Le décret de compétence commenté - Objectif Soins & Management n° 259 du 01/10/2017 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 259 du 01/10/2017

 

Droit

Gilles Devers  

Dans un droit de la santé mouvant, évolutif au point d’être parfois instable, trouver un texte pratiquement inchangé depuis bientôt quarante ans est une grande chance, et le signe de qualité. C’est le cas du fameux “décret de compétence”, dont la version initiale date de 1981(1), et qui, depuis, n’a évolué qu’à la marge(2). La base du métier infirmier résulte de ce texte solide et éprouvé par une pratique considérable. Analyse.

Il faut savoir venir et revenir au décret de compétence, prendre le temps de le lire et étudier… pour ne pas en rester aux us et coutumes professionnels, souvent justes, mais parfois dérivants au prétexte des contraintes du quotidien. C’est toute l’utilité de ce texte(3), qui défend une position avancée pour la profession infirmière, avec un principe : l’autonomie.

L’AUTONOMIE DE L’INFIRMIÈRE

Le plan du Code de la santé publique maintient une distinction entre professions médicales et auxiliaires médicaux – sans jamais avoir défini ce qu’est un auxiliaire médical ! – alors que le décret de compétence entérine une lecture bien différente, à savoir une vision autonome de la profession infirmière. L’idée selon laquelle l’infirmière agirait dans le cadre d’une délégation médicale, le médecin lui confiant qu’il n’a plus le temps de faire, ne repose sur aucun fondement juridique. Non, ce que dit le droit est simple et limpide : l’infirmière est la plus compétente dans le domaine des soins infirmiers, soins infirmiers qui s’apprécient comme une fonction globale alliant qualité technique et savoir-faire relationnel.

Le décret de compétence n’est pas un décret d’actes, comme s’il ne faisait que lister les actes. Il s’ouvre, avec l’article R. 4311-2, par une remarquable définition fonctionnelle – précise, noble et ambitieuse– qui est le pilier de l’édifice. Une mise en avant de la liste des actes tend à morceler la pratique, alors qu’il faut raisonner à partir de cette définition fonctionnelle. Le décret définit ensuite un large rôle propre, qui relève de l’initiative infirmière, rôle qui n’est pas dissocié du reste. Rien n’entérine une césure entre rôle propre et actes techniques. La véritable marque juridique est l’autonomie de l’infirmière dans la pratique des soins, et le rôle propre est un domaine d’autonomie renforcée. La prescription médicale n’est pas un ordre mais le passage d’une compétence à une autre. L’infirmière est maître d’œuvre de cette prescription, et en assume à ce titre la responsabilité. Cette implication est la garantie qu’elle doit au patient, comme une protection.

L’infirmière n’est ni dans l’exécution d’un ordre médical, ni dans la réalisation d’actes, mais toujours dans une prise en charge, et dans cette prise en charge, il y a toujours une part de rôle propre. Pour quelques actes seulement, le texte prévoit qu’un médecin puisse être en mesure d’intervenir en temps utile, du fait des risques pour l’état de santé. De même, le texte donne les coudées franches à l’infirmière pour gérer les situations d’urgence. Ainsi, la véritable ligne de ce texte est l’autonomie de l’infirmière, qui doit investir la mission que lui confie la loi : être la plus compétente pour les soins infirmiers. Le droit compte sur elle.

Article R. 4311-1 – Cadre général d’exercice

« L’exercice de la profession d’infirmier ou d’infirmière comporte l’analyse, l’organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d’éducation à la santé.Dans l’ensemble de ces activités, les infirmiers et infirmières sont soumis au respect des règles professionnelles et notamment du secret professionnel.

Ils exercent leur activité en relation avec les autres professionnels du secteur de la santé, du secteur social et médico-social et du secteur éducatif. »

C’est surtout le premier alinéa du texte qui est intéressant, en posant d’emblée l’exercice de la profession comme une mission complète : analyse, organisation, réalisation des soins infirmiers, évaluation de leurs effets, recueil des données, transmission de l’information, dépistage, éducation thérapeutique… Des données qui sont détaillées par l’important article R. 4311-2.

Article R. 4311-2 – La fonction infirmière

« Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle :

de protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social ;

de concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l’effet de leurs prescriptions ;

de participer à l’évaluation du degré de dépendance des personnes ;

de contribuer à la mise en œuvre des traitementsen participant à la surveillance clinique et à l’application des prescriptions médicales contenues, le cas échéant, dans des protocoles établis à l’initiative du ou des médecins prescripteurs ;

de participer à la prévention, à l’évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et d’accompagner, en tant que de besoin, leur entourage. »

Cet article R. 4311-2 est fondamental… S’il ne fallait en garder qu’un seul, ce serait celui-là. Les dispositions législatives qui instituent la profession infirmière disent peu de choses, énonçant seulement que l’infirmière pratique les soins infirmiers(4)…, et la véritable définition juridique de la fonction infirmière se trouve avec cet article R. 4311-2. Or ce texte est souvent méconnu, ou relativisé. Non, il faut prendre le temps de le lire, et mesurer la puissance de chacun de ses alinéas. Être infirmière, c’est être R. 4311-2.

La référence à la liste d’actes est certes pratique et, dans un contexte tendu, elle rend de bons services pour faire respecter les compétences. Mais une infirmière n’est pas une faiseuse d’actes… C’est une professionnelle qui est la maître d’œuvre d’un soin technique et relationnel, et cet article R. 4311-2 devrait être encadré dans toutes les salles de soins. Il montre que la fonction infirmière existe par elle-même, et non pas parce qu’elle serait déclenchée par une prescription médicale.

Article R. 4311-3 – Définition du rôle propre

« Relèvent du rôle propre de l’infirmier ou de l’infirmière les soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes.Dans ce cadre, l’infirmier ou l’infirmière a compétence pour prendre les initiatives et accomplir les soins qu’il juge nécessaires conformément aux dispositions des articles R. 4311-5, R. 4311-5-1 et R. 4311-6. Il identifie les besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue. Il peut élaborer, avec la participation des membres de l’équipe soignante, des protocoles de soins infirmiers relevant de son initiative. Il est chargé de la conception, de l’utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers. »

Texte décisif que l’article R. 4311-3 instituant le rôle propre,… à condition de bien intégrer que ce texte ne vient qu’après celui qui définit la fonction infirmière. L’ordre est clair : il y a d’abord une fonction infirmière, avec l’idée d’une compétence autonome exerçant en équipe, puis un rôle propre. Ensuite, attention de ne pas scinder “rôle propre” et “rôle sur prescription”. Le rôle propre est général, car il donne un contenu concret à l’article 2, et s’applique chaque fois qu’il faut parer un manque d’autonomie. Bien sûr, le côté technique sera souvent prédominant, mais la technique sans le rôle propre n’est pas une bonne pratique. Parce qu’il s’agit de soins à la personne, il reste toujours cette part d’attention pour les fonctions d’entretien et de continuité de la vie. Vient l’essentiel : l’infirmière « identifie les besoins de la personne, pose un diagnostic infirmier, formule des objectifs de soins, met en œuvre les actions appropriées et les évalue ». Mesurons la portée de ces mots… et soulignons que c’est un devoir général. Le diagnostic infirmier n’est pas un petit diagnostic médical, il ne vise pas à identifier un peu les pathologies… Et l’avenir des infirmières n’est pas de devenir de petits médecins, ou des aides-médecins. L’avenir, c’est d’assumer cette mission de compréhension des besoins en soins du patient, pour assurer la meilleure réponse, technique et humaine.

Les infirmiers sont habilités à écrire des protocoles de soins. Ce qui signifie qu’il y a deux types de protocoles : le protocole médical, comme une rationalisation de la prescription médicale, discuté avec les infirmières et permettant à l’infirmière les adaptations adéquates, et le protocole infirmier, comme une affirmation de la compétence de l’équipe infirmière compte tenu de son expérience, confortant le travail en équipe et la continuité des soins. Alors, oui, il faut écrire des protocoles infirmiers.

La gestion du dossier infirmier fait partie du rôle propre. C’est une obligation, et l’absence de dossier infirmier renvoie à la responsabilité de l’infirmier. Les actes de la prise en charge et les observations tangibles doivent figurer dans ce dossier, qui ne doit pas être bavard mais sincère. Le dossier n’est pas un instrument médico-légal, mais une garantie pour la qualité des soins et une signature de fidélité pour les patients.

Article R. 4311-4 – Collaboration avec les aides-soignants

« Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social, l’infirmier ou l’infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d’aides-soignants, d’auxiliaires de puériculture ou d’aides médico-psychologiques qu’il encadre et dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation. Cette collaboration peut s’inscrire dans le cadre des protocoles de soins infirmiers mentionnés à l’article R. 4311-3. »

C’est là encore un texte d’une excellente qualité, et sa lecture simplifie beaucoup de débats, d’inquiétudes, et remet au carré bien des travers de fonctionnement…

Le texte parle de “collaboration” et non pas de “délégation”. La notion de soins délégués, si répandue, n’a pas de base juridique pour les infirmières. La délégation, c’est faire quelque chose à la place d’un autre, alors que la collaboration, c’est organiser un travail en équipe. L’infirmière ne délègue rien à l’aide-soignante, mais organise une collaboration, laquelle peut être large en fonction de l’expérience, mais l’infirmière reste toujours en relation avec le patient… et toujours en situation de responsabilité.

Par ailleurs, cette collaboration s’exerce dans le cadre des compétences reconnues par la formation à l’aide-soignante, et il s’agit de la formation issue des programmes d’enseignement(5). Les compétences acquises sur le terrain via les glissements de tâches, dans l’illégalité, ne peuvent faire l’objet d’une collaboration valable. Ce, d’autant plus que désormais la loi permet désormais, à partir de l’élaboration d’un programme structuré et d’une validation par la Haute Autorité de santé, de procéder à des extensions légales de compétence(6).

Article R. 4311-5 – Soins du rôle propre

« Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier ou l’infirmière accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage :

soins et procédés visant à assurer l’hygiène de la personne et de son environnement ;

surveillance de l’hygiène et de l’équilibre alimentaire ;

dépistage et évaluation des risques de maltraitance ;

aide à la prise des médicaments présentés sous forme non injectable ;

vérification de leur prise ;

surveillance de leurs effets et éducation du patient ;

administration de l’alimentation par sonde gastrique, sous réserve des dispositions prévues à l’article R. 4311-7 et changement de sonde d’alimentation gastrique ;

soins et surveillance de patients en assistance nutritive entérale ou parentérale ;

surveillance de l’élimination intestinale et urinaire et changement de sondes vésicales ;

10° soins et surveillance des patients sous dialyse rénale ou péritonéale ;

11° soins et surveillance des patients placés en milieu stérile ;

12° installation du patient dans une position en rapport avec sa pathologie ou son handicap ;

13° préparation et surveillance du repos et du sommeil ;

14° lever du patient et aide à la marche ne faisant pas appel aux techniques de rééducation ;

15° aspirations des sécrétions d’un patient qu’il soit ou non intubé ou trachéotomisé ;

16° ventilation manuelle instrumentale par masque ;

17° utilisation d’un défibrillateur semi-automatique et surveillance de la personne placée sous cet appareil ;

18° administration en aérosols de produits non médicamenteux ;

19° recueil des observations de toute nature susceptibles de concourir à la connaissance de l’état de santé de la personne et appréciation des principaux paramètres servant à sa surveillance : température, pulsations, pression artérielle, rythme respiratoire, volume de la diurèse, poids, mensurations, réflexes pupillaires, réflexes de défense cutanée, observations des manifestations de l’état de conscience, évaluation de la douleur ;

20° réalisation, surveillance et renouvellement des pansements non médicamenteux ;

21° réalisation et surveillance des pansements et des bandages autres que ceux mentionnés à l’article R. 4311-7 ;

22° prévention et soins d’escarres ;

23° prévention non médicamenteuse des thromboses veineuses ;

24° soins et surveillance d’ulcères cutanés chroniques ;

25° toilette périnéale ;

26° préparation du patient en vue d’une intervention, notamment soins cutanés préopératoires ;

27° recherche des signes de complications pouvant survenir chez un patient porteur d’un dispositif d’immobilisation ou de contention ;

28° soins de bouche avec application de produits non médicamenteux ;

29° irrigation de l’œil et instillation de collyres ;

30° participation à la réalisation des tests à la sueur et recueil des sécrétions lacrymales ;

31° surveillance de scarifications, injections et perfusions mentionnées aux articles R. 4311-7 et R. 4311-9 ;

32° urveillance de patients ayant fait l’objet de ponction à visée diagnostique ou thérapeutique ;

33° pose de timbres tuberculiniques et lecture ;

34° détection de parasitoses externes et soins aux personnes atteintes de celles-ci ;

35° surveillance des fonctions vitales et maintien de ces fonctions par des moyens non invasifs et n’impliquant pas le recours à des médicaments ;

36° surveillance des cathéters, sondes et drains ;

37° participation à la réalisation d’explorations fonctionnelles, à l’exception de celles mentionnées à l’article R. 4311-10, et pratique d’examens non vulnérants de dépistage de troubles sensoriels ;

38° participation à la procédure de désinfection et de stérilisation des dispositifs médicaux réutilisables ;

39° recueil des données biologiques obtenues par des techniques à lecture instantanée suivantes :

a) urines : glycosurie acétonurie, protéinurie, recherche de sang, potentiels en ions hydrogène, pH ;

b) sang : glycémie, acétonémie ;

40° entretien d’accueil privilégiant l’écoute de la personne avec orientation si nécessaire ;

41° aide et soutien psychologique ;

42° observation et surveillance des troubles du comportement. »

Quarante-deux actes… C’est une liste assez impressionnante. Elle a parfois été présentée à partir d’un critère négatif, comme regroupant les actes qui ne comportent pas de percement de la peau ou d’introduction d’instruments au sein du corps. Certes. Mais le critère premier est positif, traçant un cadre d’excellence pour percevoir et répondre aux demandes et aux besoins du patient.

Ainsi, il définit de manière concrète ce qu’il faut entendre par la protection de l’intimité du patient, notamment par la prise en compte des éléments personnels et psychologiques, la perception de l’environnement, le discernement des informations sur le comportement, la vigilance vis-à-vis de toute forme de maltraitance, et également tous les éléments d’assistance que comporte le soin, jusqu’à la recherche du meilleur confort… Toutes données nécessaires pour que se crée une bonne relation de soins.

Enfin, le texte décrit un professionnel en lien avec les autres, qui identifie nombre de points qu’il est le mieux placé pour observer, et transmet l’information, pour permettre l’adaptation du traitement.

Article R. 4311-6 – Santé mentale

« Dans le domaine de la santé mentale, outre les actes et soins mentionnés à l’article R. 4311-5, l’infirmier ou l’infirmière accomplit les actes et soins suivants :

entretien d’accueil du patient et de son entourage ;

activités à visée sociothérapeutique individuelle ou de groupe ;

surveillance des personnes en chambre d’isolement ;

surveillance et évaluation des engagements thérapeutiques qui associent le médecin, l’infirmier ou l’infirmière et le patient. »

Cet article laisse un sentiment d’inachevé. Il aurait été plus logique de compléter l’article sur le rôle propre, car la prise en charge en santé mentale est en continuité. De plus, le texte est objectivement réducteur : la forte spécificité du travail infirmier en psychiatrie n’est pas traitée, et il faut donc réfléchir à partir des missions de base, à savoir la fonction infirmière de l’article R. 4311-2.

Article R. 4311-7 – Soins sur prescription

« L’infirmier ou l’infirmière est habilité à pratiquer les actes suivants soit en application d’une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d’un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin :

1° scarifications, injections et perfusions autres que celles mentionnées au deuxième alinéa de l’article R. 4311-9, instillations et pulvérisations ;

2° scarifications et injections destinées aux vaccinations ou aux tests tuberculiniques ;

3° mise en place et ablation d’un cathéter court ou d’une aiguille pour perfusion dans une veine superficielle des membres ou dans une veine épicrânienne ;

4° surveillance de cathéters veineux centraux et de montages d’accès vasculaires implantables mis en place par un médecin ;

5° injections et perfusions, à l’exclusion de la première, dans ces cathéters ainsi que dans les cathéters veineux centraux et ces montages :

a) de produits autres que ceux mentionnés au deuxième alinéa de l’article R. 4311-9 ;

b) de produits ne contribuant pas aux techniques d’anesthésie générale ou locorégionale mentionnées à l’article R. 4311-12.

Ces injections et perfusions font l’objet d’un compte rendu d’exécution écrit, daté et signé par l’infirmier ou l’infirmière et transcrit dans le dossier de soins infirmiers ;

6° administration des médicaments sans préjudice des dispositions prévues à l’article R. 4311-5 ;

7° pose de dispositifs transcutanés et surveillance de leurs effets ;

8° renouvellement du matériel de pansements médicamenteux ;

9° réalisation et surveillance de pansements spécifiques ;

10° ablation du matériel de réparation cutanée ;

11° pose de bandages de contention ;

12° ablation des dispositifs d’immobilisation et de contention ;

13° renouvellement et ablation des pansements médicamenteux, des systèmes de tamponnement et de drainage, à l’exception des drains pleuraux et médiastinaux ;

14° pose de sondes gastriques en vue de tubage, d’aspiration, de lavage ou d’alimentation gastrique ;

15° pose de sondes vésicales en vue de prélèvement d’urines, de lavage, d’instillation, d’irrigation ou de drainage de la vessie, sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l’article R. 4311-10 ;

16° instillation intra-urétrale ;

17° injection vaginale ;

18° pose de sondes rectales, lavements, extractions de fécalomes, pose et surveillance de goutte-à-goutte rectal ;

19° appareillage, irrigation et surveillance d’une plaie, d’une fistule ou d’une stomie ;

20° soins et surveillance d’une plastie ;

21° participation aux techniques de dilatation de cicatrices ou de stomies ;

22° soins et surveillance d’un patient intubé ou trachéotomisé, le premier changement de canule de trachéotomie étant effectué par un médecin ;

23° participation à l’hyperthermie et à l’hypothermie ;

24° administration en aérosols et pulvérisations de produits médicamenteux ;

25° soins de bouche avec application de produits médicamenteux et, en tant quede besoin, aide instrumentale ;

26° lavage de sinus par l’intermédiaire de cathéters fixés par le médecin ;

26° bains d’oreilles et instillations médicamenteuses ;

26° enregistrements simples d’électrocardiogrammes, d’électro-encéphalogrammes et de potentiels évoqués sous réserve des dispositions prévues à l’article R. 4311-10 ;

29° mesure de la pression veineuse centrale ;

30° vérification du fonctionnement des appareils de ventilation assistée ou du monitorage, contrôle des différents paramètres et surveillance des patients placés sous ces appareils ;

31° pose d’une sonde à oxygène ;

32° installation et surveillance des personnes placées sous oxygénothérapie normobare et à l’intérieur d’un caisson hyperbare ;

33° branchement, surveillance et débranchement d’une dialyse rénale, péritonéale ou d’un circuit d’échanges plasmatique ;

34° saignées ;

35° prélèvements de sang par ponction veineuse ou capillaire ou par cathéter veineux ;

36° prélèvements de sang par ponction artérielle pour gazométrie ;

37° prélèvements non sanglants effectués au niveau des téguments ou des muqueuses directement accessibles ;

38° prélèvements et collecte de sécrétions et d’excrétions ;

39° recueil aseptique des urines ;

40° transmission des indications techniques se rapportant aux prélèvements en vue d’analyses de biologie médicale ;

41° soins et surveillance des personnes lors des transports sanitaires programmés entre établissements de soins ;

42° entretien individuel et utilisation au sein d’une équipe pluridisciplinaire de techniques de médiation à visée thérapeutique ou psychothérapique ;

43° mise en œuvre des engagements thérapeutiques qui associent le médecin, l’infirmier ou l’infirmière et le patient, et des protocoles d’isolement. »

Un article qui ne pose pas de problème, à partir du moment où il n’en est pas fait un prétexte pour créer une césure entre le rôle propre, qui serait à “déléguer” à l’aide-soignante, et le rôle infirmier, technique, donc sérieux…

Sur le plan opératoire, à noter le rappel des règles de la prescription « écrite, qualitative et quantitative, datée et signée », sauf urgence(7). Les prescriptions orales restent une plaie, pour dire les choses simplement : elles sont indéfendables.

Article R. 4311-8 – Traitements antalgiques

« L’infirmier ou l’infirmière est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques, dans le cadre des protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin. Le protocole est intégré dans le dossier de soins infirmiers. »

Cet article ne s’imposait pas, car il n’est qu’une mise en œuvre des principes : le protocole médical permet les évolutions et les adaptations du traitement, mais il était nécessaire de sensibiliser à la lutte contre la douleur et, à ce titre, ce texte garde son utilité.

Article R. 4311-9 – Soins sur prescriptions, avec présence utile du médecin

« L’infirmier ou l’infirmière est habilité à accomplir sur prescription médicale écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, les actes et soins suivants, à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment :

injections et perfusions de produits d’origine humaine nécessitant, préalablement à leur réalisation, lorsque le produit l’exige, un contrôle d’identité et de compatibilité obligatoire effectué par l’infirmier ou l’infirmière ;

injections de médicaments à des fins analgésiques dans des cathéters périduraux et intrathécaux ou placés à proximité d’un tronc ou d’un plexus nerveux, mis en place par un médecin et après que celui-ci a effectué la première injection ;

préparation, utilisation et surveillance des appareils de circulation extracorporelle ;

ablation de cathéters centraux et intrathécaux ;

application d’un garrot pneumatique d’usage chirurgical ;

pose de dispositifs d’immobilisation ;

utilisation d’un défibrillateur manuel ;

soins et surveillance des personnes, en postopératoire, sous réserve des dispositions prévues à l’article R. 4311-12 ;

techniques de régulation thermique, y compris en milieu psychiatrique ;

10° cures de sevrage et de sommeil. »

Avec cet article, on trouve une liste limitée à dix actes, ce qui souligne l’autonomie de la fonction infirmière.

Pour tous les actes relevant du rôle propre et du rôle sur prescription, l’infirmière agit en autonomie. C’est seulement sur une poignée d’actes techniques qu’il faut la présence du médecin. Sur le plan pratique, il n’est pas demandé que le médecin soit physiquement présent, mais qu’il soit en capacité d’intervenir de manière utile.

Article R. 4311-10 – Participation aux techniques médicales

« L’infirmier ou l’infirmière participe à la mise en œuvre par le médecin des techniques suivantes :

première injection d’une série d’allergènes ;

premier sondage vésical chez l’homme en cas de rétention ;

enregistrement d’électrocardiogrammes et d’électroencéphalogrammes avec épreuves d’effort ou emploi de médicaments modificateurs ;

prise et recueil de pression hémodynamique faisant appel à des techniques à caractère vulnérant autres que celles mentionnées à l’article R. 4311-7 ;

actions mises en œuvre en vue de faire face à des situations d’urgence vitale ;

explorations fonctionnelles comportant des épreuves pharmacodynamiques, d’effort, de stimulation ou des tests de provocation ;

pose de systèmes d’immobilisation après réduction ;

activités, en équipe pluridisciplinaire, de transplantation d’organes et de greffe de tissus ;

transports sanitaires :

a) transports sanitaires urgents entre établissements de soins effectués dans le cadre d’un service mobile d’urgence et de réanimation ;

b) transports sanitaires médicalisés du lieu de la détresse vers un établissement de santé effectués dans le cadre d’un service mobile d’urgence et de réanimation ;

10° sismothérapie et insulinothérapie à visée psychiatrique. »

Cet article 10 est en rupture, car il ne décrit pas des soins infirmiers mais les modalités de participation de l’infirmière à des actes médicaux. Ce qui signifie aussi que la participation de l’infirmière aux actes médicaux est limitée à cette liste.

Article R. 4311-14 – Urgence

« En l’absence d’un médecin, l’infirmier ou l’infirmière est habilité, après avoir reconnu une situation comme relevant de l’urgence ou de la détresse psychologique, à mettre en œuvre des protocoles de soins d’urgence, préalablement écrits, datés et signés par le médecin responsable. Dans ce cas, l’infirmier ou l’infirmière accomplit les actes conservatoires nécessaires jusqu’à l’intervention d’un médecin. Ces actes doivent obligatoirement faire l’objet de sa part d’un compte rendu écrit, daté, signé, remis au médecin et annexé au dossier du patient.

En cas d’urgence et en dehors de la mise en œuvre du protocole, l’infirmier ou l’infirmière décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin. Il prend toutes mesures en son pouvoir afin de diriger la personne vers la structure de soins la plus appropriée à son état. »

Un article d’une rédaction remarquable, qui donne un excellent cadre juridique pour traiter les si délicates situations d’urgence, urgence qui inclut la détresse psychologique. Il revient à l’infirmier d’apprécier la situation, nouvelle expression de son diagnostic, pour s’organiser avec les protocoles de soins d’urgence et, si nécessaire, en prenant les décisions les plus adaptées pour préserver la santé du patient.

Article R. 4311-15 – Action de santé publique

« Selon le secteur d’activité où il exerce, y compris dans le cadre des réseaux de soins, et en fonction des besoins de santé identifiés, l’infirmier ou l’infirmière propose des actions, les organise ou y participe dans les domaines suivants :

formation initiale et formation continue du personnel infirmier, des personnels qui l’assistent et éventuellement d’autres personnels de santé ;

encadrement des stagiaires en formation ;

formation, éducation, prévention et dépistage, notamment dansle domaine des soins de santé primaires et communautaires ;

dépistage, prévention et éducation en matière d’hygiène, de santé individuelle et collective et de sécurité ;

dépistage des maladies sexuellement transmissibles, des maladies professionnelles, des maladies endémiques, des pratiques addictives ;

éducation à la sexualité ;

participation à des actions de santé publique ;

recherche dans le domaine des soins infirmiers et participation à des actions de recherche pluridisciplinaire.

Il participe également à des actions de secours, de médecine de catastrophe et d’aide humanitaire, ainsi qu’à toute action coordonnée des professions de santé et des professions sociales conduisant à une prise en charge globale des personnes. »

Cet article, le dernier du texte, apparaît comme une annexe, et c’est dommage : il serait préférable qu’il complète l’article 2, ce qui illustrerait la maîtrise considérable dont bénéficie en droit la profession infirmière.

CONCLUSION

De la lecture du décret de compétence, il s’évince comme une évidence que l’infirmière est tout sauf un auxiliaire médical. Elle doit s’affirmer comme la plus qualifiée dans ce domaine de compétence, en s’illustrant par sa dextérité et la qualité technique des actes, mais en incluant toujours les apports fondamentaux, qu’il s’agisse de l’écoute ou de la protection générale de la personne. La philosophie du droit, c’est l’autonomie infirmière pour mieux protéger l’autonomie du patient.

NOTES

(1) Décret n° 81-539 du 12 mai 1981 relatif à l’exercice de la profession d’infirmier.

(2) Modifié par le décret n° 93-345 du 15 mars 1993 et le décret n° 2002-194 du 11 février 2002. Voir également l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’État d’infirmier, et son annexe II sur le référentiel de compétences.

(3) Décret désormais inclus dans le Code de la santé publique, aux articles R. 4311-1 et suivants. À noter que le présent texte ne traite pas des articles propres aux spécialités, à savoir le bloc opératoire (article R. 4311-11 pour les compétences préférentielles, et article R. 4311-11-1 pour les compétences exclusives), l’anesthésie-réanimation (article R. 4311-12) etla puériculture (article R. 4311-13).

(4) Article L. 4311-1 du Code de la santé publique : « Est considérée comme exerçant la profession d’infirmière ou d’infirmier toute personne qui donne habituellement des soins infirmiers sur prescription ou conseil médical, ou en application du rôle propre qui lui est dévolu. L’infirmière ou l’infirmier participe à différentes actions, notamment en matière de prévention, d’éducation de la santé et de formation ou d’encadrement. »

(5) Programme de formation annexée à l’arrêté du 22 octobre 2005 relatif à la formation conduisant au diplôme d’État d’aide-soignant.

(6) Article 51 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009, inclus dans le Code de la santé publique, article L. 4011-1 et suivants.

(7) Arrêté du 6 avril 2011 relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé.