Pour un meilleur soutien - Objectif Soins & Management n° 269 du 01/06/2019 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 269 du 01/06/2019

 

Actualités

Anne Lise Favier  

Assises du deuil

Les premières Assises nationales du deuil se sont tenues mi-avril à l'initiative de l'association « Empreintes ». Une journée qui a permis aux professionnels, décideurs et politiques de dresser un état des lieux de la question du deuil pour mieux la gérer.

Une enquête du CREDOC réalisée avec l'association Empreintes révèle que 9 Français sur 10 vivent ou ont vécu un deuil. Universel, le deuil touche toutes les strates de la population, avec un impact non négligeable sur la société : absentéisme, problèmes de santé, de scolarité, isolement sont autant de conséquences directes ou indirectes d'un deuil. Et pourtant, le deuil reste tabou, un « sujet tapi dans l'ombre, qui renvoie à la mort, la tristesse de la perte d'un être cher » comme l'explique le sénateur Bernard Jomier, président des Assises du deuil. Sujet appartenant à la sphère intime, le deuil est assigné, en France, à l'invisibilité. Il devrait pourtant être reconnu, selon Bernard Jomier, comme un sujet sociétal et de santé publique, notamment parce qu'il touche chaque année 3 millions de personnes (estimation de l'entourage des 600 000 personnes décédées) et que 20 % d'entre elles subissent des complications du fait d'une carence d'accompagnement.

Conséquences multiples du deuil

Aujourd'hui, parler du deuil fait peur, estiment les organisateurs de ces Assises : de fait, aucun accompagnement spécifique et adapté n'est mis en place pour celles et ceux qui restent. Et que dire du déficit d'attention des proches d'une personne qui s'est suicidée ou victime d'un acte de terrorisme ? A cet égard, l'association Empreintes se mobilise pour que d'ici trois ans un accompagnement du deuil soit anticipé et systématiquement offert à tous. Ethique, expert, encadré par la loi et inscrit dans les politiques de prévention, cet accompagnement permettrait de combler certains manques de la société, que les rituels collectifs et sociaux ont fini par détruire, dans un monde où l'on est plus proche de la performance que du chagrin. Dans 20 % des cas, le deuil se complique et peut même devenir pathologique dans 5 % des situations : difficultés physiques, psychiques, matérielles, sociales, professionnelles, scolaires, familiales, les conséquences sont multiples. Les Assises du deuil ont permis de dresser un état des lieux du deuil en en définissant les contours et en abordant les conséquences de celui-ci sur différents publics (conjoints, enfants, parents). Du côté des entreprises, le deuil a un impact non négligeable : absentéisme pour un actif sur deux, un tiers en arrêt du travail, impact sur l'organisation... Du côté de la scolarité, le deuil a un retentissement profond avec des difficultés de mémorisation, de concentration ou d'attention pour les 3/4 des orphelins (on estime leur nombre à 800 000 en France soit un par classe). Un équilibre est d'ailleurs difficile à trouver pour les enseignants qui sont confrontés à ce type d'élèves, entre l'envie de soutenir sans trop en faire, mais sans ignorer non plus le deuil.

10 propositions et un référent

Pour cette raison, les participants aux Assises du deuil ont formulé une série de propositions visant à mieux soutenir les personnes en deuil, appelant de leur vœux une proposition-phare : la création d'un référent-deuil, une personne qui, dans chaque entreprise, établissement scolaire ou universitaire, chaque service médico-social ou hospitalier, chaque mairie ou commissariat permettrait une prise en charge et une écoute des personnes en situation de deuil. Cette compétence spécifique pourrait aussi s'accompagner de la création d'un nouveau métier, celui de chargé de prévention des risques liés au deuil. Pour développer l'accompagnement, l'association Empreintes souhaite qu'une offre systématique d'information et de soutien aux proches soit mise en place, ainsi qu'un comité d'éthique pour élaborer une charte des bonnes pratiques et créer un label de certification, le tout serait englobé dans une véritable politique publique et privée de financement de l'accompagnement. Pour progresser autour de cette notion de deuil, Empreintes propose qu'une évaluation du coût du deuil soit menée, en parallèle d'une étude sur le bénéfice d'un accompagnement pour déboucher sur la création d'un Observatoire de recherche sur le deuil et son impact. Enfin, pour développer l'information sur le sujet, les Assises du deuil préconisent la publication d'un rapport annuel sur le deuil, mais aussi la création d'une campagne annuelle sur le sujet ainsi que celle d'une journée nationale du deuil, labellisée. Pour que le deuil ne soit plus un tabou, mais un sujet que tout un chacun doit affronter dans les meilleures conditions possibles.