles reste inférieur aux 192 articles de cette dernière revue. Lissé sur 3 années, il semble que le volume d'écrits était plus conséquent en 2018 et qu'il tend à diminuer au fil des années, même si pour 2020 une reprise du nombre d'articles publiés est constatée pour les cadres formateurs d'IFPM et pour les cadres supérieurs hospitaliers. Là encore, notre propos n'est pas de poser des hypothèses sur cette diminution, bien que la crise sanitaire ait probablement détourné les auteurs de leur plume. Cependant, les rédactions de revues professionnelles pressentent une reprise du fait qu'elles sont actuellement sollicitées par les auteurs qui souhaitent notamment partager leur vécu expérientiel de cette période Covid19.

A l'identique de la revue Soins cadres, se retrouve dans OSM une majorité d'articles d'un seul auteur (f = 59 %), principalement écrits par les cadres de santé de proximité (f = 47 %). Viennent ensuite les cadres supérieurs (f = 16 %), proches quantitativement des cadres formateurs et des cadres supérieurs d'IFPM (f = 14 %). Au niveau de la co-écriture, un regroupement de pairs est le plus souvent la règle. Il semble notamment se pérenniser un travail scriptural d'équipe au niveau des IFPM, à plusieurs formateurs, en collaboration entre cadres formateurs et cadres supérieurs d'IFPM et même entre cadres formateurs et ESI (2 articles repérés, dont 1 portant sur la formation et l'autre sur la recherche en formation). Certes, le nombre d'articles incluant des auteurs ESI reste très faible, mais ils sont nombreux à participer puisque pour l'un des articles ils sont 7 ESI (en premiers auteurs) suivi d'un cadre formateur, alors que pour l'autre article ils sont 5 ESI en suivant les 2 auteurs principaux (cadres formateurs).

Au niveau de la répartition de genre, les résultats de cette étude montre une prédominance du genre féminin chez les auteurs cadres formateurs d'IFPM (♀ : f = 76,5 %, ♂ : f = 23,5 %) ainsi que chez les cadres de santé des services de soins (♀ : f = 77,5 %, ♂ : f = 22,5 %). Cette composante est également présente pour les autres catégories professionnelles, mais moins prononcée. Par ordre décroissant de prédominance féminine se retrouvent les cadres supérieurs d'IFPM (♀ : f = 66,5 %, ♂ : f = 33,5 %), les cadres supérieurs hospitaliers et les directeurs de soins (♀ : f = 62,5 %, ♂ : f = 37, 5,5 %).

En termes de provenance des auteurs membres de l'encadrement paramédical, nous n'avons pu saisir qu'une tendance (Cf. Fig. 9), du fait que parfois les lieux d'exercice des auteurs ne sont pas indiqués. Compte-tenu de la prédominance des auteurs formateurs d'IFPM, il est logique que les IFPM (très majoritairement les IFSI) constituent le lieu d'exercice phare des auteurs de la revue Objectif Soins & Management. Se retrouvent en suivant les CHU-CHRU, puis les CH, l'AP-HP et les établissements privés. A noter que les IFCS sont absents.

Examinons maintenant les thématiques principales traitées par les auteurs issus de l'encadrement paramédical (Cf. Fig. 10). En cohérence avec les résultats déjà exposés, la formation constitue la thématique phare d'OSM. Si le management arrive en seconde position, la grande surprise est l'omniprésence de la recherche dans cette revue, avec une prédominance de la recherche en formation (12 articles !) et quelques articles de recherches variés (PHRIP, enquête en réanimation, recherche en management...). Objectif Soins & Management se démarque ici des deux autres revues analysées avec une indéniable dimension scientifique adossée aux sciences infirmières, ainsi qu'à la recherche en formation. Se retrouvent ensuite des thématiques classiques telles que les soins, la qualité des soins, la conduite de projet, la QVT. La thématique « Fonction cadre », si elle parait bien représentée, est à replacer dans le contexte d'un dossier ponctuel. Par contre, il faut souligner une thématique originale : la sémantique. Cette rubrique régulière, nourrit par un cadre de santé, est convergente avec des articles consacrés à la recherche et apporte une plus-value en termes de scientificité.

Analyse croisée des 3 revues

Notre étude constitue un focus. Elle ne prétend pas à des généralités mais permet néanmoins de dégager des tendances qui permettent de mieux dresser le profil des 3 revues analysées et de la représentativité des cadres qui y publient. En synthèse, en termes d'auteurs issus de l'encadrement paramédical, si l'on additionne les contributions des auteurs pour les 3 revues, les cadres de santé de proximité sont de loin les plus nombreux avec 117 articles (Cf. Fig. 11). Les formateurs d'IFPM arrivent en seconde position. Bien que moins nombreux, en proportion, il faut considérer les cadres de santé des IFPM comme un très fort potentiel contributif à la production et à la diffusion des écrits professionnels et donc au développement des sciences infirmières en France. En troisième position arrivent les directeurs de soins mais leur contribution n'est pas homogène sur l'ensemble des revues. Les cadres supérieurs des services de soins sont également actifs compte-tenu de leur effectif global. Leurs homologues formateurs (IFPM ET IFCS) encore moins nombreux, participent eux-aussi à la diffusion scripturale, tout autant que les directeurs d'IFPM. Seuls les directeurs d'IFCS se trouvent en retrait.

Si l'on compare la représentativité des auteurs de l'encadrement paramédical sur les 3 revues analysées, l'histogramme (Cf. Fig. 12) permet de parfaitement visualiser des similitudes et des divergences. En ce qui concerne les directeurs des soins, c'est dans Soins cadres que leur représentativité est la plus forte, de très loin. Cet état de fait corrobore l'objectif de la dite revue, être la référence des directeurs des soins. Par ailleurs, la représentativité des cadres de santé des services de soins est la plus exprimée au niveau d'Objectifs Soins & Management et de Soins cadres, puis dans une moindre mesure dans Gestions hospitalières. Au niveau de la formation, la représentativité des cadres de santé formateurs est vraiment plus marquée en regard de la revue Objectifs Soins & Management. Soins cadres arrive légèrement en retrait, sauf si l'on considère l'apport des directeurs d'IFPM qui y est supérieure. Pour la formation des cadres de santé, c'est actuellement au sein de Soins cadres que la représentativité des cadres formateurs d'IFCS et des directeurs d'IFCS est la plus forte. Inutile de chercher le domaine de la formation au niveau de Gestions hospitalières qui, comme nous l'avons indiqué, est une revue consacrée à la gestion. En ce qui concerne les cadres supérieurs, la répartition des publications est assez homogène entre les 3 revues, avec une représentativité prévalente dans Soins cadres.

Nous avons repéré quelques thématiques phares que nous comparons entre les 3 revues (Cf. Fig. 13). La revue Gestions hospitalières apparait finalement moins spécifique en management que ces deux homologues, Soins cadres dominant en nombre d'articles cette thématique. Pour la formation, alors que le graphique montre une quasi-équivalence, en réalité le nombre d'auteurs cadres formateurs en IFPM est bien supérieure dans OSM (47 auteurs) que dans Soins cadres (27 auteurs). Objectif Soins & Management semble tendre à devenir la revue d'élection la plus représentative en ce qui concerne la formation initiale infirmière, d'autant que nous l'avons vu et que le graphique le confirme, la recherche en formation se développe sensiblement au sein de cette revue. A contrario, et c'est là que l'équilibre en nombre d'articles se réalise entre Soins cadres et Objectif Soins & Management, les équipes pédagogiques d'IFCS sont plus exclusives et publient majoritairement dans Soins cadres. Soins cadres apparait donc comme la revue représentative de l'encadrement de la formation des cadres de santé.

En quête d'émancipation ?

Cette étude semble montrer une limite dans la représentativité des cadres de santé en regard du rôle décisionnaire, au sens politique du terme. Leur faible représentativité dans Gestions hospitalières en atteste. A l'étranger, là où les sciences infirmières sont instituées, se développe le leadership infirmier. Ce leadership, pour les infirmiers, tend à « hausser la barre de leur pratique afin de considérer les soins infirmiers non seulement comme une série d'actes de soin scientifique qui peuvent changer la vie d'une personne, mais aussi comme un engagement de toute une vie envers l'intervention politique qui peut changer le système (6). ». Dans le contexte de développement des connaissances en sciences infirmières, l'un des modes de développement et d'utilisation du savoir infirmier est nommé mode sociopolitique ou émancipatoire. Les professionnels soignants, de par leur proximité et leur connaissance expérientielle des personnes, de leurs familles ainsi que des milieux communautaires, jouent un rôle social majeur. De fait, la corporation infirmière, incluant son encadrement, se doit de participer « à la formulation politique [...] Le savoir sociopolitique s'acquiert par la discussion publique, les forums et l'engagement politique (7) ». Le mode émancipatoire implique non plus une position professionnelle en retrait des décideurs, mais une posture comportant une réflexion critique et l'action pour le changement vers « un futur qui soutient la santé pour tous (8) ». Il est donc essentiel que dans l'avenir les cadres paramédicaux s'autorisent davantage à publier dans l'ensemble des revues, d'une part pour parer aux silos de lectorat ciblés par les éditeurs et pour s'affirmer comme des décideurs à part entière.

En ce qui concerne la recherche infirmière, chaque revue publie ponctuellement quelques articles. Il manque à notre sens un chaînon entre les articles scientifiques, difficiles à écrire et à publier, et les articles professionnels. Il serait bienvenu de solliciter des auteurs de vulgarisation des sciences infirmières, que ce soit en lien avec les modèles de pensée infirmière, la méthodologie de recherche, l'approche conceptuelle et sémantique (A l'instar de la rubrique d'Objectif Soins & Management)... De même, les revues devraient encourager les cadres de santé à proposer des retours d'expériences de recherches, que ce soit en milieu clinique ou en milieu de formation de 1er ou 2e cycle. Il n'est pas nécessaire d'avoir le même niveau d'exigence qu'une revue scientifique en regard des recherches réalisées. Nous évoquons ici l'avènement progressif d'une culture scientifique. Pour revenir au leadership infirmier, il est évident que de plus en plus il passe « par la réalisation de travaux de recherche et une publication régulière dans les revues professionnelles et/ou scientifiques. Le leadership infirmier se veut une source d'inspiration pour développer la soif d'apprendre, les compétences et l'engagement professionnel (9) ». Dans cette optique, notre étude souligne la longueur d'avance prise par Objectif Soins & Management en ce qui concerne la recherche en formation, qui nous le souhaitons, deviendra une rubrique à part entière concordante avec la représentativité des cadres formateurs qui y écrivent régulièrement.

(1) Soyer, L. et Tanda, N. (2016). La revue de littérature en recherche infirmière. Objectif Soins et Management, (243), 47-„53. P. 48.

(2) Tanda-Soyer, N., Eymard, C. et Alderson, M. (2014). État des lieux de l'initiation à la recherche en formation initiale en soins infirmiers : recherche et professionnalisation. Recherche en soins infirmiers, (116), 70-80. https://doi.org/10.3917/rsi.116.0070. P. 75.

(3) Soyer, L. et Tanda, N. (2015). Initiation à la démarche de recherche. Traitement des données. Unité d'enseignement 3.4 et 5.6. Semestre 4 et 6. Vuibert. https://www.vuibert.fr/system/files/ressources/fichier/2016/600/9782311201635_initiation-demarche-de-recherche_qcm-entrainements.pdf

(4) Soins Cadres : https://www.em-consulte.com/revue/SCAD/presentation/soins-cadres

(5) Objectif Soins & Management : https://www.espaceinfirmier.fr/presse/objectif-soins-et-management/presentation.html

(6) Association des Infirmières et Infirmiers du Canada (AIIC). (2009). Le leadership de la profession infirmière. Enoncé de position. https://cna-aiic.ca/-/media/cna/page-content/pdf-fr/le-leadership-de-la-profession-infirmiere_enonce-de-position.pdf?la=fr&hash=60CA27CE196216DA2F834EB72D5F360C8A3751A7. P. 1

(7) Pepin, J., Kerouac, S. et Ducharme, F. (2010). La pensée infirmière. Chenelière éducation. P. 21.

(8) Pepin, J., Kerouac, S. et Ducharme, F. (2010). La pensée infirmière. Chenelière éducation. P. 21.

(9) Soyer, L. et Tanda, N. (2015). Initiation à la démarche de recherche. Traitement des données. Unité d'enseignement 3.4 et 5.6. Semestre 4 et 6. Vuibert. P. 22.