L'hôpital de proximité de ma santé 2022 - Objectif Soins & Management n° 269 du 01/06/2019 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 269 du 01/06/2019

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

Quelle différence avec celui de 2016 ou même celui de 1992 ? Est-ce la renaissance à nouveau de l'hôpital local de 1992 ? Parmi les actions phare de « Ma santé 2022 » figure la création d'une nouvelle catégorie d'établissement de santé : l'hôpital de proximité, un établissement de santé qui ne dispose pas d'activités de chirurgie ni d'obstétrique, mais dispense des soins de proximité. Le statut spécifique de ces hôpitaux vient de faire l'objet d'un débat lors de l'adoption en première lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi santé. Mais n'existent-ils pas déjà ? Qu'apporte de nouveau « Ma santé 2022 » ?

L'objectif ambitieux affiché est de labelliser, d'ici 2022, 500 à 600 hôpitaux de proximité : ceux-ci ont pour mission d'assurer exclusivement des activités de médecine polyvalente, des soins aux personnes âgées, des soins de suite et de réadaptation, le suivi des maladies chroniques les plus fréquentes, des consultations avancées de spécialités médicales et chirurgicales avec le support des établissements voisins, des plateaux techniques ouverts aux professionnels de santé de ville (imagerie, biologie et explorations) ou un accès organisé avec les établissements voisins, des équipes mobiles de soins, des équipements de télémédecine.

Le PACTE territoire santé et la renaissance de l'hôpital local à travers le centre hospitalier de proximité

Dans le cadre du Pacte territoire santé lancé en 2012 était enfin réapparu un outil « innovant » qui avait été peut-être oublié depuis la loi Hôpital, Patient, Santé et Territoires (HPST) de juillet 2009 : le centre hospitalier local. En effet la loi HPST avait supprimé la notion d'hôpital local en faisant de ces établissements des centres hospitaliers comme les autres. C'était enfin les reconnaître comme tels, et non plus comme de simples établissements pour personnes âgées. Mais dès lors ils avaient été un peu oubliés. Or qui était plus à l'interstice de la médecine libérale et de la médecine hospitalière que le centre hospitalier local ? Un établissement hospitalier qui fonctionne avec des médecins généralistes libéraux, parfois praticiens hospitaliers à temps partiel, souvent siège d'une maison de santé pluriprofessionnelle, reconnu au sein de la population. Le Pacte territoire santé s'appuyait sur les centres hospitaliers locaux encore existants car si bon nombre avaient été transformés au cours des dix années précédentes, il en restait encore environ 250 qui maillaient le territoire français, souvent dans des territoires isolés et ruraux, la cible du Pacte.

La loi du 22 décembre 2014 de financement de la Sécurité sociale pour 2015, dans son article 52, a introduit la notion de centre hospitalier de proximité, se substituant aux ex-hôpitaux locaux, en indiquant que leur activité de médecine serait financée par une dotation modulée en fonction de l'activité. Ce modèle de financement mixte dérogatoire à la tarification à l'activité est censé être plus adapté au volume et à la nature de l'activité produite par ces établissements. Les hôpitaux de proximité sont définis sur la base de leur activité de médecine avec une absence d'activité de chirurgie et d'obstétrique, indépendamment de la catégorie juridique de l'établissement.

Le décret du 20 mai 2016 publié le 24 mai dernier (voir encadré) est venu préciser les critères d'éligibilité des hôpitaux de proximité et leurs modalités de financement. Il apporte également des éléments de définition supplémentaires fondés sur une approche territoriale du territoire desservi par le centre hospitalier de proximité, conformément aux engagements du Pacte territoire santé. Le modèle de financement est quant à lui fondé sur une dotation construite à partir des recettes historiques de l'établissement, des caractéristiques de son territoire et de l'activité produite. Il répond à un double objectif : d'une part, stabiliser les ressources de ces établissements en leur apportant de la visibilité, et d'autre part les encourager à développer leur activité.

Le décret du 20 mai 2016 relatif aux hôpitaux de proximité et à leur financement

Conditions d'éligibilité

I. Un établissement de santé est éligible à l'inscription sur la liste des hôpitaux de proximité s'il satisfait à l'ensemble des conditions suivantes :

1o L'établissement exerce une activité de médecine autorisée par l'agence régionale de santé et n'est pas autorisé à exercer une activité en chirurgie ou en gynécologie-obstétrique. Le volume de son activité de médecine, calculé à partir de la moyenne du nombre de séjours de médecine produits, hors séances, sur les deux années précédant l'année civile considérée, est inférieur à un seuil fixé par arrêté des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale. Cette moyenne est calculée sur la base des données d'activités disponibles au 15 février de l'année civile considérée ;

2o L'établissement dessert un territoire qui présente au moins deux des quatre caractéristiques suivantes :

a) La part de la population âgée de plus de 75 ans y est supérieure à la moyenne nationale ;

b) La part de la population située en dessous du seuil de pauvreté y est supérieure à la moyenne nationale ;

c) La densité de sa population n'excède pas un niveau plafond ;

d) La part des médecins généralistes pour 100 000 habitants y est inférieure à la moyenne nationale.

Ce territoire est défini comme l'ensemble des lieux à partir desquels il est possible de parvenir à l'établissement par un trajet routier en automobile d'une durée inférieure ou égale à 20 minutes, mesurée en prenant en compte les temps de trajet aux heures pleines et aux heures creuses.

II. Peut être également éligible l'établissement qui dessert un territoire ne présentant qu'une seule ou aucune des quatre caractéristiques, mais qui satisfait à l'une des deux conditions suivantes :

1o L'activité de médecine y est exercée en totalité ou en partie par un médecin assurant également le suivi des patients et la coordination de leur parcours de santé au sein de l'offre de soins ambulatoires ;

2o Il est le seul établissement autorisé à exercer une activité de médecine sur le territoire qu'il dessert.

Liste des hôpitaux de proximité

Le directeur général de l'agence régionale de santé établit une proposition de liste des hôpitaux de proximité, après analyse de l'offre de soins de premier recours et de son évolution prévisible sur le territoire. La proposition d'inscription d'un établissement sur la liste est adressée par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception audit établissement, qui dispose d'un délai d'un mois pour, le cas échéant, s'y opposer.

Le directeur général de l'agence régionale de santé transmet la proposition de liste aux ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale, qui arrêtent la liste des hôpitaux de proximité par région au regard des besoins de la population et de l'offre de soins dans la région.

Les propositions de modification de la liste sont transmises chaque année par les directeurs généraux des agences régionales de santé aux ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale. Les établissements inscrits sur la liste ne peuvent en être radiés avant l'issue d'un délai de deux ans, y compris à leur propre demande, que s'ils ne répondent plus aux conditions. La liste entre en vigueur au 1er mars de l'année civile considérée.

Missions des centres hospitaliers de proximité

I. L'établissement de santé contribue à l'amélioration du parcours du patient en lien avec les autres acteurs de santé et, à ce titre :

1o Il coopère avec les professionnels de santé de son territoire assurant des soins de premier recours, soit grâce aux médecins généralistes exerçant en son sein à titre libéral et assurant également le suivi des patients et la coordination de leur parcours de santé au sein de l'offre de soins ambulatoire, soit par une convention conclue entre les acteurs concernés précisant les modalités de continuité médicale des soins et les actions de retour et de maintien à domicile des patients ;

2o Il développe des partenariats :

a) D'une part, avec un établissement exerçant des soins de deuxième recours pour assurer en cas de nécessité l'orientation des patients et leur permettre d'accéder à des consultations avancées, notamment par une activité de télémédecine ;

b) Et, d'autre part, s'il n'exerce pas de telles activités en son sein, avec un établissement gérant une activité d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et un établissement exerçant une activité de soins de suite et de réadaptation ou autorisées à dispenser des soins de longue durée, situés sur son territoire ou exerçant une activité d'hospitalisation à domicile ;

3o Il participe à la coordination du parcours de santé de ses patients afin, notamment, d'éviter les hospitalisations inutiles ou les ré-hospitalisations précoces, ainsi que les ruptures de parcours.

II. Les engagements pris par l'hôpital de proximité en matière de coopération, de partenariat et de coordination du parcours de santé des patients sur le territoire sont inscrits dans le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.

Le projet médical de l'hôpital de proximité comporte les modalités de coopération, les partenariats et les modalités de coordination du parcours de santé des patients.

Modalités de financement des centres hospitaliers de proximité

Le financement repose sur :

1o Une dotation forfaitaire annuelle garantie ;

2o Un complément de financement calculé à partir des tarifs nationaux des prestations.

I. La dotation forfaitaire annuelle garantie comporte :

1o Une part correspondant à une fraction de la moyenne des recettes perçues par l'établissement au cours des deux années précédant l'année civile considérée afférentes à la part des frais d'hospitalisation prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie au titre des soins entrant dans le champ des prestations, à l'exception des activités exercées à domicile. La fraction, applicable à l'ensemble des établissements, est fixée par arrêté des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale ; elle ne peut être inférieure à 50 % ;

2o Une part majorant la fraction arrêtée en tenant compte des caractéristiques du territoire que l'établissement dessert. Cette majoration tient également compte des engagements de coopération, de partenariat et de coordination pris par l'établissement et de ses modalités d'organisation et de fonctionnement avec les médecins pour la prise en charge de sa patientèle.

II. Les ministres de la Santé et de la Sécurité sociale fixent chaque année par arrêté le montant de l'enveloppe affectée à la dotation forfaitaire répartie par région, compte tenu des recettes mentionnées perçues par l'ensemble des établissements de la région inscrits sur la liste et des caractéristiques du territoire que ces établissements desservent dans cette région. Dans un délai de quinze jours suivant la publication de la liste, le directeur général de l'agence régionale de santé arrête pour chaque établissement de la région, sur la base des données disponibles ou estimées, le montant de la dotation forfaitaire qui lui est alloué en précisant le montant de chaque part. Cette dotation forfaitaire prend effet au 1er janvier de l'année civile considérée.

Lorsque le montant issu des données d'activité afférentes à la part des frais d'hospitalisation prise en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie au titre des soins pour l'année civile considérée est supérieur au montant de la dotation garantie déterminé, l'établissement bénéficie d'un complément de financement correspondant à l'écart entre ces deux montants. La comparaison entre les deux montants peut être mensuelle ou annuelle.

Le centre hospitalier de proximité de 2016, c'est qui ?

Première condition nécessaire pour un établissement qui souhaite être reconnu comme centre hospitalier de proximité : délivrer uniquement des soins de médecine, dans la limite d'un plafond annuel d'activité fixé à 5 500 séjours annuels (ce qui signifie qu'au-dessus de ce plafond, l'établissement est considéré comme un CH « normal », tarifé à l'activité). Autrement dit, un CH de proximité n'est pas autorisé en chirurgie et en obstétrique mais uniquement en médecine.

Deuxième condition nécessaire : être dans un territoire dit de proximité, qui présente au moins deux critères de fragilité. Le territoire de l'hôpital de proximité est défini sur la base d'un temps de trajet routier en automobile de 20 minutes autour de l'établissement, mesuré en prenant en compte les temps de trajet aux heures pleines et aux heures creuses. Quatre indicateurs ont été calculés pour caractériser la fragilité du territoire de l'hôpital de proximité et donc son utilité :

• vieillissement : part de la population âgée de plus de 75 ans (supérieure à la moyenne nationale de 9 %) ;

• pauvreté : part de la population vivant sous le seuil de pauvreté (supérieure à la moyenne nationale de 14,3 %/part de la population ayant 60 % ou moins du revenu médian en 2012) ;

• ruralité : densité de population (inférieure au seuil de 150 personnes par km2) ;

• démographie médicale : part des médecins généralistes pour 100 000 habitants (inférieure à la moyenne nationale de 99 praticiens pour 100 000 habitants).

Pour être considéré centre hospitalier de proximité, le territoire de l'établissement doit remplir au moins deux des quatre indicateurs. Toutefois l'ARS peut « rattraper » un établissement s'il remplit l'un des deux critères suivants :

• l'établissement fonctionne avec des médecins en exercice mixte ville-hôpital ;

• l'établissement est le seul offreur à détenir une autorisation de médecine sur son territoire (20 minutes autour de l'établissement).

C'est sur la base de ces critères que le ministère transmet en début d'année aux ARS une liste d'établissements répondant aux critères d'éligibilité. L'ARS est chargée de prendre contact avec les établissements qu'elle souhaite intégrer dans le dispositif pour les informer de leur éligibilité. L'établissement dispose ensuite d'un délai d'un mois pour faire part de son refus. Ce droit d'opposition s'applique au moment de l'inscription sur la liste des CH de proximité. Il emporte avec lui le rejet du modèle de financement. A contrario, le silence de l'établissement vaut accord pour inscription sur la liste. Après le délai d'un mois dont disposent les établissements pour faire part de leur refus, l'ARS propose la liste des établissements qu'elle souhaite voir inscrire sur la liste nationale des hôpitaux de proximité. La liste définitive est arrêtée par les ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale. Elle est valable au minimum deux ans, période pendant laquelle un établissement ne peut être radié de la liste, sauf en cas de modifications de ses autorisations (perte ou nouvelle autorisation de médecine). Une mise à jour annuelle permet de tenir compte des mouvements d'autorisation. Les indicateurs relatifs au territoire sont revus tous les deux ans.

Le centre hospitalier de proximité de 2016, ça fait quoi ?

Les centres hospitaliers de proximité sont à l'interface des soins de premier recours, pour lesquels ils constituent un appui certain, et de l'offre de soins de spécialités et du secteur médico-social. Ainsi ils contribuent à l'offre de premier recours par les coopérations qu'ils ont avec la médecine ambulatoire et le secteur médico-social, mais également à l'offre de second recours par les consultations avancées qu'ils peuvent organiser et l'orientation vers les établissements plus importants. Ils contribuent donc à l'amélioration du parcours du patient, notamment des personnes âgées ou en situation de précarité.

Les hôpitaux de proximité sont un enjeu important en termes de maintien ou d'amélioration de la démographie médicale ; ils jouent également un rôle dans l'accès aux soins. Les modalités de coopération avec les acteurs sanitaires et médico-sociaux sont décrites dans le projet médical de l'établissement. Dans le cadre de la mise en place des groupements hospitaliers de territoire et du projet médical partagé, les centres hospitaliers de proximité doivent être pleinement intégrés.

Plaidoyer 2016 pour la promotion du centre hospitalier local

Le centre hospitalier local au service de la formation et de l'installation des jeunes professionnels

Le centre hospitalier local doit être reconnu comme lieu de stage en médecine générale : en effet les jeunes qui font leur stage chez un médecin généraliste à son cabinet libéral peuvent très bien ensuite faire leur stage en médecine générale dans un hôpital local, avec le même maître de stage. Or aujourd'hui les centres hospitaliers locaux ne sont pas encore reconnus comme lieux de stage par les facultés de médecine. Par ailleurs, le centre hospitalier local constitue une plateforme de services, qui peut assurer le gîte et le couvert pour les jeunes étudiants.

Les bourses destinées aux médecins doivent être proposées à l'ensemble des professionnels de santé qui exercent également à l'hôpital local. Sans ces professionnels (infirmiers, kinésithérapeutes, dentistes, orthophonistes...), non seulement l'accès aux soins primaires n'est pas assuré, mais le fonctionnement des centres hospitaliers locaux n'est lui-même plus garanti. La présence d'un centre hospitalier local pour caractériser les zones fragiles dans lesquelles les jeunes professionnels titulaires de la bourse s'engagent à exercer doit être un critère au même titre que la présence d'une maison de santé pluriprofessionnelle : le centre hospitalier local n'est-il pas là aussi un lieu d'exercice coordonné ?

Le centre hospitalier local est un support logistique important pour les futurs professionnels de santé libéraux. La présence d'un centre hospitalier local est un facteur incitatif non négligeable. Les médecins qui exercent dans ces structures sont aussi les prémisses de ces praticiens territoriaux. Cela signifie en revanche que la rémunération des médecins dans les centres hospitaliers locaux soit réévaluée pour être en cohérence avec le statut de praticien territorial, dont les textes sont encore en attente.

Les référents installation des ARS doivent avoir connaissance des caractéristiques d'un centre hospitalier local, et ce mode d'exercice particulier de la médecine hospitalière doit être diffusé et détaillé sur la plateforme d'appui aux professionnels de santé. Car l'exercice mixte au centre hospitalier local et en médecine de ville peut être un facteur attractif.

Le centre hospitalier local comme vecteur de la transformation des conditions d'exercice des professionnels de santé

Les centres hospitaliers locaux sont déjà des lieux de travail en équipes professionnelles. Aussi quand il existe un centre hospitalier local dans un territoire donné, le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles, des pôles de santé, des équipes de santé primaires, doit se faire en étroite articulation avec le centre hospitalier local, qui va apporter son support logistique et technique pour porter les opérations, mais également parce qu'il fonctionne avec ces mêmes professionnels de santé. Il s'agit donc d'une opération gagnant-gagnant réciproque. D'autant que le centre hospitalier local peut disposer de compétences techniques qui n'existent pas en libéral et vice versa. Les maisons de santé doivent donc impérativement être adossées aux centres hospitaliers locaux, voire aux EHPAD quand il n'y a pas de CHL.

Dans ce cadre les centres hospitaliers locaux doivent être reconnus comme lieux de stage, et donc comme lieux de recherche, pour la soutenance de thèse.

De la même manière, la télémédecine est un outil formidable pour le centre hospitalier local à plusieurs points de vue : développer des consultations de médecins spécialistes au sein de l'hôpital, médicaliser les centres hospitaliers locaux par l'intervention à distance de spécialistes dans la prise en charge, ouvrir un support technique pour les professionnels de santé libéraux, diversifier la formation des professionnels de santé à distance, etc. La télémédecine est une opportunité à la fois pour conforter la technicité de l'hôpital et ouvrir celui-ci sur l'extérieur.

Enfin des protocoles de coopération peuvent être plus facilement établis au sein des CHL, dans la mesure où les professionnels ont déjà l'habitude de travailler dans de tels contextes, la mixité salariés–libéraux favorisant le partage et le transfert de compétences.

Le centre hospitalier local comme facteur de développement du territoire de santé isolé

Avec l'adossement de maisons médicales de garde, les centres hospitaliers locaux peuvent contribuer à la prise en charge des urgences et ainsi garantir une prise en charge en moins de 30 minutes en tous points du territoire. Permanence des soins ambulatoires et permanence des soins au centre hospitalier local doivent être couplées et organisées en complémentarité ; les centres hospitaliers locaux peuvent également accueillir des médecins correspondants de Samu, et des petites urgences. À condition bien sûr de respecter des protocoles sans faille avec les Samu-centres 15 et les services de médecine d'urgence.

Pour appuyer les structures ambulatoires, les centres hospitaliers locaux doivent conserver leurs services de médecine et de soins de suite et de réadaptation. Sinon cet appui ne sera pas possible, et pis il sera difficile de maintenir et d'attirer des professionnels de santé.

Le centre hospitalier local doit être positionné dans le dispositif hospitalier comme premier niveau de l'offre de soins hospitalière, et reconnu comme plateforme de santé au sein de son territoire de proximité. Il doit être le lieu de la coordination des acteurs d'un territoire. Ce qui suppose une adaptation de son mode de financement.

Enfin, il convient de ne pas vouloir substituer centre de santé et centre hospitalier local : quand le CHL existe, la création d'un centre de santé n'est pas forcément la bonne solution. Il faut au contraire s'appuyer et renforcer le centre hospitalier local.

Le centre hospitalier de proximité de 2016, c'est financé comment ?

Les centres hospitaliers de proximité ont été finalement les premiers à mettre en œuvre la réforme de tarification à l'activité, avec un modèle de financement modulé à l'activité. Ce nouveau modèle de financement repose sur une dotation mixte, composée d'une dotation forfaitaire garantie construite à partir des recettes historiques de l'établissement, des caractéristiques du territoire desservi (dotation organisationnelle et populationnelle), et des moyens alloués en fonction de l'activité produite, sur la base de la valorisation des séjours réalisés. Ainsi 80 % des ressources de l'établissement sont garanties par rapport à ses recettes extérieures, indépendamment de l'activité produite. Dotation qui peut être majorée en fonction de la fragilité du territoire (dotation organisationnelle et populationnelle).

Le centre hospitalier de proximité voit donc ses moyens de fonctionnement garantis entre 80 et 90 %, et ce quels que soient les aléas de l'activité. Les 10 % restants relevant de l'activité, l'établissement est encouragé à développer son activité et donc à répondre aux besoins de la population.

La dotation organisationnelle et populationnelle est calculée selon les quatre critères définissant le territoire de proximité, à savoir :

• la part de population âgée de plus de 75 ans ;

• la part de population située en dessous du seuil de pauvreté ;

• la densité de population ;

• la part d'omnipraticiens pour 100 000 habitants.

Le complément de financement à l'activité se calcule de la manière suivante :

• si la valorisation de l'activité est inférieure au montant de la dotation fixe garantie, la dotation hôpitaux de proximité versée est égale au montant correspondant à la dotation fixe garantie ;

• si elle est supérieure, la dotation hôpitaux de proximité versée est égale au montant de la dotation fixe garantie auquel s'ajoute le différentiel entre l'activité valorisée ou facturée et la dotation forfaitaire garantie.

L'hôpital de proximité de « ma santé 2022 » ?

L'article 8 du projet de loi santé, adopté en première lecture par l'Assemblée et portant sur « Développer une offre hospitalière de proximité, ouverte sur la ville et le secteur médico-social, et renforcer la gradation des soins », définit les hôpitaux de proximité de la manière suivante : ce sont des établissements de santé publics ou privés, ou des sites identifiés de ces établissements, qui assurent le premier niveau de la gradation des soins hospitaliers et orientent les patients qui le nécessitent, conformément au principe de pertinence des soins, vers les établissements de santé de recours et de référence ou vers les autres structures adaptées à leurs besoins.

Les missions des hôpitaux de proximité sont exercées avec la participation conjointe des structures et des professionnels de la médecine ambulatoire, avec lesquels ils partagent une responsabilité territoriale.

En prenant en compte les projets de santé des communautés professionnelles territoriales de santé et en coopération avec les structures et les professionnels de la médecine ambulatoire, les établissements et les services médico-sociaux et d'autres établissements et acteurs de santé, dont les établissements d'hospitalisation à domicile, les hôpitaux de proximité :

• apportent un appui aux professionnels de santé de ville et aux autres acteurs de l'offre de soins pour répondre aux besoins de la population, notamment le cadre hospitalier nécessaire à ces acteurs pour y poursuivre la prise en charge de leurs patients lorsque leur état le nécessite ;

• favorisent la prise en charge des personnes en situation de vulnérabilité et leur maintien dans leur lieu de vie, en liaison avec le médecin traitant de celles-ci ;

• participent à la prévention et à la mise en place d'actions de promotion de la santé sur le territoire.

De façon obligatoire, les hôpitaux de proximité exercent une activité de médecine, qui comprend, le cas échéant, des actes techniques, offrent des consultations de plusieurs spécialités, disposent ou donnent accès à des plateaux techniques d'imagerie et de biologie médicale et n'exercent pas d'activité de chirurgie ni d'obstétrique.

À titre dérogatoire et dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État, pour favoriser l'accès aux soins et au regard des besoins de la population et de l'offre présente sur le territoire concerné, un hôpital de proximité peut, sur décision du directeur général de l'agence régionale de santé, pratiquer certains actes chirurgicaux. Le ministre chargé de la Santé fixe par arrêté la liste limitative des actes concernés pouvant intégrer ces dérogations, après avis conforme de la Haute Autorité de santé.

En fonction des besoins de la population et de l'offre de soins présente sur les territoires sur lesquels ils sont implantés, les hôpitaux de proximité exercent d'autres activités, notamment la médecine d'urgence, les activités prénatales et postnatales, les soins de suite et de réadaptation ainsi que les activités de soins palliatifs, et peuvent apporter leur expertise aux autres acteurs par le biais d'équipes mobiles.

Finalement, centre hospitalier de 2016 et hôpital de proximité, quelle différence ?

Il est évident que les mêmes objectifs de gradation des soins hospitaliers et de décloisonnement entre la ville et l'hôpital sont poursuivis, que ce soit pour le centre hospitalier ou l'hôpital de proximité. Le projet de loi santé apporte cependant quelques modifications importantes :

• un site d'un établissement de santé peut être labellisé hôpital de proximité : ce n'était pas le cas jusqu'à présent, car seules les entités juridiques pouvaient être reconnues centre hospitalier de proximité. Ainsi un établissement fusionné ou même un CHU ne pouvait prétendre à faire reconnaître un ou plusieurs de ces sites comme centre hospitalier de proximité ; ce sera chose faite avec l'hôpital de proximité, ce qui permettra d'en labelliser beaucoup plus qu'aujourd'hui (moins de 250) ;

• il n'existait pas de missions obligatoires en tant que telles pour les centres hospitaliers de proximité ; c'est le cas pour l'hôpital de proximité qui doit obligatoirement exercer l'activité de médecine, idem pour disposer ou organiser l'accès au plateau technique d'imagerie et de biologie ;

• enfin, la possibilité dérogatoire d'exercer des actes de chirurgie, totalement impossible avant, mais également la possibilité d'exercer la médecine d'urgence ou d'autres activités de proximité.

On le voit, l'hôpital de proximité de « Ma santé 2022 » est un centre hospitalier de proximité renforcé, reconnu et labellisé. Mais n'est-ce pas également admettre que de nouveaux services d'obstétrique et de chirurgie seront fermés pour arriver au nombre de 600 ? Le mode de financement sera-t-il lui aussi revu et incitatif, contrairement au modèle d'aujourd'hui ? Affaire à suivre et à débattre.