Se préparer à l'inconnu en service de réanimation - Objectif Soins & Management n° 276 du 01/09/2020 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 276 du 01/09/2020

 

Promotion de la santé

Dossier

Rachel Lutz-Guiche  

L'épidémie de COVID-19 a nécessité de la part du service de réanimation des adaptations rapides et anticipatives. L'exposition des soignants paramédicaux et médicaux au risque infectieux est avérée, notamment lors des prises en soins à risque d'aérosolisation(1). En regard de ces risques, les locaux et les équipements de protection individuelle (EPI) ont dû être adaptés et les soignants être formés et entrainés à leur utilisation et à la reconfiguration rapide du service. La prise en charge de patients COVID-19 est complexe et l'éventuelle pénurie des ressources (RH, DM, logistique, pharmacie, matériels biomédicaux...) a dû être également anticipée.

Cet article a pour objectif de résumer les répercussions de l'épidémie COVID-19 sur le service de réanimation en mettant l'accent sur les impacts directs sur nos pratiques et sur les stratégies qui ont été anticipées, en cohérence avec le plan d'action dicté par la cellule de crise. Un réel challenge pour le Cadre de Santé de réanimation : préparer le service de réanimation face à l'épidémie Covid-19 et gérer les incertitudes.

En amont du contexte de l'alerte internationale liée au nouveau Coronavirus « SARS-CoV-2 », et de la mobilisation du système de santé par le Ministère des solidarités et de la santé pour faire face à cette épidémie dans le cadre du plan ORSAN REB, le service de réanimation a décidé de s'organiser dès les premiers clusters de Contamine Monjoie et de la Balme de Sillingy pour assurer la prise en charge des patients « cas suspects » et « cas confirmés ». Il était prévisible que le nombre de cas au niveau de notre département et la dissémination du virus allaient augmenter. L'anticipation et la planification du service de réanimation a été immédiate afin de s'y préparer plus que jamais.

Ma fonction de cadre de santé (CDS) du service de réanimation du CHAL et ma formation en Mastère spécialisé gestion des risques et menaces NRBCE, m'ont permis de mettre en application de nouveaux savoirs et de considérer cette épidémie dans un contexte de menace biologique en s'inspirant de la doctrine NRBCE. Cette doctrine issue du monde militaire et de la médecine tactique est d'assurer la mise en œuvre effective de mesures particulières de sécurité, c'est-à-dire de protéger, sécuriser l'action des soignants avec des moyens de protection, afin de réduire le risque d'exposition ; d'isoler la source (les patients infectés), réhabiliter l'environnement. Cette doctrine permet également d'assurer la continuité des soins, indispensable, tout en assurant un risque de non contamination des personnels et d'éviter une escalade d'une épidémie non contrôlée par la mise en place d'une sectorisation.

Anticipation et définition d'une stratégie du service de réanimation

La stratégie initiée par le binôme médecin chef du service et le CDS a été d'empêcher l'introduction et la propagation du virus au sein du service tout en offrant une qualité des soins (ALS : advanced live support) identique au quotidien. Les points clés abordés ont été :

La réorganisation du service

• En appliquant la doctrine NRBCE, afin d'assurer la prise en charge des patients atteints du Covid-19 tout en préservant les patients non Covid ;

• En gardant au quotidien des repères tout en navigant dans l'incertitude ;

• En assurant la qualité et la robustesse du dispositif ;

• En endiguant la propagation du virus par la mise en œuvre des mesures de biosécurité requises par le patient et la transmission interhumaine patients et soignants. (Sectorisation et protection des personnels médicaux soignants) ;

• En répondant aux besoins capacitaires en regard des besoins sanitaires du territoire (capacité en lits de réanimation, en personnels et en moyens logistiques) afin de faire face à une montée en puissance graduée et structurée ;

• En prenant en compte les contraintes logistique et technique, et en proposant une astreinte des services supports (technique, logistique, biomédical, hygiène).

La mobilisation de tous les acteurs du système de santé

• En assurant la qualité de la réponse par une coordination adaptée des différents acteurs fondée sur un travail de préparation effectué en amont ;

• En favorisant l'entrainement, le conditionnement des esprits aux difficultés prévisibles :

– Pérennisation du système dans le temps ;

– Communication adaptée, information et accompagnement des personnels ;

– Formation adaptée pour les professionnels de santé ;

– Préservation du lien patients et familles.

Organisation et impact sur les soignants

La stratégie managériale

Il a été important de communiquer, expliquer aux professionnels de santé les principales lignes directrices de notre stratégie afin qu'ils adhèrent aux mesures mises en place et prévenir ainsi tout risque de panique et de stress. Un accompagnement psychologique de tout instant a été réalisé par le binôme CDS/Médecin chef de service auprès des professionnels paramédicaux et médicaux afin de les préparer à la crise. Les mesures de protection citées plus haut ont permis aux personnels médicaux soignants de se sentir en sécurité tout au long du processus de prise en charge des patients et ainsi de prévenir les transmissions secondaires, mais surtout de permettre à tous de travailler dans un environnement adapté et sécuritaire.

En effet le service a dû faire face à une montée en puissance des ressources humaines. Le nombre de professionnels a été adapté en fonction de la montée en charge des patients, en se rapprochant des recommandations de l'ARS, soit 6 IDE pour 16 patients + 1 IDE Technique, 6 AS pour 16 patients. Des formations continues ont été effectuées.

Dans le cadre d'un management opérationnel, il devenait nécessaire que le CDS « expert » NRBCE soit au plus près des équipes, sur le terrain, au coeur des opérations afin de garantir la mise en œuvre de la stratégie opérationnelle, fixant ainsi les objectifs intermédiaires et secondaires et organisant les priorités de fonctionnement. Le CDS expert SSE a également interpellé la Direction des Soins Infirmiers pour bénéficier d'un renfort managérial de manière à asseoir la gestion chronophage des ressources humaines en augmentation. Pour les équipes de terrain, le CDS a également demandé un appui pour les équipes dans la gestion des produits pharmaceutiques, des dispositifs médicaux, de la logistique détachant ainsi les professionnels clefs au sein de leur coeur de métier. Une des missions principales a été d'éviter les effets-tunnels, le rappel des bonnes pratiques concernant l'habillage en zone Covid+, ainsi que les mesures barrières, etc.

Pour mener à bien ces missions, il a fallu faire preuve d'agilité, d'adaptabilité et organiser une communication transverse au sein du service et avec les services supports. Ceux-ci ont été d'un appui précieux. Il a fallu :

• Lister l'ensemble des moyens utiles au fonctionnement : les lits, les matériels médicaux, biologiques, logistiques.

• Organiser la distribution des moyens à partir de la durée prévisible d'hospitalisation, les prévisions de flux, et les modélisations d'optimisation des lits et moyens lourds.

• Travailler en évaluant les points de rupture et innover pour la recherche de nouvelles solutions. 

• Apporter un soutien psychologique pour l'ensemble du personnel afin de monitorer l'état de fatigue des équipes.

L'appui du CDS RH a permis la gestion et la réalisation complémentaire du planning grâce à l'anticipation par le CDS opérationnel des besoins en personnel, mais aussi l'accueil des étudiants impliqués et inclus dans le planning. Le CDS RH a pu remettre au fil de l'eau les badges aux nouveaux intervenants, gérer la mise à disposition des vestiaires, demander les codes d'accès aux logiciels du service, recueillir les tableaux de bord de suivi des diverses activités remontées par le CDS opérationnel. Il a été important de créer et établir de nouveaux plannings adaptés aux scénarii décidés et agrémentés de nouvelles lignes, nouveaux personnels. Les lignes médicales ont également été dédoublées pour garantir l'efficacité du dispositif et la qualité et la sécurité des prises en charge, ainsi que d'éviter, autant que possible, la fatigabilité, l'épuisement et la charge mentale.

Nous avons choisi de façon réfléchie de ne pas disperser les compétences de réanimation dans les services d'extension et de privilégier la réanimation historique comme un lieu d'accueil des malades Covid les plus graves et les plus « techniqués ». Cela a permis également d'accueillir au début de la crise sanitaire de nouveaux professionnels (anciens infirmiers de réanimation, anciennes compétences de réanimation < à 3-4 ans, infirmiers spécialisés volontaires, intérimaires aguerris en réanimation) et de permettre ainsi un accompagnement fort avant de pouvoir les dispatcher dans les secteurs Covid d'extension.

Nous avons également préservé l'infirmier technique afin qu'il puisse être un support pour les équipes moins aguerries. Il en a été de même pour les équipes médicales, le concept ayant été démontré au sein du système sanitaire militaire. En contrepartie, et en raison de ce choix, le service de réanimation historique a pris le parti de prendre/rapatrier les patients les plus graves (dialyse, NO...), les plus « techniqués » et instables.

Cette organisation a permis une adhésion sans faille des équipes face à cette crise sanitaire. Elle a également permis d'éviter la confusion, le chaos tout en naviguant dans une certaine incertitude. Cette organisation a permis de maitriser notre anxiété, d'apprendre à dompter les risques, de se préparer à la confrontation tout en évitant la panique. Cela a également permis d'éviter la submersion, l'extension au sein même de la structure d'une paralysie rapide, ainsi que la capacité à prodiguer efficacement les soins. Il a été nécessaire de prendre conscience des risques posés par la pandémie en améliorant les mesures et procédures pré existantes, en faisant preuve de créativité tout en contenant les règles de bonnes pratiques.

Le soutien aux équipes

Le but de la mise en œuvre des mesures de soutien était d'anticiper et prévenir un risque d'absentéisme des soignants difficilement remplaçables. Le service a souhaité au départ fonctionner avec des soignants formés à la réanimation tout en assurant progressivement la formation de nouveaux soignants injectés dans le système afin de préserver le plus longtemps possible le travail proche du quotidien. Un accueil régulier de nouveaux professionnels a été réalisé pour anticiper le manque potentiel de ressources humaines et assurer la montée en compétences pérenne et bienveillante dans un secteur à compétences spécifiques, encore plus en période de crise REB. Pour y parvenir, les mesures suivantes ont été mises en place :

• La conception et la réalisation d'un livret évolutif des procédures de prises en charge de patients covid19 : les procédures comme l'habillage/déshabillage, la décontamination des locaux et surfaces, les procédures de gestion des DASRI, des prélèvements biologiques, la gestion des urines et des excrétas, la prise en charge des décès ... y ont été abordées ;

• La réalisation de staffs paramédicaux 2 fois par jour, chaque jour : équipe de jour et équipe de nuit pour assurer un accompagnement et un soutien des personnels en poste et répondre à leurs interrogations et inquiétudes. Le staff a permis de revoir les procédures en cas d'incompréhension et de réajustement ;

• La mise à disposition d'un soutien psychologique par une cellule de psychologues disponibles 24 h/24 en cas de besoin ;

• La mise en place d'un questionnaire de recueil journalier de la qualité de vie au travail (bien être, fatigabilité) ainsi qu'un suivi et un reporting ;

• Une salle de détente et de repas ont été installées dans la zone de soutien du service afin de permettre au personnel de se ravitailler et de se reposer non loin de leur lieu d'exercice. Les repas ont été fournis et livrés dans le service. Des chambres ont été mises à disposition dans le bâtiment support et au sein d'un hôtel de proximité du CH.

Soutien aux familles et aux patients

• Maintien du lien patient-famille

Malgré la sectorisation et les mesures barrières, il était nécessaire de maintenir le lien patient famille :

– Un livret de vie du patient élaboré par les soignants ;

– Une adresse mail information-famille ;

– Prise de photographies ;

– Vidéo sur Skype à l'aide de tablettes informatiques ;

• Soutien des patients.

Il était nécessaire également de maintenir le « bien-être » des patients, ce qui a été fait par l'utilisation de la musicothérapie et de la pratique de l'hypnose.

Accompagnement et stratégie de déconfinement

La préparation des équipes au déconfinement est une phase importante en termes d'accompagnement dans le retour à l'équilibre. Accompagner et garder les conditions de continuité conviviale et sereine est primordial. En effet, cette période de baisse d'activité, de phase descendante de la crise est propice aux erreurs, en lien avec la baisse de vigilance des équipes.

• SAS et secteurs laissés en place ont permis de recréer au fur et mesure de la décroissance de la crise sanitaire des zones de patients Covid+ et non Covid ;

• Maintien du binôme IDE/AS dédiée à la zone Covid et non Covid ;

• Maintien et accompagnement des EPI dans les différentes zones Covid et non Covid ;

• Réponses aux questionnements et aux préoccupations sur les effets de la pandémie sur les services de réanimation ;

• Accompagnement des équipes dans le retour à l'équilibre, prévention et maintien du cap à venir, gestion des incertitudes ;

• Se préparer et préparer les équipes à affronter dans les mois à venir les répliques du tsunami sanitaire exceptionnel ainsi que les effets indirects de l'attention intense face aux soins engendrés par l'épidémie du COVID-19 ;

• Maintien de la persévérance et de la flexibilité ;

• Proposition d'un bilan d'activité post confinement et intégration dans la démarche institutionnelle un retour d'expérience (RETEX), mais aussi réinvestissement du temps dans la formation, la recherche médicale et paramédicale ;

• Détermination d'un nouveau cap collectif et individuel à moyen terme, proposer des perspectives de changements et de nouveaux modes de coopération en lien avec la démarche qualité et la DSI.

La posture managériale consistera à favoriser les conditions d'une reprise sereine grâce au partage émotionnel, à l'écoute bienveillante et active, rester humble et savoir accueillir avec humanité, rassurer et valoriser le travail et l'investissement accomplis, rester disponible pour les échanges impromptus et veiller aux perspectives de résilience individuelle et collective.

Cette résilience en devenir est accompagnée entre autres par :

• La réalisation d'un film vidéo retraçant de la vie du service tout au long de la période Covid

• Des photographies retraçant les étapes de préparation du service face à la pandémie

• La création d'un poster retraçant les remerciements des familles, des témoignages spontanés envers les personnels

• La création par les personnels de remerciements personnalisés pour les enseignes, artisans, particuliers ayant contribué au maintien du moral des troupes de par leurs dons et actions bienfaitrices

• L'apparition tout au long de la crise de photos issues de créations personnalisées des personnels

• La création d'une cagnotte pour le service de réanimation.

Résultats

Les résultats de cette stratégie sont positifs et nous confortent dans les choix qui ont été faits :

• L'absence de contamination croisée, d'infections nosocomiales en lien avec l'épidémie a permis de renforcer ce sentiment de sécurité.

• Un taux de mortalité < à 3% durant la période globale de l'épidémie ;

• L'absence d'arrêt de maladie, la maitrise de la fatigabilité, une ambiance quotidienne préservée font penser que l'incidence psychologique est quasi nulle ;

• La fierté des équipes qui ont vu leur service être le fer de lance d'une organisation face à une crise sans précédent et qui a été dupliquée au sein des services d'extension de réanimation ;

• Le renforcement de la cohésion des équipes ;

• La fierté des équipes sur le retour des familles (mots d'attention, dessins, nourriture...) ;

• La visite cordiale et inopinée du Dr CHABROL, Directeur des opérations de Médecins sans frontières, expérimenté dans les terrains sanitaires difficiles (EBOLA, Fièvres hémorragiques...), qui a conforté notre dispositif, la doctrine mise en place et reconnu la compétence de tous ;

• La confiance, la transparence, l'agilité et le pragmatisme, la souplesse et l'ajustement du binôme CDS-Médecin Chef de service dans l'accompagnement des équipes ont permis l'efficacité du dispositif (mots d'attention et verbalisations spontanés des équipes) dans ce cercle vertueux. En effet le concept a été adopté et suivi par les équipes avec une adhésion sans faille. L'équipe s'est sentie en sécurité ;

• La capacité multipliée par 3,5 du service de réanimation historique sans avoir subi de débordement et de rupture.

Bilan et perspectives

L'appropriation de la doctrine proposée par le CDS opérationnel aux professionnels paramédicaux et médicaux de terrain a permis de répondre en toute quiétude au besoin sanitaire exceptionnel et d'affronter l'épidémie Covid-19. Si les dirigeants de la communauté hospitalière ne sont pas encore aguerris à ce concept, il n'en demeure pas moins que les clés de la réussite résident dans la mise en place d'une politique globale de préparation, de planification, d'anticipation intégrée dans le projet d'établissement et déclinée dans tous les axes stratégiques de la politique managériale. Il est plus que jamais nécessaire d'être vigilant. Il convient de considérer la menace biologique comme une réelle menace NRBCE. Ce qui fait écho à la démarche d'accompagnement des établissements du territoire proposé par l'ARS depuis 2019.

En regard d'un environnement instable et d'une règlementation structurante, il s'agit de se préparer face à ce risque et d'y répondre. Les interrogations initiales sur la préparation des établissements de santé, leur potentielle structuration face à leur coeur de métier ont montré qu'il peut exister une réponse globale et une adaptabilité face à cette nouvelle menace, grâce à l'implication sans faille, l'agilité, l'inventivité et l'opérationnalité des acteurs de terrain. L'organisation a pu ainsi se mettre en place avec efficacité.

L'organisation des ES et leur gouvernance sont en pleine évolution et la gestion de crise reste complexe : anticipation, planification, adaptation, efficience restent les maîtres mots.

Les prises en charge des patients en lien avec des épidémies sont complexes et risquées, et peuvent potentiellement entraîner des accidents majeurs. Elles exigent donc un très haut niveau de sécurité sur des temps longs et nécessitent des modes d'organisation spécifiques avec des processus de coordination, de communication, ainsi que de prise de décisions collectives, adaptées et pilotées.

En situation de crise, il est important que les différents acteurs en charge des activités critiques aient une conscience collective de la situation leur permettant de s'adapter de façon continue à de nouvelles informations, parfois disruptives et de les partager entre eux ; qu'ils soient capables de produire du sens individuellement et collectivement afin d'agir le plus efficacement possible.

Le management opérationnel mis en place dans le service de réanimation a été indispensable à la gestion de cette crise. Il participé à réduire la tension extrême des équipes et maintenir les organisations. Le CDS opérationnel et spécialisé doit être doté d'un leadership agile pour manager la crise au sein de son service, favoriser l'esprit collectif, l'efficacité rapide hors du cadre, assumer les décisions et les conséquences, faire preuve d'humilité et d'abnégation.

La mise en place d'un CDS opérationnel et d'un CDS RH en support a permis une gestion efficace du service permettant aux équipes de travailler dans une organisation fiable, sécuritaire et de les préparer à la situation sanitaire exceptionnelle de crise. La collaboration entre CDS opérationnel et CDS RH est un concept innovant issu du système de santé militaire ayant permis la réalisation du rôle de proximité dans une spécificité donnée. Cette particularité ne s'est pas limitée à assurer l'accompagnement, la réalisation de gestes techniques, de soins ou de conseils, mais a permis d'exercer un rôle de décideur pour optimiser les soins et la sécurité des entrées au sein du service de réanimation.

La collaboration chef de service et CDS opérationnel a favorisé la prise de décisions médicales et organisationnelles dans un contexte d'incertitude prégnante. Prendre des décisions est courant, mais les prendre dans des situations complexes et « hors cadre », a été le challenge spécifique de cette collaboration de terrain. Cela a permis d'allier un véritable savoir-faire et d'apprendre de cette situation exceptionnelle. Cette collaboration a été précieuse pour les équipes du service de réanimation. Elle s'est inscrite dans une action continue de préparation grâce à une communication régulière, indispensable sur la stratégie et les mesures prises. Dès les premiers clusters le service s'est mis en mode planification et anticipation.

Se préparer et se former à la gestion de crise

La culture de la conduite de crise doit être incluse dans la politique de l'établissement et dans les plans de formation et faire l'objet d'exercices réguliers. Seule une structure de « commandement » organisée, préparée et entraînée permettra d'amoindrir le désordre, les maladresses, la confusion, le stress, la panique, la sidération et les initiatives aléatoires qui déstabilisent un peu plus l'organisation en situation de crise.

Se préparer à la survenue d'une crise à l'hôpital demande donc un investissement de grande ampleur de la part de l'ensemble des acteurs d'un établissement. Les multiples domaines demandant un cadrage précis des organisations à mettre en place et des missions de chacun, au sein du dispositif, sans oublier l'essentiel qu'est la gestion efficace d'un événement critique. Cette gestion passe par le développement en amont d'une réelle culture du risque et de la gestion de crise au sein de l'établissement. Celle-ci repose sur une analyse continue des risques prévisibles, mais également sur une sensibilisation et une préparation à la gestion de l'incertitude.

Les qualités requises pour le cadre

A l'issue de cette expérience, le CDS du service de réanimation a pu exprimer les qualités suivantes :

• Connaissance de la thématique « cadre expert ».

• Capacité à participer à la prise de décision.

• Capacité à faire appliquer les process.

• Capacité à anticiper y compris dans l'instant présent (réactivité, agilité).

conclusion

Dans les systèmes complexes actuels « où l'imprévisible devient la règle », il ne s'agit pas de se préparer pour ne pas être surpris, mais surtout de « se préparer à être surpris, s'entraîner à être créatif », sans quoi nos organisations seraient « fortement » exposées à un risque élevé de sidération et d'effondrement ». Véritable défi pour nos organisations, ce changement profond de paradigme constitue la clef d'une organisation pertinente et fiable qui autorise l'innovation et l'adaptabilité.

La nécessité du retour d'expérience (retex) et d'exercices est indispensable pour permettre aux équipes de passer d'un mode de préparation et d'organisation à un mode d'action tout en affirmant sa compétence adaptative.

Encadré 1 : Organisation architecturale et extension du service de réanimation

Au 1er mars 2020, le service de réanimation polyvalente du CHAL était doté de 9 lits marqueur Réa fonctionnant avec un effectif de 21 ETP IDE, 9 ETP AS, 4 ETP ASHQ, 1,30 ETP secrétaire, 1 ETP CDS, 6 ETP médecins, 3 ETP Internes. Le service a une autorisation habituelle pour 12 lits dont 2 de Soins Continus (SC). La structure architecturale du service pouvait permettre la prise en charge potentielle de 16 patients (10 réa + 6 SC). Le service est donc rapidement monté en charge capacitaire (Upgradé) à 16 lits de réanimation covid-19, puis 32 lits (16 lits en Unité de soins intensifs) pour atteindre au total 44 lits de réanimation (12 lits en SSPI) covid-19. L'interdiction totale des visites a été mise en place dès le 1er cas Covid-19. Il s'est agi d'exploiter l'architecture existante pour mettre en œuvre et appliquer la doctrine NRBCE

Stratégie mise en place selon la doctrine NRBCE2

La chambre du patient peut être considérée comme une zone d'exclusion (ZE). En effet seuls les personnels habilités et équipés d'un EPI adapté peuvent y pénétrer.

Les couloirs et la salle « matériel » deviennent la zone contrôlée : accès pour les personnels par un SAS d'entrée et un SAS d'entrée pour les patients. Les SAS de sortie sont également prévus. La marche en avant est indispensable.

La zone de soutien correspond à la zone propre : salle de soins, de repos, de repas, bureaux administratifs.

(1) Intubation-ventilation, masques haute concentration, aspirations trachéales, kinésithérapie, gestion des voies aériennes supérieures et de la sphère ORL