Territoires prescrits, parcours réels - Objectif Soins & Management n° 259 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 259 du 01/10/2017

 

Actualités

Sylvie Gervaise  

GHT Comprendre le contexte pour mieux répondre collectivement aux usagers et aux professionnels, dans le respect des hommes.

Si la notion de maillage territorial, associée à la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT), est une préoccupation des acteurs de santé d’aujourd’hui, les 15es journées d’étude des directeurs de soins, du 20 au 22 septembre 2017, ont permis aux 500 participants, réunis à Deauville (Calvados), de faire le point sur l’évolution des territoires et de leurs déterminants contextuels, pour mettre leur fonction en perspective.

Territoire et santé

Après que l’existence de l’ambulatoire et de la promotion de la prévention a déjà été pointée au XIXe siècle, les raisons sociales (inégalités profondes), sanitaires (épidémies) ou économiques motivent depuis les changements de configuration des territoires. L’origine des GHT, rappelle le Pr Emmanuel Vigneron(1), peut être située dans les fondements de la loi Boulin en 1970, qui préconisait les groupements interhospitaliers de territoire. Mais quelle que soit leur temporalité, leur viabilité dépend de la pédagogie qui les accompagne. Leur objectif, s’il n’est pas compris par les acteurs appelés à le construire collectivement et à le faire vivre, sera difficile voire impossible à atteindre. Et dans ce collectif, fait remarquer Nadia Peoc’h(2), l’usager tient une place prépondérante, sans lequel coordination et animation de réseau sont compromis.

Directeur de soins ou la capacité à gérer les écarts

Le directeur des soins a pour enjeu managérial la rationalité dans l’organisation des soins, mais cette rationalisation peut affecter ses valeurs ou ses intentions. Il lui faut percevoir l’écart existant entre le prescrit et le vécu, ce qui génère des tensions. « Il est à la fois dedans et dehors », explique Marc Grassin(3) pour expliquer la complexité de la fonction. On attend du directeur des soins qu’il porte le projet de gouvernance clinique territoriale, qui implique un partage de culture de la performance au service des malades. Ce qui impose d’instaurer une écoute, d’adopter une manière de dire à l’autre qu’il y a toujours un ajustement possible. D’autant que les changements de configuration du territoire sont constants, en lien avec la mondialisation : les nouvelles technologies font bouger les limites des territoires, modifications du rapport au temps, à l’espace, à la connaissance de l’autre.

Le défi du directeur des soins peut se résumer par la mise en place de ce qui va permettre de faire que les dispositifs performants instaurés répondent à la dimension humaine (patients, soignants, familles), tout en gérant les tensions et en régulant les émotions.

Une réforme douloureuse

Telle est souvent qualifiée par les acteurs la réforme du système de santé en France, ou la mise en place des GHT. Parce que vécue comme ne prenant pas en compte l’humain, et ne répondant qu’à une logique économique. L’expérience de la réforme du système de santé du Québec, présentée par Luc Boileau(4) et Carole Trempe(5), a plongé l’auditoire dans un silence de concentration et de sidération. En ce haut lieu du festival du cinéma américain, on aurait pu croire à une fiction en entendant qu’après les élections du 27 septembre 2014 au Québec, un décret, le 9 février 2015 (avec la mise en place au 1er avril), a annoncé les mesures drastiques prises pour la réforme du système de santé, comprenant la réduction de 30 % du programme de santé publique, la suppression de 25 % des cadres supérieurs en 24 heures, et la fusion en 34 entités des structures et établissements qui étaient encore plus de 600 en 1982…

(1) Professeur d’aménagement sanitaire, Université de Montpellier (Hérault).

(2) Directrice des soins, chercheur associé Université de Toulouse, Centre hospitalier du Val d’Ariège.

(3) Philosophe, docteur en éthique médicale, Institut Vaugirard, Paris.

(4) Président directeur général, Institut national d’excellence en santé et services sociaux, Québec.

(5) Présidente directrice générale de l’Association des cadres supérieurs de santé et des services sociaux du Québec.

Association des cadres supérieurs de santé et des services sociaux du Québec

Carole Trempe est présidente directrice générale de cette association. Les adhérents sont les directeurs de ressources humaines, de soins infirmiers, des finances, de services sociaux, occupant une fonction de gestion de haut niveau stratégique. Contrairement à la France, il n’y a pas d’équivalence avec l’École des hautes études en santé publique, qui forme les directeurs d’hôpitaux ou de soins.

L’association, qui existe depuis près de soixante ans, propose un module d’une semaine d’intégration (PICS : programme d’intégration pour les cadres supérieurs) aux adhérents à leur prise de fonction, permettant à chacun, grâce à des méthodes de simulation, de préparer des projets répondant à des situations concrètes.

Depuis le “choc” de 2015, les cadres supérieurs ne peuvent plus, faute de disponibilité, suivre ce type de séminaire. Le concept serait à repenser dans sa forme pour permettre la participation à distance.