Un atelier chantier d’insertion a pour objectif d’assurer l’accueil, la formation et l’embauche de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles. À travers la trajectoire professionnelle d’Élodie, voici un parcours mené en alternance qui la prépare au concours d’entrée en Institut de formation d’aide-soignant (Ifas).
C’est par un partenariat entre l’hôpital Bichat – Claude-Bernard (AP-HP) et une association d’accompagnement contre l’exclusion que l’aventure commence. Cet échange a permis l’ouverture d’un atelier chantier d’insertion en 2014. L’association intervient dans l’accompagnement de publics fragilisés vers l’insertion sociale et professionnelle. L’objectif du dispositif pédagogique présenté dans cet article est d’accompagner une personne dans un processus d’insertion professionnelle. Il permet de proposer à une stagiaire une formation théorique auprès de l’association et une immersion professionnelle à mi-temps dans un service de soins.
C’est dans ce contexte que l’équipe pluridisciplinaire du service de psychiatrie-addictologie de l’hôpital Bichat – Claude-Bernard accueille en stage Élodie. Il s’agit pour l’équipe soignante d’une situation unique. Le stage proposé dure un an et n’est donc pas comparable aux stages de cinq à dix semaines effectués habituellement par les étudiants infirmiers et les élèves aides-soignants. Nous nous interrogeons donc sur la complexité et la difficulté à mettre en œuvre un projet pédagogique sans avoir l’expérience de ce type d’action.
Malgré son statut de stagiaire, nous veillons à intégrer Élodie à part entière au sein de l’équipe soignante. En effet, elle peut s’investir sur des prises en charge globales, auprès de patients rencontrés à la fois en consultation, en hôpital de jour ou en hospitalisation complète. « J’étais impatiente et très curieuse de découvrir la mise en pratique du métier d’aide-soignant après les cours théoriques que nous avons eus à l’association », indique Élodie.
Cette situation fait désormais écho aux propos de Jean Jouquan
L’alternance est le fondement de ce dispositif pédagogique. Élodie est en stage trois jours par semaine dans le service de psychiatrie-addictologie de l’hôpital Bichat – Claude-Bernard et bénéficie d’un apprentissage théorique de deux jours par semaine à l’association.
La loi du 12 juillet 1980
Selon le tuteur d’Élodie, ce dispositif est considéré « gagnant-gagnant ». En effet, la médiatrice en insertion professionnelle nous paraît à présent incontournable pour assurer le lien entre les professionnels, Élodie et l’équipe pédagogique de l’association. Ainsi, nous considérons que son rôle consiste à relier les deux pôles d’activité en échangeant et en questionnant les différents acteurs pour donner du sens à l’apprentissage. La médiatrice a un rôle particulier, qu’elle définit ainsi : « À leur arrivée, les stagiaires ne connaissent pas le fonctionnement d’un service de soins. Je suis là pour les accompagner dans cette découverte professionnelle avant qu’elles s’engagent dans la formation à l’Ifas. »
D’ailleurs, ce stage est rythmé par six rencontres qui se font obligatoirement en présence de tous les acteurs cités. Ces temps permettent à Élodie de questionner les apports théoriques et d’apprécier des écarts avec le contexte professionnel. Les rencontres sont thématisées et deviennent progressivement plus spécifiques au métier d’aide-soignant. Chacune des rencontres est orientée par un objectif intermédiaire qui se rapporte surtout à la dimension praxéologique en situation de travail réel. D’ailleurs, pour Richard Wittorski
Pour le maître de stage, les échanges et temps d’évaluation « sont un enrichissement mutuel, à la fois pour Élodie, son tuteur et l’ensemble des professionnels de santé ». En conséquence, nous pensons qu’il est surtout un référent qui guide Élodie dans le processus de construction de sa compétence à travers le parcours singulier de celle-ci en favorisant sa réflexion. Pour illustrer ce propos, nous citons Philippe Perrenoud
Ainsi, après concertation avec tous les acteurs au début du stage et à la fin de chaque rencontre, nous définissons les différentes activités d’Élodie. Après réflexion et suite aux échanges avec les différents acteurs, nous comprenons que la posture de cadre pédagogue ne se limite pas à l’organisation du dispositif. Selon nous, le dispositif que nous avons décrit illustre le modèle socio-constructiviste de l’apprentissage. Pour définir le socio-constructivisme, nous nous référons à Jean Jouquan
À ce jour, 65 % des stagiaires en insertion ont obtenu le concours et 80 % sont en emploi. L’investissement des professionnels de l’hôpital (équipe des ressources humaines, cadres de santé et aides-soignants) contribue fortement à la réussite de cette action. Chaque année, le partenariat se renforce : de nouveaux services ouvrent leurs portes au projet et des formations professionnelles sont mises en place (hygiène, échanges autour des pratiques pour les futures aides-soignantes). Quatorze services partenaires où les stagiaires bénéficient d’un tutorat. Il existe plusieurs possibilités en cas de non-admission au concours d’entrée en Ifas. Certains salariés de l’association, aujourd’hui diplômés, font désormais partie des équipes soignantes de l’hôpital.
(1) Professeur de médecine.
(2) Professeur de médecine.
(3) Jouquan, Jean. Bail, Philippe. “À quoi s’engage-t-on en basculant du paradigme d’enseignement vers le paradigme d’apprentissage ? » Pédagogie médicale, août 2003, n° 3, pp. 163-175.
(4) Loi n° 80-526, relative aux formations professionnelles alternées organisées en concertation avec les milieux professionnels.
(5) Professeur des universités en formation des adultes.
(6) Wittorski, Richard. “Le développement des compétences individuelles, partagées et collectives”. Soins Cadres, février 2002, n° 41, pp. 38-42.
(7) Docteur en sociologie et anthropologie.
(8) Perrenoud, Philippe. Développer la pratique réflexive dans le métier d’enseignant : professionnalisation et raison pédagogique. ESF, 2010, 5e édition. 219 pages.
→ La médiatrice en insertion professionnelle
Elle est salariée de l’association. Elle apporte son expérience professionnelle et assure le lien entre le personnel hospitalier, les stagiaires et l’association.
→ Le tuteur de stage
Le tuteur de stage est un aide-soignant du service de psychiatrie-addictologie. Il a pour principale mission de conseiller, de guider et d’accompagner le stagiaire durant toute la durée de stage. Il est la personne ressource qui s’assure que le stagiaire n’éprouve pas de difficultés particulières au sein du service.
→ Le maître de stage
C’est le cadre de santé qui assure la fonction de maître de stage. Il veille au bon déroulement du stage et à l’organisation de celui-ci. C’est lui qui définit les différentes missions de la stagiaire après concertation avec les différents acteurs en début de stage et à la fin de chaque évaluation. Il travaille aussi en étroite collaboration avec les responsables de l’association.
Élodie a eu six évaluations espacées de six semaines. Elles se sont passées sur le lieu de stage en présence de la médiatrice, du cadre de santé et du tuteur aide-soignant.
• Évaluation 1 : s’intégrer au sein d’une équipe professionnelle / organisation du travail
• Évaluation 2 : hygiène des locaux hospitaliers
• Évaluation 3 : transmission des informations / relation-communication
• Évaluation 4 : ergonomie / accompagnement d’une personne dans les activités de la vie quotidienne
• Évaluation 5 : l’état clinique d’une personne / les soins
• Évaluation 6 : bilan des compétences acquises en situation professionnelle