Préparer les étudiants en soins infirmiers - Objectif Soins & Management n° 275 du 01/06/2020 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 275 du 01/06/2020

 

Promotion de la santé

Dossier

Christelle Burnouf  

L'accompagnement d'un patient en soins palliatifs et de sa famille peut se révéler complexe pour les étudiants en soins infirmiers. La simulation en santé avec un patient standardisé est une méthode leur permettant d'aborder cet accompagnement plus sereinement en service.

Les formateurs des Instituts de Formation du Centre Hospitalier Sud Francilien (IFPM) ont constaté, lors de l'animation de travaux dirigés dans le cadre des Unités d'Enseignement (UE) 4.2 S5 « Soins relationnels » et 4.7 S5 « Soins palliatifs et fin de vie », que les étudiants en soins infirmiers de troisième année semblaient parfois démunis face à l'accompagnement relationnel d'un patient en soins palliatifs et de sa famille. « Je ne sais pas quoi dire... », « Que faire ? », « J'ai peur de commettre une maladresse relationnelle », autant d'interrogations suscitées par les futurs professionnels à l'aube de l'obtention de leur diplôme. Ces futurs professionnels seront pourtant confrontés quel que soit le secteur dans lequel ils travailleront un jour où l'autre à la mort. « Rencontrer une personne sur le chemin particulier de sa vie et faire un bout de chemin avec elle, allant même parfois jusqu'au bout du chemin (1) »

La mort, ses interrogations, ses représentations, la peur qu'elle engendre. L'accompagnement qui peut paraitre si mystérieux aux portes de la mort, « la richesse d'un accompagnement des ultimes moments de la vie (2) ». Comment alors apprendre à accompagner le patient en fin de vie et ses proches ? Comment adapter au mieux sa posture, trouver les mots apaisant les maux ? Que faire des émotions que le patient en fin de vie renvoie ?

Une progression pédagogique sur les soins palliatifs réfléchie

Les séances de simulation en santé apparaissent comme l'aboutissement d'une progression pédagogique réfléchie sur deux mois : après avoir visionné un film sur la fin de vie, les étudiants sont amenés à réfléchir et travailler en groupe sur les missions d'une unité de soins palliatifs, les besoins du patient en fin de vie, les modes de communication, les étapes du deuil et les émotions du patient, de la famille et des soignants. L'accueil et l'accompagnement du patient en soins palliatifs sont alors évoqués.

Sont ensuite abordées la législation encadrant les soins palliatifs, la prise en charge de la douleur et une réflexion sur la mort. L'UE se clôture par une conférence-spectacle proposée par une art-thérapeute (3) accompagnant des patients en fin de vie à l'hôpital, apparaissant comme une réflexion interactive sur la mort. A la suite de ces étapes, sont proposées pour les étudiants volontaires uniquement les séances de simulation en santé. Forts des enseignements reçus précédemment, ils peuvent alors participer à ces séances.

Le jour de la simulation en santé arrive. Plusieurs scenarii ont été élaborés en amont par les formateurs de l'équipe ayant une expérience en soins palliatifs. Les scenarii sont élaborés à partir de situations réelles qu'ils ont rencontrées en service. Les étudiants sont en confiance, ils connaissent les formateurs qui vont les accompagner pendant la séance. Les règles inhérentes à la simulation en santé sont énoncées : la séance se fera dans un climat respectueux, bienveillant, dans la considération positive de chacun. Pas de pression pour les apprenants, l'erreur est permise et pédagogique. Tout est à gagner lors de cette séance.

En amont, les formateurs ont briefé le comédien sur son rôle à jouer, pour que celui-ci soit le plus réaliste possible. La salle de travaux pratiques est installée, le comédien prêt, s'imprègne de son rôle. Les formateurs briefent deux étudiants volontaires pour passer en situation : ils doivent prendre en charge une patiente de 40 ans, atteinte d'un cancer métastatique de l'utérus, arrivée il y a trois jours en unité de soins palliatifs. C'est la première fois qu'ils la voient. Ils prennent connaissance du dossier, entrent dans la chambre. La patiente a le visage très fermé, est repliée sur elle-même. Les étudiants se présentent tour à tour, s'asseyent à ses côtés. L'un deux s'essaie à l'entretien : « Je vois à votre visage que cela ne va pas. Voulez-vous en parler ? » La patiente se met à pleurer. De vraies larmes coulent sur ses joues. Aucun des deux apprenants ne dit rien. Ils respectent la peine de la patiente. Ce silence n'est pas pesant, tout se fait dans ce moment. L'un d'entre eux la regarde, empathique. L'autre pose délicatement une main sur son épaule. La patiente leur dit alors en baissant les yeux : « Vous savez... J'ai si peur... » Un des deux étudiants tente d'en savoir plus, et investigue en toute délicatesse. Très vite, la patiente évoque sa peur de mourir, de laisser ses proches. Les étudiants ne fuient pas la discussion, explorent et rebondissent sur les dires et ressentis de la patiente. L'entretien, imprégné d'humanité, durera une dizaine de minutes.

Un débriefing réflexif laissant place aux émotions de l'apprenant

A la fin de la mise en situation, les formateurs débriefeurs demandent aux étudiants comment ils se sentent. La parole est libre, place est faite à la verbalisation des émotions. L'identification de ces émotions est essentielle, car elle permet aux apprenants de mieux se connaître, et de mieux les gérer par la suite. Les émotions du comédien sont elles aussi prisent en compte, ce dernier assiste pleinement au débriefing.

Les apprenants sont ensuite encouragés à revenir sur la mise en situation, sur les mots employés, sur leur posture. En effet, « il est nécessaire d'examiner de plus près nos propres réactions lorsque nous travaillons avec des malades, car elles se répercutent toujours dans le comportement du patient et peuvent contribuer à son bien-être où à son préjudice (5) ».

Les formateurs sont là pour relancer leur questionnement, leurs pratiques en un minimum de mots. « Qu'ai-je utilisé comme méthode de communication ? » « Pourquoi l'ai-je utilisée ? » « Pourquoi cette patiente était-elle triste ? »

Spontanément, le groupe renchérit sur le deuil, ses étapes. Les interactions sont favorisées, les notions fondamentales abordées en travail dirigé ressurgissent et sont illustrées via cette situation, vécue pour la première fois d'aussi près par d'eux étudiants pour la première fois d'aussi près. Parfois, ils l'ont déjà observée en stage, ils ont vu un soignant, un tuteur approfondir la discussion. Rarement ils ont osé aller eux-mêmes aussi loin, sauf peut-être aujourd'hui. Ils n'appréhendent plus désormais cette inconnue démystifiée qu'est la mort.

La qualité des échanges et de la réflexion est notoire. Les formateurs ont devant eux de futurs professionnels qui se positionnent, osent.

Plusieurs séances auront ensuite lieu dans la journée, jusqu'à l'ultime scénario : un patient en soins palliatifs vient de mourir, sa femme, avertie du décès par le médecin, entre dans le poste de soins. Aux étudiants de l'accueillir et de trouver les mots justes.

A la fin de la séance, tous sont encouragés à évoquer une notion qu'ils retiendront de la séance : empathie, congruence, travail en équipe, en binôme, étapes du deuil, importance de faire verbaliser le patient sur ses ressentis, relation d'aide.... Cette relation d'aide, si chère à Carl Rogers, selon qui « chaque individu est unique, détient au plus profond de lui sa propre vérité, sa vie et le tracé potentiel de son chemin, qu'aucune science du psychisme ne peut enfermer, et peut accéder à ses ressources s'il se sent compris, accepté, non jugé ».

Conclusion

Compris, accepté, considéré positivement : autant de qualificatifs définissant l'atmosphère de ces séances de simulation en santé à la thématique si singulière, et qui ont permis aux professionnels de santé de demain d'évoluer sous l'accompagnement bienveillant des formateurs et de sortir grandi de cette expérience. Riche de cette séance, ils pourront alors appréhender plus sereinement l'accompagnement d'un patient en soins palliatifs et de sa famille.

L'apprentissage par la simulation en santé

Les apprenants des IFPM bénéficient tout au long de leur cursus de séances de simulation en santé sur diverses thématiques, quelque soit leur formation initiale.

La simulation en santé permet de reproduire des situations ou des environnements de soins, pour enseigner des procédures diagnostiques et thérapeutiques et permettre de répéter des processus, des situations cliniques ou des prises de décision par un professionnel de santé ou une équipe de professionnels (4).

Elle comporte plusieurs étapes :

– Une phase de pré-briefing ou de présentation, où le déroulement de la journée est présenté et où les règles essentielles au bon déroulement de la séance sont énoncées.

– Une phase de briefing, où le contexte de la mise en situation est présenté aux apprenants.

– Une phase de mise en situation, où les apprenants prennent en charge le patient comme dans la réalité. Ce patient peut être un comédien, un professionnel de santé « jouant le rôle » du patient : c'est le « patient standardisé » qui semble plus approprié pour travailler la dimension relationnelle du soin Il est aussi possible d'utiliser un mannequin, basse ou haute fidélité, ce qui serait plus approprié pour travailler l'aspect technique du soin. La mise en situation a lieu dans une salle de travaux pratiques, est filmée et est retransmise en direct dans une salle de cours afin que les étudiants la visionnent en temps réel.

– Une phase de débriefing, pendant laquelle les apprenants évoquent leur ressenti à chaud, leur pratique, les points forts de leur prise en charge, les axes à améliorer, sous le regard bienveillant des formateurs débriefeurs.

– Une phase de conclusion, où les apprenants échangent sur ce que la séance leur a apporté.

La simulation en santé est alors apparue comme un excellent moyen d'appréhender la complexité de l'approche et de la prise en charge du patient en soins palliatifs et de sa famille.

(1) Hesbeen W. Prendre soin à l'hôpital : inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante. Paris : Masson, 1997.

(2) De Hennezel M. La mort intime. Paris : Editions Robert Laffont, 1995.

(3) Meunier S. « Nez toile ». Conférence-spectacle A mourir de joie.

(4) HAS. Rapport de mission : état de l'art en matière de pratique de simulation dans le domaine de la santé. Janvier 2012.

(5) Kubbler-Ross E. Les derniers instants de la vie. Genève : Labor et Fides, 1996, p. 58.