Brigitte Scherb, la voix paramédicale de la Mission GHT - Objectif Soins & Management n° 267 du 01/02/2019 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 267 du 01/02/2019

 

ACTUALITÉS

Claire Pourprix  

PORTRAIT Infirmière de formation devenue directrice des soins, Brigitte Scherb a quitté l’hôpital pour devenir conseillère paramédicale de la Mission GHT* de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) au ministère de la Santé. Elle nous explique son parcours et son rôle au sein de l’institution.

Infirmière diplômée d’État en 1981, Brigitte Scherb a commencé sa carrière aux Hospices civils de Lyon. Spécialisée en anesthésie en 1986, elle quitte sa ville natale en 1989 pour la région parisienne. Devenue cadre de santé en 1993, elle passe le concours et obtient le titre de directeur des soins en 2002, juste après la disparition du statut d’infirmière générale. Pendant deux ans et demi, elle occupe un poste de directrice des soins au centre hospitalier d’Argenteuil (Vald’Oise), puis intègre le centre hospitalier de Versailles pendant cinq ans. Fin 2009, Brigitte Scherb est nommée coordonnateur général des soins des futurs « Hôpitaux Universitaire Paris centre » à l’AP-HP. « Ces regroupements ont nécessité de nombreuses restructurations, confie-t-elle. L’enjeu managérial était important car il s’agissait notamment de réunir en une seule équipe de direction, celles de l’Hôtel Dieu, de Cochin-Saint-Vincent-de-Paul et de Broca. »

Un leitmotiv : améliorer les soins aux patients

Une expérience qui lui ouvre les portes du ministère : Clémence Mainpin, chef de projet GHT au ministère de la Santé, la contacte en 2016 pour rejoindre la Mission GHT dans l’idée de constituer une petite équipe rassemblant les différentes visions de l’hôpital (administrative, juridique, médicale et paramédicale) pour conduire la réforme des GHT. Brigitte Scherb n’hésite pas. « J’ai fait le choix de devenir infirmière car j’ai toujours été attirée par le milieu de la santé. Plutôt tournée vers les soins critiques dès le départ, je me suis spécialisée en anesthésie pour renforcer mes savoirs sur certains aspects du métier. J’ai toujours aimé apprendre. L’évolution vers des fonctions d’encadrement s’est faite naturellement : très attachée aux soins, j’ai voulu mettre ma pierre à l’édifice pour que les soins donnés au patient soient les meilleurs possibles et restent accessibles à tous. C’est d’ailleurs ce qui me motive encore ! »

Porter les valeurs soignantes

Elle a donc quitté une fonction managériale, avec beaucoup de personnels à gérer, pour intégrer une petite équipe pour un projet national. Consciente de tourner une page professionnelle tout en restant guidée par les mêmes objectifs. « J’ai découvert l’univers administratif des ministères que je ne connaissais pas. Je pense qu’il est important de savoir se remettre en cause même à un certain âge… c’est un challenge humain et l’opportunité de se lancer un nouveau défi professionnel. Et la voix paramédicale ne me quitte pas : ce poste est pour moi l’occasion de la porter au plus haut niveau de l’institution. Ainsi, dans la conception de la nouvelle loi santé en préparation, plusieurs voix portent les valeurs soignantes et l’expertise de terrain dans les débats. »

Accompagner la réforme des GHT

Entrée à la DGOS le 6 juin 2016 alors que les GHT devaient être arrêtés le 1er juillet, Brigitte Scherb a tout de suite été plongée dans le vif du sujet. La mission GHT est une équipe transversale à la DGOS, rattachée à la directrice générale Cécile Courrèges, qui travaille en lien avec d’autres directions du ministère et d’autres bureaux au sein de la DGOS. « Notre rôle a consisté à accompagner la réforme des GHT en œuvre sur l’ensemble du territoire », explique-t-elle. Le soutien de la mission se fait à plusieurs niveaux : elle mène des groupes de travail sur des thématiques particulières liées au décret des GHT (obligation de rédaction d’un projet médical partagé, organisation en filière, activités mutualisées, mises en commun de moyens…) avec des représentants et des personnes qualifiées pour outiller, rédiger des guides, des modèles de convention destinés à faciliter l’application concrète de la loi. L’ensemble de cet outillage est disponible en ligne sur le site internet des GHT (http://social-sante.gouv.fr/ght).

La mission travaille en lien avec les ARS, ses interlocuteurs privilégiés. « Elles peuvent nous solliciter sur des questions précises sur des dispositifs, et nous organisons des conférences téléphoniques et des rencontres à échéances fixes pour faire le suivi », précise Brigitte Scherb. Enfin, la mission élabore avec des partenaires comme l’EHESP ou l’ANAP des plans d’accompagnement nationaux : « le premier a permis d’aider les GHT à élaborer leur projet médicosoignant partagé en 2016, le deuxième, sur 2017-2018, a soutenu la mise en œuvre opérationnelle de ces projets par l’octroi de financement ad hoc via les ARS. »

Après deux ans et demi d’action, où en sont les GHT ? « La réforme est très exigeante et rapide, souligne la conseillère. Une grande partie des établissements se sont engagés, ils ont été au rendez-vous des jalons légaux. Pour certains, cette réforme a véritablement permis de dépasser les clivages traditionnels, de moderniser leur offre de soins en s’attachant à construire une stratégie publique collective sur le territoire. » S’il est encore trop tôt pour évaluer l’impact de la mise en place des GHT, la Mission GHT s’attache désormais à proposer des modalités de mesure d’impact et d’évaluation de la réforme sur trois volets : l’offre de soins, les patients et les personnels. « Avec le projet de loi santé en cours d’élaboration, le temps 2 des GHT va vers plus d’intégration mais de façon incitative en s’appuyant sur les propositions de ceux qui “veulent aller plus loin” », précise la conseillère.

* GHT : Groupements hospitaliers de territoire.

« Il y a une vraie place pour les paramédicaux »

Les paramédicaux sont globalement déçus du Plan santé présenté par le gouvernement en septembre dernier. Partagez-vous leur point de vue ?

→ On observe une certaine lassitude au sein du corps médical et paramédical, renforcée par les difficultés économiques, et des virages doivent être pris dans la transformation. Les médecins se sont exprimés, mais la voix des soignants porte aussi. Des progrès, comme la mise en place d’infirmière de pratique avancée, sont réels.

Aujourd’hui cet exercice est possible dans trois domaines d’intervention que sont les pathologies chroniques stabilisées et les polypathologies courantes en soins primaires, l’oncologie et l’hémato-oncologie et enfin la maladie rénale chronique, la dialyse, la transplantation rénale. Ce projet ambitieux est destiné à s’étendre à d’autres disciplines de soins comme la psychiatrie et la gériatrie. C’est un bon point.

Les GHT offrent-ils une place plus importante aux paramédicaux ?

→ Les GHT sont favorables aux métiers de coordination et de pratique avancée. Or les métiers de coordination sont essentiellement des métiers paramédicaux. Il y a donc une place à prendre ! Toute l’ingénierie des professions paramédicales est en train d’évoluer, l’universitarisation de la formation va changer la donne, changer le regard que l’on porte sur ces professions qui sont donc amenées à évoluer grandement. La porte est ouverte sur la pratique avancée dans des compétences et des savoirs cliniques qui leur sont propres. Je suis optimiste, il y a une vraie chance à saisir.

Tout ne se fait pas aussi vite car il y a un ensemble d’acteurs impliqués. Il faut apprendre à se coordonner et à s’entendre. Prendre une décision ensemble, c’est aussi savoir renoncer à certaines choses. Pour prendre ce virage, des changements de posture sont obligatoires : il faut travailler moins en silo, plus en équipe, de manière transversale. Certes on va moins vite quand on décide à plusieurs, mais le gain à terme est plus important, c’est nécessaire et plus bénéfique au patient.

… et aux cadres en particulier ?

Les cadres de santé sont un maillon indiscutable dans l’organisation, bien que souvent pris entre le marteau et l’enclume… Ils ont besoin d’être soutenus pour faciliter cet exercice managérial exigeant. Pour cela, il faut leur donner de nouvelles méthodes et alléger leurs contraintes.

Désormais on essaye de simplifier la gouvernance, et dans la même logique il faut maintenant en faire bénéficier les cadres de santé. Car si on fait évoluer les structures, il est nécessaire que le travail managérial évolue, que la notion de coordination se retrouve dans l’exercice de pilotage et de management.