Le secret professionnel 2e partie : le secret et ses limites | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 265 du 01/10/2018

 

DROIT

Gilles Devers  

Avocat à la Cour de Lyon

Le secret professionnel est général et absolu, mais la vie sociale est faite de complexité et de lourds enjeux, de telle sorte que des aménagements ont dû être trouvés au socle du secret, sans le dénaturer. Le principe du secret étant posé par la loi, celle-ci peut en définir les limites, sous forme d’exceptions légales.

Ces limites se retrouvent dans trois secteurs : les relations avec la justice et la police, les dérogations obligatoires et les dérogations facultatives, essentiellement dans le cas de maltraitances. Pour les dérogations obligatoires, il suffit de respecter ce que dit la loi, donc avoir des sources à jour. Pour les dérogations facultatives, la question est plus complexe car il faut, au cas par cas, construire un raisonnement.

SECRET, POLICE ET JUSTICE

Réquisitions

Dans le cadre de procédures judiciaires, la loi donne des pouvoirs d’investigation au procureur de la République, au juge d’instruction ou par, délégation, aux officiers de police judiciaire (OPJ). En application des articles 60 et 77-1 du Code de procédure pénale, s’il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, l’officier de police judiciaire a recours à toutes personnes qualifiées.

C’est le procédé de la réquisition, et le professionnel est tenu de déférer à la réquisition. Il agit ensuite en informant la personne concernée du cadre de son intervention, mais le refus de respecter la réquisition est une faute pénale et disciplinaire. La personne concernée peut toujours refuser l’examen ou les actes requis, vu le consentement et la protection de l’intimité, et le cas échéant les magistrats en tireront les conséquences.

Après examen, le professionnel remet un certificat qui doit se limiter à des conclusions répondant aux questions posées, sans entrer dans la discussion clinique, laquelle reste toujours couverte par le secret.

Par ailleurs, en application des articles 77-1-1 et 60-1 du Code de procédure pénale, un procureur « peut requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public, de toute administration qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l’enquête, y compris ceux issus d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, notamment sous forme numérique, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l’obligation au secret professionnel. Lorsque la réquisition concerne des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3 (avocat, journaliste, médecin), la remise des documents ne peut intervenir qu’avec leur accord ».

Ainsi le médecin se trouve dans le registre de l’exception, du fait de la sphère du secret. Il peut refuser, et dans ce cas sera engagée la procédure de saisie.

Saisies et perquisitions

Le Code de procédure pénale prévoit que « le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité ». En application de l’article 96 du Code de procédure pénale, il peut à ce titre procéder à la saisie d’objets ou de documents relatifs aux faits incriminés et « doit provoquer toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ».

En application de l’article 56-3, les perquisitions dans le cabinet d’un médecin ou dans un service hospitalier sont effectuées par un magistrat et en présence de la personne responsable de l’Ordre ou son représentant. C’est une procédure rodée par la pratique, et le représentant de l’Ordre a essentiellement pour rôle de vérifier que seuls les documents nécessaires sont saisis.

Lorsque la saisie du dossier a lieu sans perquisition, ce qui est un cas fréquent, le magistrat qui l’ordonne mandate un officier de police judiciaire (OPJ). La présence du représentant ordinal reste obligatoire.

Témoignages en justice

Interrogé ou cité comme témoin sur des faits connus de lui dans l’exercice de sa profession, le professionnel de santé doit se déférer à la convocation, prêter serment, répondre sur les questions générales, mais pour ce qui concerne les faits entrant dans la sphère du secret, il doit refuser de témoigner en invoquant le secret professionnel.

Au sein des membres d’une équipe, cette zone protégée peut varier de l’un à l’autre, en fonction des confidences confiées.

Le secret est d’ordre public, général et absolu, et la demande du patient ne peut délier le professionnel du secret (Crim., 8 avril 1998, n° 97-83656).

L’Ordre des médecins est très affirmatif  : « Dans le cas où le témoin est médecin et le prévenu son patient, le principe du secret médical prévaut. Le médecin n’a pas à répondre aux questions relatives aux informations couvertes par le secret médical. Ni le patient, ni le juge ne peuvent le délivrer de son obligation de respecter le secret médical. »

Cette attitude, qui n’est que l’application de la loi, sera souvent mal ressentie par les enquêteurs. Le praticien doit aussi savoir expliciter son point de vue sur la portée de la règle du secret. Dans un autre contexte, un professionnel de santé peut être sollicité par un patient pour rédiger une analyse de son dossier, sous forme d’une note qui servira dans une procédure en responsabilité ou pour faire valoir ses droits sociaux. C’est une demande qui est souvent présentée comme non sympathique, car elle peut avoir pour objet d’argumenter contre un collègue, mais c’est en réalité une demande normale, car elle participe à la défense des droits et doit être accueillie favorablement. Le professionnel se voit remettre les informations par le patient, et il n’y a donc pas d’atteinte au secret. Il doit accepter cette mission si la demande entre dans son champ de compétences, et rédiger son rapport de manière objective et non tendancieuse… ce qui ne l’empêche pas d’être critique, si la critique est raisonnée. Cette note d’analyse ne peut être remise qu’au patient lui-même.

Certificats produits en justice

Les certificats, qui en réalité ont la valeur d’attestations, concernent essentiellement les médecins mais peuvent jouer pour tous les professionnels de santé. Pour la rédaction, il faut en rester à deux principes :

• le professionnel peut librement décrire ce qu’il a personnellement constaté, mais il doit se limiter à son constat personnel et refuser les témoignages indirects, les extrapolations et les interprétations ;

• il ne peut remettre l’attestation qu’à la personne elle-même - donc ni à un enquêteur, ni à un avocat - et doit le préciser dans le document.

La personne concernée, qui elle n’est pas soumise au secret, pourra utiliser ce document comme elle le souhaitera. Ces constatations directes n’offrent qu’un éclairage partiel sur les faits mais ce certificat, complété par d’autres pièces, permettra de justifier le recours à une expertise, ordonnée par le juge.

Défense lors d’une procédure

Un professionnel de santé qui fait l’objet d’un procès visant à engager sa responsabilité civile ou pénale, à l’initiative d’un patient ou de sa famille, peut dans cette circonstance faire état de faits ou de documents couverts par le secret dans la mesure où ils sont nécessaires à la défense de ses droits. C’est donc une limitation adaptée et proportionnée du secret, et cette question doit être discutée par le professionnel avec son avocat.

Dans les procédures en responsabilité, la pratique générale des magistrats est d’ordonner des missions d’expertise judiciaire. L’expert reçoit les pièces du dossier par décision du juge, et en fonction de la demande initiale du patient, ce qui permet un examen de fond sans atteinte au secret. L’expertise résulte d’une décision de justice, et tous les points du dossier sont examinés contradictoirement pour pouvoir répondre aux questions du juge. Dans le cadre de sa défense, le professionnel de santé peut solliciter l’avis d’un autre professionnel, démarche utile pour disposer d’une base technique. Mais pour ce faire, il faut obtenir l’autorisation de la personne concernée pour transmettre le dossier médical, faute de quoi il y a une atteinte au secret. Si la personne refuse, il reste possible de venir à la réunion d’expertise accompagné de ce professionnel de santé, réunion lors de laquelle les éléments du dossier sont débattus de manière contradictoire.

LES DÉROGATIONS OBLIGATOIRES

Déclaration des naissances

En application de l’article 56 du Code civil, le médecin est tenu de déclarer à l’officier d’état civil la naissance d’un enfant à laquelle il a assisté, si cette déclaration n’est pas faite par le père (absent, décédé ou inconnu). Le médecin n’est pas obligé dans cette déclaration de révéler le nom de la mère. Lorsqu’un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l’état civil, l’officier de l’état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d’un certificat médical indiquant que l’enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès (art. 79-1 du Code civil).

Déclaration des décès

L’autorisation de fermeture du cercueil ne peut être délivrée qu’au vu d’un certificat, établi par un médecin, attestant le décès (art. L. 2223-42 du Code général des collectivités territoriales).

Ce certificat, rédigé sur un modèle établi par le ministère chargé de la Santé, précise la ou les causes du décès. En cas de mort violente ou suspecte, le médecin cochera sur l’imprimé du certificat de décès la case “obstacle médico-légal”. Le permis d’inhumer ne pourra alors être délivré que par l’autorité judiciaire après enquête.

Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées aux ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, ce sauf volonté contraire exprimée par le patient avant son décès. Par ailleurs, en cas de diagnostic ou de pronostic grave, et sauf opposition du malade, la famille et les proches peuvent recevoir du médecin responsable les informations leur permettant de soutenir leur proche directement (art. L. 1110-4 du Code de la santé publique et art. L. 161-36-1-A du Code de la Sécurité sociale).

Déclaration des maladies contagieuses

En application de l’article L. 3113-1 du Code de la santé publique, font l’objet d’une transmission obligatoire de données individuelles à l’autorité sanitaire par les médecins et les responsables des services et laboratoires d’analyse de biologie médicale publics et privés les maladies qui nécessitent une intervention urgente locale, nationale ou internationale, et celles dont la surveillance est nécessaire à la conduite et à l’évaluation de la politique de santé publique. Les articles D. 3113-6 et D. 3113-7 du Code de la santé publique, pris après avis du Haut Conseil de la santé publique, dressent la liste des maladies à déclaration obligatoire.

Autres cas de dérogations

De nombreux autres cas de dérogations sont prévus par la loi, notamment pour l’admission en soins psychiatriques (art. L. 3212- 1 à L. 3213-10 du Code de la santé publique), les accidents du travail et les maladies professionnelles (art. L. 441-6 et L. 461-5 du Code de la Sécurité sociale), la protection de la santé des sportifs et la lutte contre le dopage (art. L. 232-3 du Code du sport), la veille et l’alerte sanitaires (art. L. 1413-4 et L. 1413-5 du Code de la santé publique).

S’agissant de la question fort délicate de la protection des majeurs, jouent deux dispositions distinctes et complémentaires du Code de la santé publique :

• article L. 3211-6, 1er alinéa  : « Le médecin qui constate que la personne à laquelle il donne ses soins a besoin, pour l’une des causes prévues à l’article 425 du Code civil, d’être protégée dans les actes de la vie civile peut en faire la déclaration au procureur de la République du lieu de traitement. Cette déclaration a pour effet de placer le malade sous sauvegarde de justice si elle est accompagnée de l’avis conforme d’un psychiatre. » ;

• article L. 3211-6, 2e alinéa  : « Lorsqu’une personne est soignée dans un établissement de santé, le médecin est tenu, s’il constate que cette personne se trouve dans la situation prévue à l’alinéa précédent, d’en faire la déclaration au procureur de la République du lieu de traitement. Cette déclaration a pour effet de placer le malade sous sauvegarde de justice. Le représentant de l’État dans le département doit être informé par le procureur de la mise sous sauvegarde. »

LES DEROGATIONS FACULTATIVES

Évaluation et plan personnalisé de compensation du handicap (CASF, art. L. 241-10)

Selon l’article L. 241-10 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), et par exception au régime du secret professionnel (art. 226-13 du Code pénal), les membres de l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) peuvent :

• dans la limite de leurs attributions, échanger entre eux tous éléments ou informations à caractère secret dès lors que leur transmission est strictement limitée à ceux qui sont nécessaires à l’évaluation de la situation individuelle de la personne handicapée et à l’élaboration de son plan personnalisé de compensation du handicap ;

• communiquer aux membres de la CDAPH (commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées) tous éléments ou informations à caractère secret dès lors que leur transmission est strictement limitée à ceux qui sont nécessaires à la prise de décision ;

• échanger avec les professionnels des établissements sociaux et médico-sociaux où la personne handicapée est accueillie les informations nécessaires relatives à sa situation, dès lors que la personne handicapée, ou son représentant légal dûment averti, a donné son accord.

Objectivement, ces dispositions, issues de la loi du 28 juillet 2011, ont autorisé avec beaucoup de facilité l’échange d’informations à caractère secret entre des professionnels médicaux et non médicaux. Il est certain que la loi dégage ses effets, et que cette dérogation joue, la loi pouvant créer des exceptions à un régime légal, mais la réalité est que ce texte n’est pas en conformité avec les principes et toute la protection due aux confidences faites aux professionnels de santé.

Sévices ou privations infligés à un mineur ou à une personne incapable de se protéger (Code pénal, art. 226-14, 2°)

Dénonciation et secret

Contrairement à une prétention trop souvent entendue, le droit pénal n’est pas l’affaire des victimes. Certes, la victime de l’infraction dispose de droits spécifiques dans le procès pénal, mais la base du raisonnement est que le droit pénal intéresse toute la société. L’infraction est une conduite antisociale, ce qui justifie une répression exercée au nom de la société, sous la direction du procureur de la République, et avec le prononcé de peines d’ordre général telles que l’emprisonnement ou l’amende.

Dans cette logique, toute personne témoin d’une infraction - et pas seulement la victime - est habilitée à aviser les autorités judiciaires, à charge pour elles de faire ce qui est adapté.

S’agissant des sévices ou privations infligés à un mineur ou à une personne incapable de se protéger, la loi va plus loin car elle sanctionne la non-dénonciation comme une infraction… et cette règle vient en conflit avec le secret. Cette question, qui est un cas pratique récurrent pour les professionnels de santé, mérite un examen attentif, et cet examen résulte de l’analyse des textes.

Le texte de base est l’article 434-3 du Code pénal  :

• « Le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n’ont pas cessé est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

• « Lorsque le défaut d’information concerne une infraction mentionnée au premier alinéa commise sur un mineur de quinze ans, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

• « Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l’article 226-13. »

Les choses sont claires avec les alinéas 1 et 2, qui concernent toutes les personnes n’étant pas en situation de secret professionnel. Le texte est précis. Il vise les privations, les mauvais traitements ou les agressions ou atteintes sexuelles, lorsque ces faits sont infligés à des personnes en situation de vulnérabilité : un mineur ou une personne en état de faiblesse due à l’âge, la maladie, l’infirmité, la déficience physique ou psychique ou un état de grossesse. La personne doit informer les autorités judiciaires ou administratives, et donc contacter la police, le procureur ou un service public de protection. Attention, il ne s’agit pas de délation : on dénonce des faits, et c’est la police qui identifiera les coupables.

Le dernier alinéa pose la limite  : les personnes astreintes au secret sont exceptées de ces dispositions, mais sous réserve de quelques exceptions qui sont prévues par l’article 226-14.

Ces règles ne sont pas limitées à un “secret médical” ni aux médecins. Ce sont des règles générales. Ainsi, la solution est certaine : le professionnel de santé qui, dans le cadre de son exercice, reçoit des confidences ou acquiert la connaissance de sévices, mauvais traitements ou agressions sexuelles sur des personnes vulnérables n’est pas tenu de les dénoncer. La règle surprend mais elle est logique, et en cohérence avec la force du secret : l’important est que la victime parle, et elle y parviendra d’autant mieux si elle sait que ses confidences resteront dans la sphère du secret, qu’il n’y aura pas d’enclenchement automatique de l’enquête pénale. L’article 44 du Code de déontologie qui porte sur les sévices stipule  : « Lorsqu’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique, [le médecin] alerte les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience. »

Dénonciation et protection

Le secret n’a pas pour but l’impunité : les auteurs des violences doivent être poursuivis, et le professionnel de santé qui a recueilli les confidences va souvent aider à la dénonciation pénale. Mais il y a un grand seuil entre les premières confidences d’une victime et le renforcement du contexte permettant l’engagement de l’enquête dans de bonnes conditions. Des plaintes précipitées posent des problèmes sérieux et à tous : aux victimes, à la police, et à des personnes pouvant être accusées à tort. Ainsi, le fait que les confidences aient été recueillies dans le cadre du secret permet d’aménager le temps nécessaire pour une dénonciation dans les meilleures conditions.

Pour autant, cet aménagement butte sur une autre réalité, à savoir l’exposition au danger de la victime. Le respect de ce temps, pour permettre le recueil apaisé des déclarations et pour se préparer à l’enquête pénale, n’est envisageable que si, pendant ce délai, la victime n’est pas exposée au renouvellement de l’infraction. Pour ces personnes vulnérables, la priorité absolue est la protection, avec une mise à l’abri par une hospitalisation ou une admission dans un foyer. Mais laisser un enfant victime rentrer auprès de son agresseur constitue l’infraction de nonassistance à personne en danger, sanctionnée par l’article 223-6 du Code pénal. De telle sorte, s’il n’existe aucune possibilité de mise à l’abri, la solution sera la dénonciation par le professionnel de santé, en associant au mieux la victime.

Dans de telles circonstances, c’est souvent le médecin qui est en situation de procéder au signalement, mais tout professionnel de santé peut le faire. Sur le plan pratique, le praticien cherchera à contacter le service du procureur de la République, et un modèle de signalement est disponible sur le site Internet du Conseil national de l’Ordre des médecins. En cas d’urgence, il est possible d’être mis en contact avec le procureur de permanence en téléphonant à policesecours, au 17.

En application de l’article 226-14-2°, si les informations permettent juste de « présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises », la dénonciation ne peut être adressée qu’avec l’accord de la victime, sauf si celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique. Le professionnel informe la cellule départementale de recueil et d’évaluation de l’information préoccupante (Crip), qui est rattachée au président du conseil départemental.

Dénonciations abusives

Les équipes de santé ont été marquées par des procédures pénales engagées contre elles pour des dénonciations abusives, à la suite d’affaires mal engagées et classées sur le plan pénal. C’est une situation complexe, et chacun peut comprendre que celui qui a été accusé à tort, supportant une enquête pénale inquisitoriale et une charge morale lourde, se pose la question de la responsabilité du dénonciateur. Le risque est réel… mais pour autant assez limité si les consi gnes de la loi sont prises en compte.

C’est tout d’abord le rejet des dénonciations immédiates, alors que l’exemption offerte par le secret permet le temps de la réflexion, de l’affirmation et de la préparation. C’est ensuite la différence entre le signalement de faits et l’imputation à des personnes, qui fait passer de la dénonciation, légitime, à la délation, toujours illégitime.

Par ailleurs, et d’une manière générale, le Code pénal ne sanctionne pas toute plainte restée sans suite. La victime, de bonne foi, peut se tromper ou ne pas convaincre le juge. Aussi, le délit de dénonciation calomnieuse est défini de manière restrictive. Il suppose une dénonciation spontanée, dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que le dénonciateur sait totalement ou partiellement inexact (Crim., 12 janvier 2016, n° 14-86710). Pour retenir l’infraction, la juridiction doit démontrer la mauvaise foi du dénonciateur, laquelle exige, pour être constituée, la constatation de la connaissance de la fausseté du fait dénoncé au moment de la dénonciation (Crim., 30 mars 2016, n° 15-81660 ; Crim., 15 novembre 2016, n° 15-80746).

Ces règles générales ont été renforcées pour les personnes tenues au secret par le dernier alinéa de l’article 226-14 du Code pénal : le signalement aux autorités compétentes « ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi ».

Protection des mineurs en danger ou risquant de l’être

La loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance donne un cadre légal au partage des informations préoccupantes concernant les enfants en danger ou en risque de danger, entre les professionnels chargés de la protection de l’enfance.

L’article L. 226-2-2 du Code de l’action sociale et des familles stipule : « Par exception à l’article 226-13 du Code pénal, les personnes soumises au secret professionnel qui mettent en œuvre la politique de protection de l’enfant définie à l’article L. 112-3 ou qui lui apportent leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d’évaluer une situation individuelle, de dé terminer et de mettre en œuvre les actions de protection dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l’accomplissement de la mission de protection de l’enfance. Le père, la mère, toute autre personne exerçant l’autorité parentale, le tuteur, l’enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l’intérêt de l’enfant. » La cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation de l’information préoccupante (Crip) rassemble et analyse les informations y compris médicales qui lui parviennent et qui laissent craindre que la santé, la sécurité du mineur sont en danger ou que les conditions de son éducation, de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises.

Les informations à caractère médical restent couvertes par le secret médical mais doivent pouvoir faire l’objet d’échanges entre médecins.

Lorsque le danger présente un caractère de gravité et/ou d’urgence, le médecin procède à un signalement auprès du procureur de la République dans les conditions décrites ci-dessus.