De l’intérêt de s’étonner - Objectif Soins & Management n° 264 du 01/08/2018 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 264 du 01/08/2018

 

Actualités

Lisette Gries  

Quand ils se trouvent face à une situation inattendue, les soignants sont poussés à sortir de leur zone de confort pour enrichir leurs connaissances. C’est le constat que formule Joris Thievenaz, maître de conférence en sciences de l’éducation à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris). Lors de son intervention lors des Journées nationales du Cefiec, consacrée à l’étonnement comme ouvreur de pensées et inducteur de mobilité, il a abordé la question de l’acquisition de l’expérience tout au long de la vie professionnelle. « Autrement dit, c’est la question des conditions dans lesquelles un praticien devient réflexif qui est posée, a-t-il expliqué. Je privilégie un angle d’approche centré sur le processus d’étonnement. L’hypothèse de travail, c’est que les situations qui provoquent l’étonnement jouent un rôle décisif dans les apprentissages professionnels. Ce sont des instants féconds sur lesquels on peut travailler. »

Pour Joris Thievenaz, l’étonnement se distingue de la surprise : si la surprise résulte de l’apparition d’un phénomène inattendu, l’étonnement suppose un processus de raisonnement sur les causes de ce phénomène. « Quelqu’un qui s’étonne va remettre en cause les allant-de-soi, questionner ce qu’il tenait pour vrai ou acquis », précise-t-il. Les formateurs et les cadres sur le terrain peuvent donc s’appuyer sur ces moments pour aider les soignants à se poser des questions et à entrer dans une démarche d’enquête.

Oser douter

Pour provoquer cet étonnement, il faut que trois conditions soient réunies. Premièrement, une situation inattendue doit survenir ; deuxièmement, elle doit survenir dans le cadre d’habitudes déjà acquises ; et enfin, il faut que le sujet puisse accueillir l’idée du doute. « Dans leurs stages, les étudiants ont-ils assez de temps pour s’étonner ? Peuvent-ils exprimer leur étonnement sans craindre d’être mal vus par leur tuteur ou leurs collègues ? », interroge Joris Thievenaz.

Ainsi, le chercheur dresse une liste des conditions que les cadres, formateurs ou sur le terrain, peuvent aménager pour favoriser les situations d’étonnement. En premier lieu, il recommande d’instaurer une culture collective qui met l’étonnement au centre et dans laquelle les apprenants ont les moyens de verbaliser leur étonnement. Il préconise aussi d’avoir recours aux jeux de rôle en Ifsi pour recréer les conditions d’un moment vécu en stage et arrêter le cours des choses pour engager la réflexion. Enfin, il suggère de mettre en place des journaux d’étonnement, qui serviront à consigner les situations où le soignant a été surpris, étonné, voire mal à l’aise. Il met en revanche en garde contre l’usage de ces journaux dans les évaluations, afin qu’ils ne soient pas dévoyés.

ALLER PLUS LOIN

• De l’étonnement à l’apprentissage, Joris Thievenaz, De Boeck, 2017.