La profession propose ses idées aux candidats - Objectif Soins & Management n° 252 du 01/01/2017 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 252 du 01/01/2017

 

Actualités

Claire Pourprix  

Présidentielles La santé est réputée être la première préoccupation des Français. Pour maintenir l’efficacité de notre système de santé, le pérenniser, voire l’améliorer, les professionnels tentent de faire entendre leurs propositions aux candidats à la présidentielle.

L’actualité récente l’a tragiquement rappelé : les conditions de travail des soignants se sont dégradées, au point de conduire certains d’entre eux à se suicider. La situation est critique et la campagne présidentielle est l’occasion pour la profession d’alerter l’opinion publique et les candidats à la présidence sur l’urgence à mener des changements dans l’organisation du monde hospitalier.

Les propositions du SNPI

« Nous souhaitons que la profession soit acteur du débat car le sujet de la santé n’a pas été traité dans la campagne il y a cinq ans. Or, depuis dix ans, nous constatons une dégradation de la qualité des soins et des conditions de travail, souligne Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) CGE-CGC. Les politiques et les directeurs d’établissement raisonnent sur un temps court, alors que les bénéfices d’une réforme se mesurent sur le moyen terme. Tout ce que nous proposons permettra de faire des économies au bout de dix à quinze ans. » Parmi les propositions phares du SNPI : instituer un ratio des infirmiers hospitaliers par pathologie (ce qui coûterait plus cher à court terme car cela requiert des embauches, mais se révélerait rentable à moyen terme grâce à une meilleure prise en charge des patients) ; atteindre 3 % d’infirmiers de pratique avancée ; prendre en compte la pénibilité de la profession dans le calcul de la retraite sur des critères objectifs ; arrêter la multiplication des faisant fonction et instituer un vrai management.

Pour la Fédération hospitalière de France

La Fédération hospitalière de France (FHF) rendra publique sa plateforme de propositions après son conseil d’administration du 25 janvier. « Cette plateforme rappellera les valeurs du service public hospitalier et que notre modèle doit être renforcé », prévient David Gruson, son délégué général. Grâce aux remontées du terrain issues de son “tour de France des établissements”, la FHF demande que plus d’autonomie soit donnée aux établissements de santé. « Nous avons besoin d’assouplissement, il faut aider les hôpitaux à se saisir du dispositif des groupements hospitaliers de territoire. Nous allons faire des propositions pour valoriser le rôle de l’encadrement », précise-t-il. La fédération va aussi demander un renforcement du dispositif de délégation et de transfert des compétences inscrit dans la loi HPST afin d’en réduire les délais de mise en œuvre. En outre, elle se mobilise pour le déverrouillage du modèle économique de la télémédecine et de la téléconsultation afin que les établissements puissent les facturer comme des actes physiques pour « développer une stratégie de recomposition territoriale de l’offre de soins ».

Pour la Fédération de l’hospitalisation privée

De son côté, la Fédération de l’hospitalisation privée prône un « changement de culture en santé ». Dans un document intitulé “1 000 cliniques citoyennes s’engagent pour 2017”, elle propose de « mettre le service rendu au malade au cœur de la transformation du système de santé » via 22 propositions. Celles-ci relèvent de plusieurs champs : changement de culture, soins de qualité et innovants garantis pour tous (reste à charge zéro en milieu hospitalier), équilibre des comptes (loi de financement de la Sécurité sociale à l’équilibre) et équité dans la tarification public-privé, transparence et éthique de la décision publique. La FHP demande l’abrogation de quatre mesures pour « fédérer les acteurs, au lieu de les diviser » : supprimer les dispositions de la loi dite de “modernisation du système de santé” concernant le Service Public Hospitalier, mettre fin au plafonnement dit de “bénéfice raisonnable” introduit dans la loi Santé, adapter la réforme tarifaire du secteur des soins de suite et de réadaptation « aux véritables enjeux du parcours du soin », enfin, annuler la dégressivité tarifaire mise en place par la loi de financement de la Sécurité sociale 2015.

L’alerte des professionnels

Ce parcours d’horizon – non exhaustif – des revendications des professionnels de santé met en exergue des priorités et des prises de position distinctes selon les organismes. Après le mouvement du 8 novembre, organisé à l’appel d’un collectif de 17 organisations infirmières, le SNPI annonce de nouvelles actions le 24 janvier puis début mars. « Nous voulons alerter sur la situation car elle ne concerne pas que les professionnels de l’hôpital mais aussi toutes les personnes soignées. En quatre ans, les erreurs de soins ont augmenté de 48 % selon les données consolidées des ARS et les événements graves sont passés de 24 cas à l’AP-HP en 2013 à 74 en 2015, car le personnel est épuisé, souligne Thierry Amouroux. C’est un engrenage qui pousse à l’erreur. » Le débat promet d’être riche et animé. Même dans la rue.

ONI : le rôle prépondérant des infirmiers

L’Ordre national des infirmiers (ONI) va mettre en place une plateforme de propositions d’ici à la fin janvier, sur la base des propositions issues des concertations menées dans ses rangs en décembre dernier. Didier Borniche, son président, affirme que « la réflexion sera axée sur la qualité et la sécurité des soins ». Des axes concerneront le respect du modèle social de solidarité afin d’assurer un accès égalitaire aux soins et le positionnement de l’infirmier dans le parcours de soins du patient. « Les infirmiers représentent la première profession de santé en France mais ils souffrent d’un manque de reconnaissance et de considération », déplore Didier Borniche.

Il plaide pour l’intégration d’infirmiers dans les instances impliquées dans la politique de santé, aux côtés d’autres professionnels de santé bien mieux représentés (sous-entendu, les médecins), mais aussi pour une meilleure valorisation des compétences infirmières. Des propositions devraient donc toucher à la mise en place d’une « véritable filière de soins infirmiers universitaires ». « En matière de pratique avancée par exemple, notre pays est trop frileux alors que cela est inscrit dans la loi de santé. La loi HPST a prévu des actes dérogatoires or, si l’on a besoin de manière récurrente de nouvelles prérogatives infirmières, il faut soit les ajouter à notre métier socle et les inclure à la formation initiale, soit les inclure dans la pratique avancée, qui requiert un master. » La question de la valorisation des compétences devrait donc être un axe central des revendications de l’ONI avec, en corollaire, la rémunération correspondante. L’ONI espère profiter de l’écoute bienveillante qui caractérise les candidats en campagne pour faire passer ses messages.